Faut-il craindre la concurrence dans l’hydroélectricité ?
Après six années de bataille, la France a finalement cédé à la Commission Européenne. Les barrages hydroélectriques français vont être placés entre les mains de sociétés d’économie mixte dont le capital sera détenu par l’Etat et des sociétés privées. Cette ouverture à la concurrence ne manque pas de soulever des interrogations.
Les sociétés d'économie mixte (SEM), une bonne ou une mauvaise chose pour les barrages français ? Depuis près de six ans, Bruxelles et Paris s'affrontaient au sujet de l'ouverture de l'hydraulique français à la concurrence. La Commission Européenne a en effet imposé la remise en concurrence de 20 % (environ 5 000 MW) des concessions hydrauliques françaises, ce qui avait été finalement accepté par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Ecologie, mais qui trainait en longtemps face à l'opposition des principaux acteurs de la filière.
L'ancienne ministre de l'Ecologie du gouvernement Ayrault, Delphine Batho, s'est en 2012 fermement opposé à cette remise en concurrence et a chargé les parlementaires de proposer des solutions alternatives à même de satisfaire Bruxelles tout en préservant les intérêts du pays. La crainte de chacun est en effet que les barrages, très rentables, tombent entre les mains d'opérateurs étrangers alors que les acteurs français du secteur ont supporté l'essentiel des coûts jusqu'à présent.
Les députés Battistel et Straumann ont donc remis leur rapport, proposant une solution hybride qui a été validée par la nouvelle ministre de l'Ecologie Ségolène Royal : la création de SEM. Ces SEM seront mises à la tête des barrages français et leur capital sera partagé entre l’État et des entreprises, sélectionnées par appel d'offres.
L'ouverture du capital des barrages soulève cependant plusieurs questions. En effet, l'efficacité de l'hydraulique réside dans le fait que cette source d'énergie est très réactive et permet de répondre très rapidement à des besoins immédiats en maintenant le fin équilibre offre/demande. Les barrages ne permettent donc pas seulement de produire de l'électricité mais également d'optimiser le système électrique.
Il apparait donc nécessaire qu'il y ait une véritable fluidité entre tous les acteurs de la filière électrique. Or, l'ouverture à la concurrence peut entraîner des divergences d'intérêts entre opérateurs publics et privés. De plus, multiplier les exploitants peut réduire la facilité de dialogue et de coordination.
Aussi, l'arrivée d'acteurs étrangers alors que les opérateurs français ont accompli l'essentiel des travaux et des investissements peut affaiblir les champions nationaux. Enfin, alors que de nombreux experts estiment que les barrages français nécessitent d'être modernisés (beaucoup évaluent les travaux à un million d'euros), il semblerait que la priorité devrait plutôt être de réaliser ces investissements plutôt que de céder à la doxa bruxelloise d'ouverture du marché à la concurrence.
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