Faut-il supprimer les partis politiques ?
Dans son "petit livre vert", un jeune colonel développait l'idée selon laquelle les partis politiques étaient un appareil de gouvernement dictatorial et la démocratie représentative une imposture permettant une dictature de la majorité. Un président élu avec seulement 18 % du corps électoral va en effet imposer à 82 % de la population, la destruction du droit du travail, l'ubérisation de la société et la destruction du pacte national de la résistance. La mort du parti d'Epinay et l'éclatement des ripoublicains démontre cependant un certain ras le bol émanant de la population envers les partis politiques traditionnels, accusés de favoriser leurs propres intérêts au détriment du collectif et de délaisser les idées au profit d'un consensus social-libéral.... Ils ne jouent en effet souvent plus leurs rôles traditionnels, les fonctions programmatiques ou de sélection des cadres sont remises en cause...
Faut-il les supprimer ? Quel système peut-on proposer à sa place ?
La déliquescence de la fonction programmatique :
Si David Hume est le premier philosophe à défendre le rôle institutionnel des partis (whigs et tories en Angleterre), en France les partis politiques au sens moderne n'apparaissent que relativement tard avec la création du parti radical et de la SFIO au tout début du 20 ème siècle.
Au 19 ème siècle, le vote était davantage communautaire. Dans ses souvenirs Tocqueville évoque ce aspect collectif lors de la première élection au suffrage universel direct en 1848 dans une petite commune du bocage Normand : « Le matin de l'élection, tous les électeurs, c'est-à-dire toute la population mâle au-dessus de vingt ans, se réunirent devant l'église ». Le choix des électeurs apparaissait donc comme très peu volatil et ancré dans des traditions.
Ce n'est que la constitution de la V ème République qui stipule expressément leur rôle : « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement ». Les partis concourent par conséquent à la formation l'opinion en proposant une offre politique diverse aux citoyens.
Avec la Mondialisation, la chute du bloc soviétique et le recul des grandes idéologies utopistes, les différences programmatiques disparaissent cependant au profit d'un consensus social-libéral selon lequel la société ouverte s'appuie nécessairement à la fois sur le marché et la démocratie. Les grands partis sont alors en accord pour réduire le déficit public, sur les aspects positifs de la Mondialisation, sur le libre échange, le recul de l'âge du départ à la retraite...
Si en 1979, Lionel Jospin déclarait : « l'objectif du PS n'est pas de moderniser ou de tempérer le capitalisme mais de le remplacer par le socialisme », c'est pourtant ce parti socialiste qui vota la loi bancaire dérégulant le crédit, l'acte unique, les privatisations des années 90, le cice...Le clivage concerne désormais des question sociétales périphériques afin de sauver les apparences : mariage gay, pma/gpa, légalisation du cannabis ou non, prostitution, droit de vote des étrangers….
Une sélection des cadres endogamique
Les partis politiques concourent également à la sélection des cadres. Ils participent par conséquent en théorie à la socialisation et apparaissent comme un lieu d'apprentissage pour les individus désireux de s'engager en politique et partageant un idéal commun.
Un temps, les structures politiques ont en effet assurer une certaine mobilité sociale, avec notamment le parti communiste dans les banlieues. Or aujourd'hui, selon un rapport de l'institut Diderot "Plus précisément encore, le déclin progressif du monde ouvrier dans l’hémicycle est particulièrement symbolique : il n’y a plus qu’un seul ouvrier élu député en 2012 (contre 3 en 2002 et 2 en 2007). A l’inverse, la part des députés relevant de la « classe supérieure » est en très forte surreprésentation par rapport à son poids dans la population active occupée."
Les exemples d'endogamie sont légions dans le monde occidental soit disant démocratique : famille Le Pen avec 4 députés au sein la même famille, les Debré, Delors/Aubry, Alliot-Marie, les Clinton ou Bush aux usa, Trudeau au canada, Michel en Belgique...Quelle serait la probabilité dans régime réellement égalitaire ?
la fonction tribunitienne...
La fonction tribunitienne est un concept développé par le politiste Georges Lavau à propos du parti communiste français. De prime abord, on pourrait croire que l'opposition désire changer le système, à l'instar du pcf ou du front national par exemple. Or derrière une volonté manifeste de renversement, se cache une fonction latente de légitimation du système ainsi que de canalisation de la critique populaire, en se posant comme le porte-voix de de certaines catégories de la population. Des partis d'extrême droite aux partis trotskistes, tous pour ainsi dire jouent le jeu de la démocratie représentative bourgeoise. C'est sans doute ce qui motiva De Gaulle à attribuer une place importante aux communistes dans le conseil national de la résistance afin d'éviter l'insurrection.
Cette théorie s'applique également plus que jamais aux syndicats qui pour la plupart pactisent avec le gouvernement. Depuis la Charte d'Amiens en 1906, le syndicalisme révolutionnaire s'est en effet effacé au profit d'un syndicalisme de cogestion, on est passé de Pouget à Laurent Berger ! Ces syndicats disent quand une grève doit débuter et se terminer, acceptent le mouvement de libéralisation en s'y opposant que ponctuellement. D'une logique offensive, ils sont passés à une logique défensive, n'osant plus demander de nouveaux droits...
Simone weil et la suppression des partis
Au début de la seconde guerre mondiale, la jeune philosophe Simone Weil, à ne pas confondre avec la moins bien brillante Simone Veil écrit un court essai intitulé « note sur la suppression des partis politiques ».
Elle rappelle tout d'abord que L’idée de parti n’entrait pas dans la conception politique française de 1789, sinon comme mal à éviter. L'idée de parti prendra sa source un peu plus tard dans la terreur : " Un parti au pouvoir et tous les autres en prison". L'essence du parti est par conséquent totalitaire.
Elle affirme qu'il s'agit de : « machines à fabriquer de la passion collective », que « Tout parti est totalitaire en germe et en aspiration »... Un peu à l'instar d'une foule chez Gustave Le bon, le parti politique construit de la passion, exerce une pression collective sur l'individu au détriment du raisonnement individuel et l'unique finalité du parti est sa propre croissance
Le tirage au sort couplé......
Dans son livre principe sur le gouvernement représentatif, Bernard Manin remet en cause le système représentatif. Selon lui les philosophes du 19 ème siècle à l'instar de Montesquieu, Harrington ou Madison considéraient le tirage au sort comme intrinsèquement démocratique et le système représentatif qu'ils défendaient comme aristocratique. Montesquieu affirmait « le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l'aristocratie ». Ainsi l'objection concernant le tirage au sort n'était pas technique mais plutôt pour des raisons politiques, la populace étant pour ces philosophes inapte de d'autogouverner...
Un système intégral de tirage au sort serait toutefois difficile à mettre en place dans un pays de 60 millions d'habitants. On pourrait imaginer un système mi représentatif avec proportionnelle (assemblée nationale par exemple) et le sénat tiré au sort, ce dernier devant valider le vote de l'assemblée sur le modèle de la navette parlementaire... Les listes pourraient être établies sur la base du volontariat et les élus bénéficieraient d'une formation ainsi que d'une rémunération. Dans ce cas, le sénat rejetterait une loi comme le traité de Lisbonne. Il s'opposerait probablement également à la future réforme de fléxibilisation du marché du travail. Mais bon c'est pas demain la veille !
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