Fake News de guerre 23
Avant de rapporter l'évènement de la semaine, la visite de l'AIEA, une petite vue d'ensemble du conflit.
Observatoire de la propagande :
« Les prix de l'énergie flambent à cause de la guerre en Ukraine », « le chantage au gaz russe », « La Russie a coupé le gaz ». Ces formules déclinées sur tous les tons dans nos médias sont mensongères : tout vient des sanctions contre la Russie, c'est-à-dire, en ce qui nous concerne, de la décision d'un seul homme, le président Macron, et de l'abandon des contrats gaziers à long terme au profit d'un système spéculatif. Qui plus est, le gaz de schiste américain est plus cher, plus polluant, et oblige à financer la construction de nouveaux terminaux.
Politique internationale
L'UE a déposé une motion à l'ONU pour que le bombardement de centrales nucléaires civiles ne soit plus considéré comme du terrorisme.
Un signe inquiétant pour l'Ukraine : des zestes d'objectivité surgissent par moment sur LCI, la chaîne ukrainienne française. Un général a par exemple expliqué qu'après avoir conquis la centrale, il était logique qu'une force militaire d'au moins 500 hommes soit présente pour la sécuriser – personnellement, il en aurait mis davantage !
Un signe inquiétant pour les Français : quelques gradés à la retraite semblent regretter d'avoir raté une guerre, comme Zangra, le personnage du désert des Tartares de Buzzati, adapté par Brel, qui chante « je ne serai pas héros »... A moins qu'ils ne soient en mission pour l'Otan, chargés de tâter le terrain pour passer de la guerre économique à l'envoi de troupes en Ukraine... et c'est tout aussi inquiétant. Halte au feu !
Rubrique nécrologique
Gorbatchev est mort. Les avis sont partagés, non pas sur le fait qu'il soit mort, mais sur sa stature. Les dirigeants occidentaux, qui seraient tous venus rendre hommage à l'homme de la fin de l'URSS - qui fut aussi le début de la grande braderie de la Russie -, sont très frustrés de n'avoir pu se montrer aux grandioses obsèques nationales qu'ils imaginaient déjà.
Rubrique militaire :
La contre-offensive ukrainienne dans la région de Kherson, longtemps annoncée, a eu lieu, mais les Russes l'ont contrée. Zelensky a annoncé une contre-offensive contre la contre-contre-offensive russe. En somme, si les cyclistes pratiquent le contre-la-montre, Zelensky veut absolument montrer son contre !
Rubrique francophonie
« Fake News » désigne les fausses nouvelles, et nos médias ont vu fleurir ad hoc les rubriques – en anglais parce que ça fait plus professionnel. Très utile si c'est fait honnêtement. Mais comment nommer les nouvelles vraies mais indésirables ? Celles qui sont authentiques mais ne collent pas à la ligne éditoriale, ou sont contraires au récit dominant ? Ne faudrait-il pas leur trouver un nom ?
Nous lançons donc un appel à nos lecteurs et à leur imagination : non-nouvelle, No News, non-info, Haute Info Politiquement Incorrecte (pour le conflit ukrainien, on parlerait alors des années HIPIes !).
Mais l'info de la semaine c'est, bien sûr, la mission d'inspection de l'AIEA à la centrale de Zaporijia, en anglais IAEA - onomatopée qui n'est pas sans rappeler le cri que les cow-boys lancent à leurs vaches quand ils ne sont pas au saloon : « Hiiihaaa ! »
La première difficulté fut la constitution de l'équipe, avec le refus par la Russie d'inspecteurs anglais ou américains – ces paranos craignant la présence d'espions...
Sur la photo de groupe façon « Men in black » ils sont quatorze courageux volontaires : M. Grossi, le chef de mission, et treize autres experts. Sont-ils donc 13 ou 14 ? Cette question en apparence anodine a pourtant failli faire capoter l'équipée !
Ils ont été convoqués à Kiev par le président Zelensky lui-même, raison du mystérieux retard.
- Pourquoi treize ? Vous êtes fou ! Ça porte malheur ! a fait remarquer Zelensky. Jamais je n'autoriserai ça... beaucoup de mes concitoyens sont superstitieux.
- Monsieur le président, chez nous, et dans l'UE en général, certains pensent au contraire que ça porte chance !
- Ah bon ?
- Oui, comme dire « merde » pour souhaiter bonne chance.
- Merde ? On dit ça chez vous ? C'est dégoûtant !
- Monsieur le président, considérez qu'ainsi, notre groupe d'inspection sera composé de 13 personnes ou quatorze, selon que l'on me compte ou pas, a précisé M. Rossi. Ainsi tout le monde sera satisfait, quelle que soit sa croyance - c'est le relativisme culturel, c'est scientifique.
- Brillant ! En même temps treize, en même temps quatorze ! On croirait entendre mon ami Emmanuel... OoooK ! Mais j'ai eu une idée pour magnifier votre mission : vous faire accompagner par des journalistes du monde entier ! Gros succès médiatique assuré !
- Euh... Monsieur le président, j'ai peur que ça fasse un peu barnum...
- Barnum ?
- Une caravane de cirque, un long convoi de véhicules publicitaires et bruyants, que ça nuise au sérieux de notre inspection, qu'on nous critique avant même d'avoir commencé.
- Mmm, mouii, peut-être, mais c'est dommage, la communication, c'est bien, j'en fais beaucoup depuis le début de l'invasion.
- Mais je vous promets des communiqués !
- Ah ! Bien, bien. Dans ces conditions... Attention de ne pas vous faire tirer dessus par les Russes, ah ! Ah !
- ...
Zelensky, déçu mais impressionné par leur professionnalisme, les a finalement autorisés à poursuivre leur périlleux chemin de croix – euh... de bombes.
Après un bref ralentissement dû à des tirs proches – d'origine indéterminée, ils sont finalement arrivés sains et saufs à la plus grande centrale nucléaire d'Europe, le compteur Geiger à la main et moteur en marche, prêts à repartir – on ne sait jamais.
Là, ils ont été surpris par une initiative de Zelensky : les faire accompagner au petit matin par un commando venu du fleuve, qui les protègerait durant leur inspection. Les Russes ont refusé cette délégation de « spetsnaz » et l'ont fait savoir à coups d'avions de chasse...
Après toutes ces péripéties, l'inspection a donc pu avoir lieu - enfin, pendant quelques heures, - et la photo du trou dans la centrale a fait le tour du monde.
Ils ont également recueilli les témoignages et pétitions des employés de la centrale et des habitants proches, qui supplient de faire cesser les bombardements, accusant les Ukrainiens.
Pour finir, M. Grossi, un rien grandiloquent, a déclaré, paraphrasant Mac Mahon :
- J'y suis, j'y reste !
Suite à quoi il est reparti, laissant deux inspecteurs sur place pour une durée indéterminée.
« Si je veux », aurait dit Poutine.
M. Grossi a aussi décrit « une tension latente à cause des raisons évidentes de la guerre. Il est évident qu’il y a beaucoup de combats dans la région ».
Ce dont on se doutait un peu, même sans être expert...
Notre opiniâtre envoyé spécial a pu l'interviewer brièvement avant son départ, pour préciser les choses.
- M. Grossi, l'AIEA va donc rester en place dans la centrale. Que répondez-vous à ceux qui craignent une répétition de l'OSCE au Donbass, avant l'invasion, organisme qui ne voyait jamais d'où venaient les tirs ?
- Les gars de l'OSCE, c'est des glands. Nous, c'est l'IAEA : « Hiiihaaa ! On est les meilleurs ! »
- Alors, selon vous, qui tire sur la centrale ? Vous avez bien une idée après votre inspection ?
- Nous avons pu constater que les tirs avaient une trajectoire grossièrement parabolique.
- En gros, ils tombent du ciel ?
- Exactement ! Mais nous n'avons pu déterminer qui les place dans le ciel. Ce n'est pas notre domaine de compétence.
- Soit. Alors, en tant qu'ingénieur spécialiste du nucléaire, quelle serait la première recommandation que vous feriez pour améliorer la sécurité de la centrale ?
- Je réponds sans aucune équivoque : arrêter de tirer sur la centrale.
- Merci, M. Grossi.
De son côté, si Zelensky a été satisfait que M. Grossi témoigne du viol de la centrale, renforçant ainsi ses nombreuses accusations à l'encontre des Russes, il s'est montré très mécontent des pétitions et du statu quo militaire :
« La principale chose qui devrait se produire est la démilitarisation du territoire de la centrale (…). Et il est regrettable que nous n’ayons pas encore entendu les messages appropriés de l’AIEA. Bien que nous en ayons parlé avec M. Grossi pendant notre réunion [mardi] à Kiev. C’était la clé, la clé ! Le point de sécurité de nos accords : la démilitarisation et le contrôle total par nos travailleurs du nucléaire. (Le Monde) »
On le voit, la fin de la mission ne fut pas exempte d'une certaine confusion.
Aux dernières nouvelles, l'Ukraine semble avoir reconnu des tirs sur Energodar, ville proche de la centrale, avant que l'on retombe sur le schéma bien connu de l'accusation mutuelle... ajoutant de la confusion à la confusion.
Finalement, la Turquie s'est proposée comme médiateur. Erdogan a eu une idée : « La centrale a six réacteurs, L'Ukraine et la Russie peuvent donc en garder trois chacun, mais on peut marchander ! » La France et l'Allemagne sont enthousiastes : « Une grande centrale, c'est une situation de monopole, mais deux petites centrales, c'est la concurrence libre et non faussée ! Ce sont nos valeurs ! » Visiblement, l'optimisme revient.
Poutine veut démilitariser l'Ukraine, et Zelensky veut démilitariser la centrale de Zaporijia. Avec toutes ces bonnes volontés de démilitarisation, nul doute que la paix soit à portée de tir, euh... à portée de main !
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