Faut-il encore espérer en cette époque d’achèvement de la foi ?
C’était en 1756. Un terrible séisme à Lisbonne et une célèbre note de Voltaire à ce sujet. Ce tremblement de terre était non seulement tragique mais aussi allégorique. Du moins pour les philosophes des Lumières qui y ont vu l’achèvement de la croyance en un Dieu bienveillant qui intervient pour alléger les peines humaines. Ces philosophes étaient pour la plupart déistes. Cette subtile nuance théologique suppose qu’un Dieu, pensé comme un grand architecte, avait créé l’univers, réglé ses lois mécaniques et naturelles, puis laissé le monde devenir pour le meilleur et pour le pire.
C’était en 1789. La bastille était prise d’assaut un 14 juillet. Les Français mettaient fin à des siècles de royauté et disons, 140 ans d’un Ancien Régime débuté avec Mazarin et Louis XIV, puis achevé sous Louis XVI. La bastille, encore une autre allégorie signifiant une perte de croyance envers la royauté et une défiance telle que le roi en fut décapité.
C’était en 1940. Après une drôle de guerre, la débâcle. Autre croyance qui s’effondra, celle de l’Etat-Nation initié sous le Second Empire mais réellement amorcé en 1870, avec la radieuse Troisième République et ses idéaux sculptés pour une bonne part dans les cercles maçonniques. Non sans un détail empoisonnant, le colonialisme. L’affaire s’acheva après que les comptes historiques furent réglés avec l’Indochine et l’Algérie. La foi dans la Nation s’effrita pour faire place à la croyance en l’Etat providence avec ses Trente glorieuses, son gaullisme social, son socialisme libéral, son chiraquisme de sauvegarde.
C’était en 1989. Autre puissante croyance, celle accordée au communisme. Largement entamée au cours du 20ème siècle puis, la chute du mur, la chute finale, et l’internationale avec, liquidée par une lutte finale gagnée non pas par les travailleurs mais par le système industriel. Le communisme, une idée vraiment pourrie. Pour laquelle il reste un dernier prédicateur, Alain Badiou. Paix à son âme !
C’était en 1995. Dernier sursaut d’envergure mené par la lutte des syndicats. La lutte des classes était enterrée depuis des décennies. C’était une manière de sauver l’Etat providence. Un dernier show pendant trois semaines, un Juppé laminé, puis une récréation de cinq ans avec le tandem Chirac Jospin. L’Etat providence suscitait de moins en moins la foi. Et ce 21 avril, un mélodrame électoral joué sur fond de crise économique déjà présente. Non pas une crise comme en 1929 mais plutôt une crise sociale.
C’était en 2008. Sept ans après l’effondrement des tours du WTC, un autre édifice s’écroula. Ce n’était pas du béton mais un simple dépôt de bilan, une faillite, celle de la prestigieuse banque Lehman Brothers. Depuis, les affaires ne se sont pas arrangées aux States. Les Américains ont perdu la foi dans l’Américain Dream. Fini le rêve amorcé après le ravalement mené de main de maître par Roosevelt, les utopies de l’ère Kennedy, le rêve d’un capitalisme populaire où tout le monde place ses économies en bourse, faisant reculer la pauvreté, associant les classes moyennes au partage des profits. Le rêve capitaliste dura l’espace de deux mandats démocrates. L’élection de GW Bush, elle ne surprend plus trop, s’inscrivant dans un déterminisme historique où les croyances naissent puis disparaissent.
C’est en Europe et en France que ça se passe, en 2010. La foi dans l’économie qui fit le succès de la campagne présidentielle menée au son du pouvoir d’achat et du gagner, cette foi s’est effondrée. Une chute accélérée par les difficultés industrielles et la dureté des comptes publics minés par une dette et un déficit alors que l’affolement des marchés paniqués par la dette grecque a signé l’effondrement d’une autre foi, moins puissante mais quand même présente, la foi en l’Europe providence. Bref, l’Europe, comme le Japon et les Etats-Unis, perd la foi économiste et n’a plus confiance dans la capacité du système à résorber des problèmes mis en avant mais qui peut-être sont des sous-produits de la pensée dominante. On comprend pourquoi le religieux augmente ses parts de marchés au sein du mercato des croyances.
On ne sera pas surpris que la foi en ce système décline. Il suffit de définir avec un brin de caricature le monde industriel où nous vivons. Le système emploie des gens pour travailler afin qu’il gagnent de quoi acheter ce dont ils n’ont pas besoin, tandis que les prélèvements du capital permettent à des nantis de gaspiller les profits en vidant des bouteilles de champagne sur des bimbos à Saint-Tropez ou alors d’acheter à prix d’or des croûtes sans intérêt dans les conventions de l’art contemporain. Mais il y a pire, ces gens qui travaillent pour acheter du superflu permettent aux Etats de mener des guerres inutiles dont le coût est exorbitant, pas moins de 3000 milliards de dollars pour l’intervention en Irak. Le millième de cette somme permettrait au Pakistan de relever la tête après les inondations de l’été 2010. Mais hélas, le système marche sur la tête et l’on comprend pourquoi la foi s’étiole. Surtout que les nouvelles technologies n’apportent aucun salut. Pire, elles enferment l’homme dans une subjectivité pathologique, voire un individualisme maladif.
La valse des croyances va de concert avec la danse des espérances. Nous ne croyons plus en rien et c’est une bonne nouvelle, car nous enverrons valser les croyances, les escroqueries idéologiques, les impostures religieux, pour installer un nouvel âge et danser de nos espérances non advenues en un monde où connaissant le potentiel spirituel, tout devient possible, à moins que l’état du monde ait franchi un point de non retour, auquel cas, il faudra faire avec la catastrophe et l’holocauste universel.
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