Faut-il rétablir l’échelle mobile des salaires, mais est-ce possible ?
L'échelle mobile des salaires est une indexation de tous les salaires sur les hausses de prix constatées dans l'économie. Elle fut introduite en France en juillet 1952 par le gouvernement Antoine Pinay (gouvernement de coalition). Elle est supprimée en 1982 par Jacques Delors (PS) qui était ministre des Finances dans le deuxième gouvernement de Pierre Mauroy (PS).

Quelques rappels
En France, ce dispositif n’est donc plus autorisé depuis 1982 pour les salaires. Il y a toutefois une exception pour le Smic, dont l'évolution dépend explicitement (mais pas seulement) de celle de l'indice des prix à la consommation. La loi prévoit également quelques cas d'indexation ( éventuellement, les loyers sur l'indice du coût de la construction, par exemple), mais il s'agit de cas qui sont très limités.
Au sein de l’UE, l'échelle mobile existe encore dans certains pays, mais ils sont très peu nombreux. En Italie, elle fut appliquée dès 1947 dans le secteur industriel et étendu en 1957 à l'agriculture. Elle fut une première fois réduite en 1984, puis complètement abrogée le 31 juillet 1992 avec l'accord des différentes organisations syndicales. Pour les autres pays de l’UE, le système de l’indexation automatique des traitements et des salaires sur l’indexation des salaires existe en Belgique, à Chypre, Malte, au Luxembourg et au Portugal depuis 1986. Au Portugal, les négociations salariales se fondent sur les hausses de prix attendues et non celles passées.
En France, ce fut d’abord une revendication de justice sociale, avant d’être légitimée par la théorie macroéconomique keynésienne. Laquelle, au nom du libéralisme économique, fut ensuite accusée de tous les maux. Aujourd’hui, il semble que Keynes retrouve droit de cité, car, les nouvelles formes très différentes qu’a pris le travail, notamment, avec la nouvelle révolution numérique et son évolution, cela va avoir inexorablement un impact dans les rapports « travail-salaires-prix à la consommation ».
Ce que réclame certains paris politiques de gauche et des syndicats de salariés
Il va de soit que lorsque les prix augmentent beaucoup plus vite que les salaires, cela correspond de fait à une baisse du salaire réel.
Sans évoquer directement l’échelle mobile des salaires, les partis politique à Gauche réclament des augmentations de salaires comme pour le Smic, à savoir : « légiférer pour relever automatiquement les minimas en fonction de l’augmentation du Smic ».
C’est d’ailleurs l’une des deux demandes formulées par la CGT, l’autre étant de : « mettre en place l’échelle mobile des salaires, qui permettraient à tous les salaires d’augmenter en même temps que le Smic ».
S’il s’agit d’une mesure que l’on peut comprendre pour maintenir un juste niveau de vie acceptable, en particulier pour les plus modeste. Par contre, sans soutien de l’État pour les entreprises dans la conjoncture actuelle, ce serait pour le moins très difficile à supporter, avec en perspective des cessations d’activités et sa cohorte de chômeurs. Entre spéculation boursière et explosion du prix des énergies fossiles et des ressources fossiles, dont les terres rares indispensables au numérique, véhicules électriques, éoliennes, photovoltaïque, la situation ne peut que s’aggraver ... Mais avec plus de 3000 milliardsd’euros de dettes, l’État a t-il les moyens de soutenir financièrement les entreprises pour permettre la mise en place d’une échelle mobile des salaires ?
L’État peut-il soutenir les entreprises pour rétablir l’indexation des salaires sur les prix par l’échelle mobile des salaires ?
Voici ce qu’écrit la Banque de France le 13 Mai 2022 : depuis la fin de l’année 2021, l’inflation connaît un regain en France : « selon l’indice européen harmonisé, elle a atteint 5,4% en avril 2022 alors qu’à la même période en 2021 elle était proche de 1%. La forte hausse des prix de l’énergie a largement contribué à la dynamique des prix à la consommation. Outre les incertitudes sur la persistance de ce choc sur les prix importés, un facteur important pour la dynamique des prix à moyen terme est la boucle prix-salaires : face à une inflation accrue, les demandes salariales sont plus fortes, ce qui peut en retour alimenter les hausses de prix à moyen terme. Les négociations salariales font donc l’objet d’une attention particulière par les banques centrales car elles sont un critère important d’appréciation du caractère, durable ou non, de l’inflation »... https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog/les-hausses-de-salaires-negocies-pour-2022-ou-en-est A noter qu’au 1er Septembre l’inflation est de (5,6 %).
Certes, à l’instar de certains de nos voisins Européen, une taxation temporaire des superprofits s’imposerait et devrait être mise en place, y compris au niveau Européen mais cela ne saurait compenser totalement le coût réel de l’échelle mobile des salaires avec un cycle inflationniste, de même qu’avec le rajout d’une « contribution fiscale solidarité » pour les très riches, bien que celle-ci soit absolument socialement justifiée.
Concernant une taxation des superprofits, La FI de Mélenchon n’est d’ailleurs plus seule à la réclamer. Comme le souligne le journal Le Monde du 05 Octobre 2022, le directeur général de Shell Ben van Beurden, le patron de la première compagnie pétrolière européenne, a mis les pieds dans le plat, lors d’une conférence sur l’énergie, à Londres, mardi 4 octobre. Répondant à une question, il a affirmé que, « d’une manière ou d’une autre, il faut une intervention gouvernementale qui se traduise par la protection des plus pauvres, et cela veut probablement dire que les gouvernements doivent taxer les gens dans cette pièce ». A lire l’article : https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/10/05/taxation-des-superprofits-il-serait-paradoxal-et-choquant-de-voir-des-entreprises-s-enrichir-d-une-manne-tombee-du-ciel_6144483_3234.html
Si le taux de chômage reste stable et a légèrement diminué en regard la croissance démographique, on enregistre une mutation sociologique des emplois depuis 1982
En 1982, lorsqu’il fut mis un terme à l’échelle mobile des salaires, la population Française était de 55,720 millions d’habitants et le nombre de demandeurs d’emploi de 3,903 millions. Le nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail était en mai 1982 un peu inférieur à 1.800.000. Ce nombre représentait 7,7 % de la population active.
Au deuxième trimestre 2022 la population Française est de 67,939 millions d’habitants, soit 12,219 millions de plus qu’en 1982. Le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi en recherche d’un emploi (catégories A, B, C) s'établit à 5 152 100. Parmi elles, 2 944 700 personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2 207 400 exercent une activité réduite (catégories B, C) soit 7,4 % de la population active. A lire : https://statistiques.pole-emploi.org/stmt/publication
Par rapport à la population Française de 1982, avec 7,7 % de la population active et 7,4 % en 2022, on ne peut pas dire que le taux du chômage à augmenté. Globalement il a même très légèrement diminué, mais a toutefois subi une mutation « socioprofessionnelle ».
D’après le centre d’observation de la société, la structure de l’emploi par catégorie « socioprofessionnelle » depuis 1982 est tirée vers le haut par l’élévation des qualifications, le développement du secteur des services et le déclin de l’industrie. Parmi tous les emplois la part des cadres supérieurs a ainsi plus que doublé entre 1982 et 2020, passant de 8 % à 20 %. Celle des anciens « cadres moyens », devenus les « professions intermédiaires », a augmenté de 20 % à 26 %. Rassemblés, les cadres supérieurs et les professions intermédiaires forment désormais 46 % des emplois contre 27 % au début des années 1980.
Au cours des quatre dernières décennies, la part des catégories populaires pour l’emploi que sont les ouvriers a diminué. Les ouvriers ont vu fondre leurs effectifs, de 30 % à 19 % de l’emploi. Cet écart va encore se creuser avec l’évolution de la nouvelle révolution numérique dans les entreprises qui vont fonctionner avec très peu, voire sans intervention manuelle. A noter également que si la part des employés a progressé jusqu’au début des années 2000, elle a ensuite diminué. A lire : https://www.observationsociete.fr/categories-sociales/donneesgenerales/comment-evoluent-les-categories-sociales-en-france-2/
La nouvelle révolution numérique ne va-t-elle pas obliger l’État à intervenir pour imposer « l'échelle mobile des salaires ?
Faut-il rappeler qu’ Avec la nouvelle révolution numérique ou 4e révolution industrielle, ainsi définie par les experts du forum économique mondial de Davos, dans laquelle nous entrons à marche forcée depuis le début des années 2010 les robots changent de statut. De simples esclaves mécaniques, outils au service de l’Homme, grâce aux nouvelles « intelligences artificielles » et à l’interconnexion entre eux, les robots peuvent désormais, pour des taches intellectuelles ou nécessitant une dextérité des gestes, se substituer à l’homme avec une plus grande efficacité.
Il serait serait urgent de se pencher aussi sur la pollution engendrée par ce secteur du numérique, dont la croissance explose de manière exponentielle. La consommation des données mobiles 4G augmente en effet de 30 % d'année en année, ce qui va croître avec la 5G, l’ordinateur quantique et une croissance démographique exponentielle.
Selon les sondages, les Français se déclarent plutôt confiants dans l’Intelligence artificielle, ils reconnaissent son apport pour faciliter la vie quotidienne, par exemple avec de nouvelles méthodes d’achat et la réduction des mobilités domicile-travail, grâce au télétravail. Encore que de gros efforts restent à faire pour le rendre attrayant par la mise en place d’espaces « Coworking » au plus près des domiciles. En revanche, ils sont réellement inquiets sur les conséquences de ces technologies pour les questions d’emplois. Une sorte « de peur du grand remplacement par les robots » rôde dans l’opinion, ce qui est d’ailleurs justifiée pour certain emplois peu qualifiés…
Ne retenir que les seuls rapports entre l’homme et les robots dans la redéfinition du rapport au travail, bien que ce fût absolument nécessaire, avec la suppression progressive de l’intervention humaine dans les entreprises serait insuffisant, si l’on n’aborde pas les problématiques démographiques avec les besoins exponentiels inhérents en électricité et en approvisionnements de terres rares, dont sont issus les métaux rares
Si l’on considère également les prévisions des experts du forum économique mondial de Davos qui évoquent, par exemple, la perte de 5 millions d’emplois au sein de l’UE d’ici à 2025, on peut comprendre les craintes exprimées par les Français(es). Mais cela ne semble guère préoccuper les responsables politiques...
Plutôt que se « focaliser » sur l’échelle mobile des salaires, si on repensait notre consommation et certains avantages qui encouragent la natalité.
Mais pourquoi évoquer la question démographique ? Simple logique, plus on est nombreux, plus la demande en consommation augmente avec très souvent une surconsommation de produits inutiles gros consommateurs d’énergie pour les produire. Plus on a besoin de produire pour consommer, voire surconsommer, pour satisfaire ces demandes, plus la spéculation boursière est encouragée, plus les prix augmentent… Or les revers de l’échelle mobile des salaires, c’est qu’elle va contribuer à encourager cette spirale…
Les encouragements à la natalité ne peuvent donc par définition que contribuer à accroître les besoins de consommation et de surconsommation, notamment pour les enfants avec « les marques » vestimentaires, ce qui supposerait aussi, à l’instar de ce qui se faisait à une époque, l’obligation de la blouse à l’école. Il convient également de repenser totalement le système des prestations familiales.
Pour éviter de surconsommer, prendre aussi certaines mesures
Par exemple, concernant l’obsolescence programmée : la France est le premier pays du monde à avoir érigé l’obsolescence programmée en délit, à travers l’article L. 441-2 du Code de la consommation, selon lequel : « Est interdite la pratique de l’obsolescence programmée qui se définit par le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement ». Depuis 2015 donc, le délit d’obsolescence programmée est sanctionné par deux ans d’emprisonnement, une amende de 300 000 euros, pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires de l’entreprise – ainsi que des interdictions d’exercer. https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CODE_CCSM_ARTI_L441-2&scrll=CCSM002559&FromId=CODES_SECS_ASSU
Si cette pénalisation des pratiques d’obsolescence programmée a eu le mérite de marquer les esprits et d’inciter les industriels à se tourner vers des pratiques de fabrication et de production plus durables, modulables et robustes. Pourtant, la rédaction de cet article du code la consommation laisse, en pratique, peu de chance au consommateur de pouvoir y recourir, essentiellement en raison des difficultés probatoires. En effet, avec la définition du délit d’obsolescence programmée de 2015, une double charge de la preuve incombe au consommateur, rendant ce délit particulièrement difficile à appliquer.
L’interdiction de l’obsolescence programmée, et donc mieux recycler, voire partager des outils domestiques, ce qui va s’avérer de plus en plus nécessaire ne permettra pas pour autant d’éliminer le désir d’appropriation qui est toujours le plus fort chez l’être humain et sa surenchère à consommer toujours plus... La seule façon de pouvoir y influer ne peut passer que des incitations fiscales qui seraient « aggravées » pour certains produits restant à définir, y compris par rapport à la « mal bouffe ».
Stop ! surtout aux déchets alimentaires
Selon les derniers chiffres de l’Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME), le gaspillage alimentaire des foyers français représentent 30 kg par an et par habitant. Comble de la surconsommation, 7 kg de ce gaspillage concerne des aliments encore emballés.
Ce gaspillage a également un coût pour les ménages : entre 100 et 160€ par an et par personne, soit l'équivalent de 12 à 20 milliards d'€ par an en France.
Un restaurant collectif (cantine scolaire, self d'entreprise...) de 500 convives gaspille l'équivalent de 1000 tonnes de nourriture par an, soit 22 000 repas pour un coût de 33 000€ par an.
Ainsi dix millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année en France pour un coût 16 milliards d'euros.
D'un point de vue environnemental, l’empreinte carbone annuelle du gaspillage alimentaire serait de près de 15,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an soit 3% de l'émission de gaz à effet de serre de la France.
Pour conclure
Plutôt que d’instituer la l’échelle mobile des salaires qui ne peut qu’encourager l’augmentation des prix, et sans soutien de l’État qui serait indispensable aux entreprises, avec en final le contribuable qui serait mis à contribution, ne serait-il pas plus efficace de repenser en profondeur nos modes de consommation, en particulier pour stopper la surconsommation alimentaire et les 20 à 30 % de déchets alimentaires qui vont avec, ? Mais aussi, réduire considérablement les mobilités domicile-travail grâce au télétravail partout où il est possible, ainsi que l’usage des « jets » privés et navires de croisières. Il est aussi indispensable de ne pas faire l’impasse sur la question démographique ?...
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