Face à la crise, le dos au mur et la tête dans le sable
"Face à la crise" est le titre qui a été choisi pour l’émission télé qui offrira ce soir une tribune au chef de l’Etat. Mais comment faire face à la crise lorsqu’on a liquidé soi-même les moyens financiers d’y faire face en accordant un gros cadeau fiscal aux riches en début de mandat ? Apaiser, le temps d’un exercice d’avocat-comédien, l’inquiétude des français ne fera pas disparaître la réalité quotidienne de ces derniers qui chaque jour perdent plus alors que Sarkozy leur avait promis le contraire : de "gagner plus".

Le 5 février, Nicolas Dupont-Aignan publiait un article sur Agoravox qui commençait par ces mots : "Dans les périodes de crise on reconnaît la valeur des dirigeants à leur capacité à prendre en compte la nouvelle donne et donc à ne pas hésiter, autant que nécessaire, à changer à la fois de rythme et de cap". Le député de l’Essonne montre du doigt le premier ministre François Fillon qui déclare qu’il serait dangereux de changer de cap. Une petite phrase qui n’est pas sans rappeler celle de Fabius en son temps : "On ne change pas une équipe qui gagne". Et pour cause, Fillon ne veut pas perdre son poste.
Mais cette déclaration est aussi à rapprocher des propos récents de Sarkozy pour qui il n’existe aucune alternative à sa politique et qui écoute mais, selon ses propres dires, "ne tient pas compte". Et, en effet, le président n’a jamais daigné prêter l’oreille aux manifestations de mécontentement préférant les railler devant un public de rieurs gagnés à sa cause par un sarcastique "Désormais quand il y a une grève, plus personne ne s’en aperçoit !" Si par malheur on s’en aperçoit, il limoge à tour de bras quelques hauts responsables quelles soient leurs qualités par ailleurs. Le recoupement de ces petites phrases montre bien le caractère autiste, sectaire et hémiplégique de la vision et de l’action gouvernementales.
La France comme elle va...
A l’approche de l’intervention télévisuelle du président, qui a donné davantage l’image d’un chef de parti ces temps derniers, la cote de Sarkozy a chuté de 5 points en un mois pour se situer à 55 %. 55%, c’est aussi le taux de progression sur 6 ans du nombre de gardes à vue en France selon le quotidien Le Monde dans un article nommé "La France en garde à vue". Le journal émaille son propos de témoignages de simples gens et de journalistes interpellés sans ménagement et gardés à vue dans des conditions humiliantes et dégradantes : l’exemple donné de la couverture couverte d’excréments est assez honteux pour un pays comme la France. Comme est indigne la non prise en compte des conditions de plus en plus détériorées d’un certain nombre de catégories de Français : les petits retraités dont le minimum vieillesse est tombé en-dessous du seuil de pauvreté et qui ne peuvent plus se chauffer ni entretenir leur logement, les détenus qui s’entassent et se suicident, les travailleurs pauvres qui dorment dans leur voiture ou dehors, les jeunes qui n’ont plus d’autres perspective que l’octroi du RSA et l’acceptation des conditions sévères qui vont avec, les Guadeloupéens et Martiniquais qui subissent les prix élevés des produits de consommation courante, et, et et...Il y en a tant ! Mais qu’avons-nous pour réponse ? "J’écoute mais je ne tiens pas compte" ! Ou, version édulcorée et plus hypocrite : je prends en compte l’inquiétude légitime des Français mais il n’y aura aucun changement dans le train des réformes ni changement de cap ni amélioration du pouvoir d’achat.
La grande tromperie du "président du pouvoir d’achat" :
Tout est parti d’un slogan trompeur auquel des ouvriers ont mordu : "Travailler plus pour gagner plus". Outre le caractère "petit comptable" de l’esprit qui a conçu ce slogan simpliste, il y a le bilan : Un an après, l’exonération des heures supplémentaires est un fiasco selon le rapport officiel du gouvernement. Pire, des économistes annoncent que cela a eu pour effet d’accroître le chômage. C’était un slogan comptable en effet, ne gageant que sur l’aspiration des travailleurs à mieux finir le mois mais c’est oublier que le numéraire ne suffit pas. Le niveau de vie, c’est un tout qui englobe aussi bien les conditions de logement que la qualité des soins et le niveau de leur remboursement, la qualité de l’éducation et de la justice. Or, sur tous ces points, il y a régression tant dans l’esprit des réformes que dans les budgets affectés. Les ouvriers qui ont mordu à l’hameçon en sont pour leurs frais ; ils voient leurs conditions de vie se détériorer et portent un regard pessimiste sur l’avenir de leurs enfants, qui vivront sans doute encore moins bien qu’eux. C’est la fin de l’idée de progrès social.
Une politique ne se résume pas à des slogans comptables. Il y a aussi toute la part de l’humain, de la civilisation et des traditions à prendre en considération. Mais, là, Sarkozy crie au "conservatisme" et à l’immobilisme".
La considération n’est décidément pas le point fort de notre président, dont les écarts de langage ne sont que la part émergée. Nous en aurons la preuve encore ce soir où la démagogie prendra le pas sur la pédagogie et sur la prise en considération. Face à la crise mais le dos au mur (car la dette de l’Etat sciemment aggravée n’offre plus de marges de manoeuvre) et la tête dans le sable ("je ne tiens pas compte"). Toutefois, cet exercice qui sera certainement brillant permettra au chef de l’Etat de regagner des points de popularité et cela suffira pour redonner confiance au système qui, loin d’être inquiété par l’idée fallacieuse de "refondation du capitalisme" pas plus que bluffé par des mots aussi vains que "nouveau Bretton Woods" ou "Grenelle" de ceci ou de cela, sortira renforcé et pourra continuer de prospérer sur la misère du peuple.
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