Fallait-il fermer les marchés alimentaires de plein air au coronavirus ?
Même si au moins un article sur ce site y va bien plus fort, ce billet va susciter bien des critiques si l’on en croit un sondage Elabe réalisé pour BFM-TV le 17 mars ayant révélé que 84 % des sondés étaient favorables au déploiement de 100.000 forces de l'ordre pour contrôler le respect des règles de confinement et à l’amende associée de 135 €. Il s’agissait toutefois de la première salve de mesures de confinement et on partage sans barguigner ce consensus sur la priorité accordée à la résistance du système de soins telle qu’exprimée par le Président le 12 mars, annonçant les premières mesures de confinement. On évoque ici plutôt la deuxième salve mise en place le mardi 24 mars, à la suite des annonces du Premier ministre. Entre-t-on alors dans la catégorie de ces diviseurs de la nation auxquels le Président faisait allusion lors de sa conférence de presse du 25 mars ?
Ce billet va d’autant plus susciter de critiques de la part de Français désormais très angoissés qu’il ne met pas en cause un éventuel retard ou autre défaillance du gouvernement dans le traitement de la crise sanitaire, et encore moins de la crise économique. Il y a certes des reproches légitimes concernant l’équipement des personnels soignants, en masques en particulier, de même que d’autres personnels sur la brèche, ou concernant la faible production de tests. Mais chaque pays s’est adapté en fonction de l’évolution de la contamination et de la capacité de son système de santé. On connaît l’histoire de ce médecin chinois décédé après avoir alerté sur le virus et arrêté pour ça. Mais la Chine étant une dictature, elle s’est très rapidement adaptée en imposant un confinement drastique, d’ailleurs régionalisé. Le nombre de cas de contamination n’est pas non plus systématiquement corrélé à la vitesse de réaction, avec les contre-exemples du Royaume-uni et du Brésil, qui en paieront peut-être toutefois le prix plus tard. On ne sait pas non plus pourquoi certains pays sont plus touchés que d’autres. Pourquoi la Norvège par exemple avec 7,56 cas pour 10 000 habitants le 29 mars, soit un taux supérieur à ceux de l’Allemagne et de la France ??? Peut-être les tests y sont-ils plus répandus ? On pense que la Lombardie a été la plus touchée en Italie car le commerce avec la Chine y est le plus développé. Mais l’expansion du virus est plus récente en Allemagne, qui commerce aussi beaucoup avec la Chine. On voit aussi que les modalités de transmission du virus sont très difficiles à appréhender et de surcroît, il n'y a pas de vaccin ou de traitement applicable en masse, même si la Chloroquine fait figure de candidat.
Mais la fermeture des marchés alimentaires de plein-air est néanmoins une mesure inappropriée. Le week-end du 21 mars, certains marchés parisiens étaient déjà désertés, beaucoup de commerçants portaient des masques, certains des gants, et des policiers municipaux en assuraient la surveillance. La plupart des clients semblaient aussi faire attention à respecter les consignes de protection. Au contraire, dans les supermarchés alimentaires, qu’il serait criminel de fermer en affamant la population, les frôlements semblent inévitables en raison de l’étroitesse des allées, des croisements impromptus à leur détour, des clients distraits etc., malgré les longues queues à l’entrée de certains de ces magasins, où la distanciation sociale n’est d’ailleurs pas supérieure à celle observée sur les marchés alimentaires de plein air.
Cette fermeture des marchés a aussi des conséquences néfastes, qui pourraient être évitées dès lors que ces activités fournissent des biens de première nécessité. D’une part, les ménages à faibles revenus sont très pénalisés car les prix y sont plus modiques que dans les supermarchés. Le confinement a un coût social. En Inde, paradis libéral où des millions de personnes vivent dans la misère, malgré une administration pléthorique et tatillonne, un plan de 20 Mds€ va être dévolu aux plus démunis ou fragilisés. D’autre part, les entreprises qui occupent les marchés alimentaires de plein air sont fragiles et leur disparition pourrait être définitive malgré les mesures de soutien mises en place par le gouvernement, dont on ne sait pas si elles ont pu en bénéficier. Les agriculteurs souffrent aussi du manque de débouchés.
La décision de réouverture semble maintenant à la discrétion des préfets, mais n’a concerné jusqu’à présent que de tout petits marchés. Si les marchés sont rouverts, les commerçants devront évidemment se conformer à des mesures de protection plus systématiques, notamment le port de masques et de gants, incluses dans le guide de bonnes pratiques établies par les professionnels, malheureusement en partie excessives (désinfection des mains à l’entrée et à la sortie, interdiction du libre-service..).
Par ailleurs, on peut s’interroger – si c’est encore permis – sur certaines autres dispositions du confinement. Y a-t-il plus de risques à sortir une fois par semaine pendant quatre heures pour faire de l’exercice physique ou une heure par jour ? Quels sont les risques si l’on se promène dans des endroits désertés ? Si l’on évite soigneusement les autres sur les trottoirs ? Dans la mesure où l’on ne sait pas combien de temps le virus reste en suspens dans l’air, mais plus probablement dans des espaces confinés, on prend peut-être un plus grand risque en prenant l’ascenseur. Bien sûr, les risques sont multipliés par le nombre d’individus en circulation et la situation deviendrait incontrôlable si le confinement n’était pas respecté. II y a aussi toujours des imprudents auxquels il faut rappeler en permanence les consignes de précaution et il est plus facile pour la police de surveiller des villes en confinement.
N'oublions pas non plus une déclaration de la chancelière allemande entendue le 21 mars sur Arte, selon laquelle il faudrait attendre que 60 à 70 % de la population soit contaminée pour que le virus disparaisse progressivement. Le docteur Michel Cymes, gardien des âmes et des corps, l'a d'ailleurs admis le 23 mars sur France2, en précisant qu'il s'agissait d'une stratégie cynique. Des sociétés humanistes ne peuvent en effet admettre un pourcentage élevé de malades sévèrement atteints et de décès si c’est évitable. Les dictatures et les démocratures contemporaines font d’ailleurs aussi tout pour cantonner le virus. Mais l’Allemagne a aussi adopté des règles de confinement, en interdisant par exemple les rassemblements de plus de deux personnes. Il ne devrait pas être interdit de discuter d’un réglage un peu plus fin du confinement en France. La sortie va d'ailleurs être délicate, et surtout très lente si on commence par les personnes guéries et celles testées, comme le suggérait le Ministre de la santé le 26 mars. Une règle dite des 3 x 2 pourrait mieux convenir que celles actuelles dans un premier temps : sorties pour faire de l’exercice dans un rayon de 2 km autour de chez soi pendant 2 heures, mais éloignement accru à 2 m de quiconque, quel que soit le motif de sortie. Ainsi, on permettrait à ceux qui ne connaissent pas bien leur quartier d’en faire vraiment le tour. On pense par exemple aux habitants du 8ème arrondissement de Paris :).
14 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON