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Accueil du site > Tribune Libre > Faut-il faire table rase sur la Bureaucratie et la Sécurité d’emploi (...)

Faut-il faire table rase sur la Bureaucratie et la Sécurité d’emploi ?

Selon le Petit Larousse Illustré (1997), l’efficacité vient du latin efficax et désigne une action qui produit l’effet attendu, une action qui aboutit à des résultats utiles. L’efficacité au sens de la rationalité économique, au sens parétien, peut se définir comme une situation caractérisée par l’impossibilité d’améliorer le bien être d’un individu sans détériorer celui d’au moins un autre. En excluant tout jugement de valeur, le concept d’efficacité au sens parétien exclut l’équité sociale.

Selon Mercier (2002, p.60), l’organisation bureaucratique est caractérisée par la « spécialisation », la « hiérarchisation », la « dépersonnalisation », la « séparation de la propriété des moyens de production et du personnel ». Pour Mercier (/2002, p.61), les bureaucrates jouissent d’un « salaire fixe et de la sécurité de l’emploi ». Bureaucratie rime avec rapport d’autorité, et selon Dion (1993), Weber a spécifié trois formes d’autorité dont la rationnelle-légale serait la plus importante. À ces interprétations de la bureaucratie wébérienne, nous avons comparé le point de vue Ludwig von Mises dans son texte intitulé « La Bureaucratie » et traduit par Florin et Barbier. Nous avons noté son interprétation de la révolution française qui ne supprima pas la bureaucratie après son avènement mais lui donna une base légale et constitutionnelle, ce qui l’améliora. Nous avons apprécié l’idée de von Mises, à la fin de son texte, d’opposer l’organisation bureaucratique au « mobile du profit », c’est-à-dire à la rentabilité du capitalisme marchand. En transposant l’idée de von Mises, il est donc possible d’améliorer l’administration bureaucratique actuelle. Ce qu’il faut éviter c’est une bureaucratie caractérisée par la lourdeur, la mollesse, le clientélisme et l’arbitraire qui a toutes les chances de se résumer à l’inefficacité. Nous pensons qu’une administration marquée par plus de continua « post-bureaucratiques » que de continua « bureaucratiques » (Kernaghan et al., 2001) sera plus efficace.

Les États modernes comme l’État québécois développent des programmes sociaux qui nécessitent des interventions de qualité, rigoureuses et pertinentes (Lamontagne et Duplantie, 2007) exigeant de ce fait des compétences spécifiques. De façon général, dans ces États modernes, les questions délicates comme l’énergie atomique, les armes de défense stratégique ou la conception d’une politique économique complexe nécessitent souvent des experts en la matière (e.g. transports personnels durables). À cela, ajoutons l’expérience des fonctionnaires qui peuvent en venir à développer certains talents recherchés et prisés. Dans cette éventualité, la délégation de pouvoir par les élus qui, peuvent être incompétents dans certains domaines de politiques relève d’une démarche rationnelle. Aussi, au niveau judiciaire, en cas de manque de connaissances adéquates et dans l’objectif de mieux servir les citoyens contribuables, les autorités judicaires délèguent des pouvoirs aux sections administratives compétentes. Sous cet angle, la bureaucratie est nécessaire pour donner aux administrations publiques modernes des compétences spécifiques et l’expertise dont elles ont besoin pour servir utilement les citoyens électeurs et contribuables.

Pour résumer, dans les États modernes, les fonctionnaires en viennent à associer les fonctions administratives avec des tâches à caractères politiques ou législatifs. Il est évident qu’une telle situation sécurise les emplois des fonctionnaires concernés liant bureaucratie et sécurité d’emploi. Puisse que selon von Mises, la bureaucratie peut être améliorée dans un cadre constitutionnel et légal, en y ajoutant la conception wébérienne, nous admettons qu’elle doit évoluer dans un cadre constitutionnel, rationnel et légal. En vertu de la rule of law, il est nécessaire aussi qu’elle soit encadrée fortement. Cela permet d’éviter tout dérapage ou toute dérive sectaire lié aux pouvoirs discrétionnaires sans cesse grandissants des fonctionnaires surtout que ces derniers peuvent être influencés par les groupes de pression, les juges, les politiciens et les journalistes de diverses obédiences, etc. Le whistleblowing (Bec, 2000) sérieux institué et encadré pourrait accroitre l’imputabilité de la post-bureaucratie.

Sécurité d’emploi, bureaucratie et programmes sociaux

Au Québec, les programmes sociaux se rapportent à l’assistance financière, à la lutte contre la pauvreté, à l’aide à l’emploi et au logement, à l’éducation, à l’entraide communautaire et à la défense des droits, et cetera. Ces « investissements  » sociaux visent la correction de l’équilibre général inéquitable dérivé du libre jeu du marché. Cependant, de nos jours, la prestation des services sociaux, dans sa dynamique de territorialité et de contractualisation (Vigie, 2007) s’affilie plutôt à une logique marchande jugée efficace à certains égards.

Louis Coté (2008) soutenait que le gouvernement électronique actuel permettait la modernisation de la gestion administrative, la réduction des pesanteurs bureaucratiques et la facilitation de la culture « clientèles ». Parallèlement, l’analyse institutionnelle de Boyer (2006), « Employment and decent work in the Era of ‘Flexicurity’ », a établit que la sécurité d’emploi et les programmes sociaux des pays de l’OCDE contribuent à la promotion de la performance de l’économie, à l’innovation et à la création d’emploi donc à l’élargissement de bonnes possibilités pour les citoyens.

Dans le fond, c’est parce que l’emploi décent amène ; (i) une meilleur organisation qui permet aux firmes de mieux s’ajuster aux fluctuations, (ii) la sécurité du travail et la hausse du niveau de vie augmente la santé des travailleurs, ce qui réduit l’absentéisme, (iii) hausse les compétences des travailleurs, ce qui améliore l’adaptation des firmes à l’innovation technologique, (iv) sécurise le marché du travail engendrant une meilleur acceptation des risques, chose qui améliore l’adaptation technologique des firmes. Malgré son effet ambigu à court terme sur l’emploi, la sécurité des revenus qui en découle a une incidence à la hausse sur la demande globale. Boyer (2006) précise par la suite que ce résultat n’est pas garanti pour les pays en développement (PED) qui sont des États surchargés, clientélistes, mous et contournés (Louis Coté, 2009). 

En conclusion, il ne faut pas faire table rase sur la sécurité d’emploi et la bureaucratie dans un État moderne puisse qu’il est possible de les encadrer sur une base constitutionnelle, rationnelle et légale. De plus, la bureaucratie peut-être allégée par les technologies de l’information alors que certaines de ses méthodes s’affilient indiscutablement aux règles de la rentabilité tandis que la sécurité d’emploi dégage globalement des bienfaits. Dans cette logique, comment donc trouver des critères chiffrés fiables microéconomiques de mesure d’efficacité ? Constituant un coût économique pour sociétés et « clients », les temps d’attente peuvent-ils à eux seuls en permettre l’évaluation ?

Références

BOYER, R. (2006). Employment and decent work in the Era of ‘Flexicurity’, United Nations, DESA Working Paper n°32, ST\ESA\2006\DWP\32, september 2006. 

COTÉ, L. (2008). Éditorial, dans La gouvernance électronique : modernité de la gestion et mutation démocratique,Vigie, volume 11 numéro 1, juin 2 008.

 ----------(mai 2009). Sociétés, États et Bureaucraties en Afrique, présentation faite dans le cadre du cours ENP-7434, Gestion de l’aide internationale.

DION, Stéphane (1993). La bureaucratie, dans James Ian Gow, Michel Barette, Stéphane Dion, et Michel Fortmann, Introduction à l’administration publique, texte du recueille de texte du cours ENP-7505, ENAP, Été 2009.

LAMONTAGNE, R. et DUPLANTIE, J.-P. (2007). Contribution des producteurs de connaissances à la qualité des services sociaux, Vigie, volume 10 numéro 1 avril 2007.

MERCIER, J. (2002). L’administration publique, de l’école classique au nouveau management publique, Introduction, les Presses de l’Université Laval, 513p.

MISES, L. von (1946). La bureaucratie, Librairie Médicis, traduction de R. Florin et P. Barbier (2003), Réédition de l’Institut Charles Coquelin, version électronique.

VIGIE (2007). Territorialité, contractualisation et personnalisation de la prestation de services sociaux, Volume 10 numéro 1, avril 2007, p.4.

Texte 8 et Texte 10, Recueille de textes du cours ENP-7505, École nationale d’administration publique, Été 2009.

 


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1 réactions à cet article    


  • SALOMON2345 23 juillet 2009 16:31

    C’est l’abus en toute chose qui détruit et non la coexistence de la sphère « privée » avec « l’administration » à son service, à elle et à la Nation !
    La finance brigande (euphémisme) détruit autant le monde aujourd’hui que la nomenklatura soviétique hier et ses guichets, d’où on ne pouvait rien y trouver...hormis y faire la queue !
    Sauf à prétendre que l’impôt nuit à la collectivité, je ne sais alors comment peut fonctionner une société : son école, sa police, ses services généraux, son armée, etc ? Sachant - à ce sujet - que pour acquérir un Rafale, il faut le payer par l’impôt ! Quelqu’un qui le chiffre, quelqu’un qui le collecte puis quelqu’un qui le donne à qui le fabrique, lequel le livre...à notre armée ! Comment remplir cette démarche sans personnels ?
    Je sais, il est courant de prétendre que le fonctionnaire coûte mais sans jamais mesurer ce qu’il permet. Des patrons qui revendent l’heure de leur salarié avec coefficient disent la même chose : « mon ouvrier me coûte...oubliant ce qu’il lui rapporte !
    Demandez donc aux banques (qui n’ont pas encore dit merci et qui bricolent de plus belle) ce qu’elles pensent de l’Etat et de ses hauts fonctionnaires qui leur ont signés la protection de la République ?
    Demandez également aux Entreprises de BTP, actuellement sur les jantes, et qui supplient les collectivités (l’impôt) de vite lancer les investissements prévus dans les budgets territoriaux, afin de remplir leur carnets de commandes...vides, faute de clients »privés«  !!!
    Si l’on ne perçoit pas toutes ces nuances et les interdépendances des flux, on devient pire qu’un »idéologue«  : on enfile la bure du religieux...loin du réel, tout dans l’imaginaire !
    Une autre légende qui prétend que les petites structures PMI PME ou artisanales, font l’emploi en France : regardez lorsqu’une caserne ferme, un soustraitant d’un constructeur Automobile....tous les commerces suivent et ferment à leur tour ainsi, si AIRBUS quitte Toulouse, hélas, les boulangers et autres collègues subiront le même sort, c’est sûr !
    Alors, les malheurs du monde à cause des 35 heures, dès règlements »tatillons, des fonctionnaires : il y a de moins en moins de croyants à ce sujet et ils vont bientôt s’exprimer, l’été passé et revenant de vacances, fauchés et entourés par la menace des « Monopolystes » buvant le Champagne sur le Titanic...

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