Je suis de ceux qui pensent que les musulmans européens ont pour beaucoup vocation à rester ici. Ils sont là, ils se sont installés, ils vont faire souche, ils doivent pouvoir pratiquer leur culte dans des lieux dignes de ce nom.
Dans des mosquées avec où sans minaret, avec ou sans muezzin. On peut, on doit en débattre, on peut, on doit voter, ça ne me semble pas la question principale. Dans notre société de communication, où la forme et l’image l’emportent systématiquement sur le fond, où elles masquent celui-ci et le dénaturent même, on finit par en oublier l’essentiel. Car comme pour les « inquiétudes » exprimées sur la burqa, celles sur le minaret initient un débat où la question de fond est soigneusement évitée et contournée. Le politiquement correct ayant phagocyté toutes réflexions en Europe (quand il ne l’interdit pas purement et simplement), le « coup » du minaret ressemble à une ruse pour demander en fait plus largement : « Qu’en est-il d’un islam « pur jus » dans nos sociétés occidentales « démocratiques » (Je mets des guillemets vous savez bien pourquoi) ? M’étant déjà exprimé sur le sujet lors de précédentes tribunes (1), je ne m’y recollerai pas. Obsessionnel, mais quand même.
En revanche, ce que je retiendrai de la votation suisse, plus que le résultat lui-même, ce sont les commentaires de nos élites politico-médiatiques dans l’après scrutin.
Quel mépris ! (2) Le divorce d’avec la démocratie, d’avec le « demos », semble consommé pour nos cadors. Mais quel enseignement croient-ils nous dispenser en réagissant de la sorte ? Un seul. La démocratie n’est qu’une farce, qu’un théatre pour eux ! (C’est en fait une triste confirmation, après 2002, après le référendum européen.)
La démocratie selon ces gens-là, c’est répondre « comme il faut », comme ils le veulent, à une question bien choisie par eux, une question qui « sent bon ». Si vous avez l’outrecuidance de croire à votre liberté de jugement et de choix, à votre statut de citoyen, ces élites cooptées et endogames se feront un devoir, que dis-je un plaisir, de vous traiter publiquement sur tous les médias possibles, de sales fachos de votre race de m…. Excusez-moi, je suis un peu en colère. Mais où sont les Lumières dont ils se revendiquent être les héritiers ? Hubert Védrine voit juste, quand il dit que dans l’étroitesse du débat permis, ceux-ci (Les lumières) ne seraient pas tolérés plus de 15 jours. (3)
Et de nous faire croire qu’ici en France le problème ne se pose pas, et de se réjouir qu’il n’y aura jamais de votation de ce genre, ou qu’elle ne sera jamais acceptée par le conseil constitutionnel, et de nous prendre pour des abrutis en glissant vers des questions architecturales et urbaines, et de nous infantiliser en affirmant que le peuple ne peut répondre à ces questions que dans l’émotion, en restant étranger à toute réflexion rationnelle et intelligente, (cet argument, si si, je l’ai entendu de mes oreilles, il peut être rapproché des commentaires que des conservateurs obtus, pour ne pas dire bouchés exprimaient lors du débat d’avant et d’après guerre « pour ou contre le droit de vote des femmes » en France), et de « demander » aux Suisses de revoter (démocratie version « Europe »), et de relayer les menaces des radicaux islamistes que feraient peser sur l’occident cette expression démocratique et enfin d’en appeler à la cour européenne pour casser le choix du peuple… Mais qui paiera l’addition de vos erreurs ? Le peuple justement qui n’aura pas lui les moyens et sans doute pas l’envie non plus de suivre le 6e pilier de la « sagesse attalienne » (4), celui de l’exile en cas de nécessité, celui de la conversion à l’autre…
Un seul mot s’impose MM. Kouchner (5), Cohn-Bendit et consorts, MM. les journalistes… Ignoble ! Vous êtes pire que des « munichois ».
Dalil Boubaker, le débonnaire, recteur de la mosquée de Paris, qui n’a trouvé rien de mieux que de « prévenir » qu’il pourrait y avoir dans le monde musulman des réactions identiques à celles survenues après l’épisode des caricatures, accréditant ainsi une fois de plus que l’islam n’est pas soluble dans la démocratie, Boubaker qui dit « ne pas aimer ce résultat » (6), je le comprend mieux que vous, qui après avoir abattu notre république, sapez notre démocratie.
Et pour en finir avec ce coup de gueule, sachez que vous faites le lit de la radicalisation, de toutes parts. Votre mépris, votre défiance affichés sans fard de la démocratie, du peuple, vos dénis de réalité, votre lâcheté, votre politiquement correct, votre « angélisme », vos mots qui « n’enrichissent » que la novlangue, votre pensée unique, votre arrogance sans borne de clercs laïcs, vos amalgames en chaîne, vos réductions ad-hitlerum, votre mauvaise foi abyssale, votre cynisme, désespèrent les vrais démocrates, et encouragent les vrais fachos de tous bords (et leur donnent raison). Votre génération "bien pensante" est mure pour mutée en génération anti-démocratique, pour ne pas dire pire. Tout cela va finir par en susciter beaucoup, « d’émotion ».
Dans le tintamarre des commentaires d’après « match », je n’ai entendu qu’une personne politique pour dire que l’important c’était de se poser La question : « pourquoi cette réponse des Suisses ? »… C’est Rachida Dati (7), imitée ensuite par Basile de Koch, déguisé en candide sur le plateau de « Ce soir ou jamais » … Je n’ai entendu qu’un journaliste pour se révolter des commentaires des gens autorisés. C’est Ivan Rioufol, dont les interventions orales ne sont hélas pas à la hauteur de sa plume. (8)
Merci à eux.