Faites-Barrage !
Il y a plus d’un an retentit un « appel », nommons le ainsi, qui, émis par trois personnalités cosmopolites mondaines, appelait les jeunes de France à « se barrer ». « Barrez-vous » disaient-ils, fuyez ce pays qui ne correspond pas à vos attentes, qui fonctionne en vase clos et qui est sourd, car « gaulois », aux attentes du monde. Se barrer ou faire barrage, grande question, vaste programme.
Ces trois enfants gâtés ridicules sont trop aveugles pour comprendre qu’ils font eux-mêmes partie de l’actuelle aristocratie française qui porte un si grand amour à l’argent et à la frivolité, pris qu’elle est dans une étrange bouillie capitaliste puritaine, financière et faussement libertaire. Ces professionnels de la fausse subversion, ces « rebellocrates », qui se trompent eux-mêmes avant de chercher à tromper l’autre, resteront dans les esprits comme les étoiles filantes d’une médiocrité contextuelle entachée de l’odeur nauséabonde d’une époque.
Réussissant la prouesse de mettre d’accord, par son internationalisme cosmopolite, Besançenot et Copé, Félix Marquardt incarne par son message une des voies qui, il est vrai, s’impose aujourd’hui à la jeunesse française dans le rôle qu’aurait à jouer celle-ci dans la mondialisation.
Partez pour revenir. Certes. Il n’est pas question d’exclure cette dimension du discours Marquardiste, le vrai cerveau malade derrière cette entreprise grotesque. En effet, il est évident que les deux autres lurons ne servent que de faire-valoir à ce petit Spirou itinérant et déraciné des temps modernes.
Marquardt a 38 ans. Cela lui donne le droit de donner des leçons de moral à une jeunesse prétendument monolithe qu’il connait (si bien !) à travers son mode de vie délirant et mégalomane (c'est, du moins, ce que m'a laissé supposer sa nervosité humide sur le plateau de Laurent Ruquier).
De quoi cet esprit dont Marquardt souhaiterait nous voir imprégner est-il le nom ? A quelle richesse veut-il que la jeunesse française soit confrontée ? Voilà les vrais enjeux idéologiques que pose son appel.
Marquardt est le produit d’une histoire, la synthèse d’une époque. Il est le produit de l’union entre, d’une part, un capitalisme globalisé, financiarisé et « laissez-fairiste » et, d’autre part, la frivolité des mœurs mondaines comme cadre de valeurs indépassables. Il est l’exemple le plus achevé de tous ces hommes qui, après 1968 en France, se sont éveillés à la mondialisation par l’intériorisation des codes moraux nécessaires à leur construction identitaire, déracinée de toute chose car tournée vers le consumérisme productif et polluant comme unique perspective d’avenir.
Depuis lors, il règne en France une consommation permissive alliée à un système de production oppressif inédit, car financiarisée. Jamais Clouscard, même dans Cohn-Bendit, n’aurait pu assister à une telle matérialisation humaine de sa pensée. Par son immaturité à la fois vulgaire et naïve, Marquardt est presque beau.
Il le serait si, hélas, il n’était le représentant d’un darwinisme social grossier, reprenant à son compte la terminologie du « winner », du « looser », avec tout son cortège de désastres humains, d’accumulations de destins usés. Au laissez-faire d’Adam Smith succède le prendre-jeter de Marquardt.
Que veut Marquardt ? Si l’on suit la logique de sa pensée, peut-être n’irait-il pas au bout de celle-ci, il souhaite faire d’agents individualistes, décentralisés et innovants, ce qui est la caractéristique première de la société française moderne, des prédateurs nomades, ce que beaucoup d’entre eux sont déjà. La cible de sa dialectique est la population « jeune » de France.
Le monde est une jungle, la France s’y noie. Que faire ? Eh bien, jeunes français, apprenez le métier de requins en vous familiarisant à la langue des milieux interconnectés qui vous intéressent le plus et dans lesquels vous pourrez exprimer votre individualité agressive de la meilleure manière possible. Ce peut-être dans l’entreprise, le management, le droit des affaires, la finance. Aiguisez vos crocs pour que ceux-ci soient une extension de la dentition nationale.
Quelle alternative à ces perspectives que je trouve, pour ma part, peu réjouissantes ? J’oserai le nomadisme enraciné. Prenons le concept de voyage comme celui d’une errance constructive où la découverte d’autres cultures soit l’occasion d’un échange, d’un dialogue et d’une possible découverte d’un amour de soi, de sa culture, que l’on étendrait, par un jeu de miroir respectueux, à l’autre, cet hôte à travers lequel on se découvre.
Ne vous barrez-pas : partez à l’aventure pour faire-barrage à cette grande jungle émergente mondialisée. Que les voyages forment la jeunesse. De grâce, qu’ils ne la formatent pas.
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