Facebook : rien n’est gratuit… surtout sur Internet
Qui remet en cause le fait que la souscription d’un forfait pour un téléphone portable soit assortie de la possibilité pour notre opérateur (qui connait déjà notre identité, notre domicile et nos coordonnées bancaires) de savoir en permanence où nous nous trouvons, avec qui nous sommes connectés, ce que nous achetons et certainement à quoi nous ressemblons ?
Personne ! Le confort et le plaisir procurés sont tels que la contrepartie du service rendu semble naturelle, ou même sécurisante et utile, pour localiser un enfant par exemple ou rendre plus fluides les recherches grâce aux « suggestions »..
Qui remet en cause les fichiers de la Sécurité Sociale, des passeports, des permis de conduire, et de toutes les cartes, de crédit, de club, de bibliothèque, de fidélité, d'identité, etc., qui fournissent toutes une grande quantité de données personnelles et d'informations sur nous.
Personne ! Nous nous en remettons à la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Alors, pourquoi les révélations sur le fichage des habitués de Facebook ont-elles provoqué le raz-de-marée que l’on sait ? La raison est sans doute que les données recueillies ont été non seulement divulguées, mais qu'elles ont procuré (et continuent à le faire) des ressources juteuses au réseau incriminé en étant communiquées contre espèces sonnantes et trébuchantes à des clients (dont rien ne garantit qu’ils en ont fait « bon usage »).
Facebook, qui semble bizarrement devoir rendre des comptes pour tous ses confrères et complices, a accumulé d'énormes quantités de données qui lui ont été fournies volontairement, si ce n’est avec enthousiasme. La plupart des gens acceptent de subir des messages publicitaires en échange d'un service dit "gratuit". Après tout, il s’agit d’une pratique banale, familière : quand on achète un magazine, on s’attend à voir des publicités pour des produits ou des services supposés répondre à un besoin pour un lectorat ciblé. La presse « gratuite » a achevé de nous conditionner à cette réalité : les annonceurs ont acheté à ces journaux l’accès à nos rétines et nos cerveaux pour ainsi dire, "acheté" nos globes oculaires, et nous trouvons cela tout naturel, comme nous avons fini par trouver tout naturels les panneaux d’affichage et les pubs télévisées. Certains pervers sont même fiers d’arborer le logo de la compagnie qui a réussi à lui fourguer à prix d’or un tee-shirt qu’elle a fait fabriquer par des gamins en Asie pour trois francs six sous.
Et puis, tout d’un coup, patatras ! Les 2,2 milliards de clients de Facebook ont compris que le produit, c’était eux ! Un produit à vendre à tout annonceur estimant que le filon mérite d’être exploité. On peut toujours penser que les intéressés étaient naïfs en étant persuadés que leurs données restaient confidentielles mais la vague soulevée par ce « scandale » qui fera certainement long feu motre que les lois sur la protection des consommateurs s’arrêtent aux frontières alors qu’internet n’en a pas, de frontières.
Alors qua va-t-il advenir de Facebook ?
En dehors de celui concernant la vie privée de ses clients, la société devra affronter deux autres défis,.
- le premier est que cette mise sur la sellette fera que le titan américain aura de plus en plus de mal à échapper à l’impôt dans les pays où il opère
- le second est que toute entreprise qui domine le marché est considérée comme constituant un monopole de fait.
La fiscalité et les lois sur les monopoles sont des questions qui concernent les états. Pour ce qui est de la vie privée, si les utilisateurs ne veulent pas que leurs données soient vendues à des annonceurs, ils devront payer pour accéder au service.
Car il faut faire une distinction entre la vente autorisée de données, ce qui est monnaie courante dans les métiers de la communication, et les fuites non autorisées qui sont assimilables à du piratage tels que les téléchargements sans droits d’auteur ou la capture d’images personnelles. Il faut également faire une distinction entre l’utilisation confidentielle et anonyme de données utilisées par des universitaires pour réaliser des travaux de sociologie et leur utilisation nominative et publique par des marchands de lessive. Il existe sans doute moins de différence entre la vente de lessive et la propagande d’un parti politique, mais quoi qu’il en soit, la morale de l’histoire, c’est que la « vie privée » est en voie d’extinction.
L’intimité en ligne est une fable, ou alors il faut disposer de ressources suffisantes pour financer un service de protection efficace. Mais la plupart d'entre nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter que tout soit transparent nous concernant.
Je n’ai pas de téléphone portable, mais j’ai internet, sinon, comment publier un article sur Agoravox ?
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