Fillon est-il l’héritier de Philippe Séguin ?
par pgibertie
Depuis quelques semaines je retrouve le plaisir du combat politique, plaisir qui m’avait quitté il y a vingt ans avec la décision de Philippe Séguin de quitter la vie politique. J’avais espéré en 2012 le retour de François Fillon, gaulliste et séguiniste de toujours, mais il y eut alors de grand truandage de Copé. Hélas, comme il y a vingt ans la bobocratie médiatique se déchaine …
Le gaullisme, c’est le courage de la vérité et de la rupture, ce n’est ni le compromis centriste ni le mélenchonnisme
Pas d’indépendance sans politique sérieuse : la rupture de 1958
Lors de son retour au pouvoir en 1958, le général de Gaulle est naturellement préoccupé de conforter l’indépendance de la France ; celle-ci ne peut être effective si le pays reste obligé de quêter l’argent auprès d’autrui.
Il définit lui-même très clairement dans ses Mémoires d’espoir les buts de sa politique qui sont « la puissance, l’influence, la grandeur », mais aussi « ce degré relatif de bien-être et de sécurité que pour un peuple, ici-bas, on est convenu d’appeler le bonheur ». Et il conçoit l’économie comme la « base » matérielle permettant d’atteindre ces buts. Dans ces conditions, la notion économique maîtresse qui guidera l’action du général de Gaulle sera l’expansion parce que c’est elle qui permet d’atteindre à la fois « la puissance, l’influence, la grandeur » et « ce degré relatif de bien-être et de sécurité ».
L’idée dominante à l’époque, partagée par la plus grande partie du personnel politique, de l’administration et du monde économique était que l’économie française ne supporterait pas la concurrence étrangère et que l’on assisterait à un déferlement de produits étrangers, allemands en particulier en raison de la supériorité supposée de l’industrie allemande sur l’industrie française, qui conduirait donc à des fermetures d’entreprises et à l’explosion du chômage.
Ce fut une révolution que de prendre le contre-pied de cette opinion dominante et d’appliquer le traité de Rome, ce qui assurera le départ de la construction européenne et montre combien l’image d’un général de Gaulle anti-européen est injuste et inexacte. C’est sous l’influence des idées libérales – et hétérodoxes par rapport à la pensée unique protectionniste de l’époque – de Jacques Rueff que le général de Gaulle décida de cette orientation capitale de sa politique économique. C’est donc tout naturellement à Jacques Rueff, assisté d’un comité d’experts, qu’il confia la tâche de proposer un ensemble de mesures permettant de préparer l’ouverture de l’économie française. Ces mesures furent adoptées et mises en œuvre par le gouvernement du général de Gaulle à la fin de 1958.
Les leçons
La première, c’est que la vérité ne se trouve pas nécessairement du côté du plus grand nombre et que les élites, souvent prisonnières d’une pensée unique, peuvent se tromper lourdement.
La seconde, c’est qu’il n’y a pas de bonne politique économique sans pouvoir fort dont l’action soit fondée sur une vision globale de l’économie. Par pouvoir fort, nous n’entendons évidemment pas un pouvoir autoritaire, mais un pouvoir disposant d’un large soutien populaire, par conséquent assuré de sa durée, dont l’horizon et les préoccupations ne se limitent pas aux quelques mois qui le séparent de la prochaine élection et qui ne craint donc pas de prendre des mesures contraires aux intérêts de telle ou telle catégorie de citoyens, mais conformes à l’intérêt général du pays. De même, disposer d’une vision globale de l’économie, c’est établir une stratégie d’ensemble de son action sans la borner à n’être qu’une suite de réactions, plus ou moins heureuses, aux événements qui surviennent.
La troisième leçon que nous pouvons tirer du plan de Gaulle – Rueff, c’est que, s’il n’y a pas de progrès économique sans ordre – ordre dans les finances publiques, ordre dans la monnaie –, l’ordre ne doit pas être recherché pour lui-même, mais comme une condition mise au service de l’expansion. Ce qu’il y a en effet de remarquable dans le plan de Gaulle – Rueff, c’est que face à une crise financière et monétaire extrêmement grave, ses auteurs ne se sont pas contentés, comme l’auraient fait des hommes ne possédant pas leur envergure, de prendre des mesures permettant de parer au plus pressé en sacrifiant l’expansion, mais qu’au contraire, ils ont cherché le moyen de résoudre la crise financière et monétaire tout en promouvant l’expansion de l’économie française. Appliquant la maxime fameuse de Lyautey « Ne jamais dire ou chaque fois qu’il existe une chance de pouvoir dire et », ils n’ont pas choisi entre l’expansion ou la stabilité, mais ont voulu à la fois l’expansion et la stabilité.
Le général de Gaulle entend donc respecter, dans la conduite de la politique économique, les principes d’une gestion rigoureuse : préférer l’effort à la facilité, ne pas dépenser plus que l’on ne gagne, prévoir autant que possible les dépenses à venir, toutes ces règles de vie « domestiques » se transposant aisément au plan macro-économique.
Assurer le vote du budget en temps utile, projeter sur plusieurs années les engagements dans le cadre de lois-programmes, cantonner puis faire disparaître le déficit budgétaire, privilégier les financements basés sur une épargne longue et éviter les facilités de la création monétaire, autant de lignes de conduite dont l’adoption en 1958 tranche avec des pratiques trop longtemps tolérées.
Le plan de stabilisation de 1958 est en effet d’abord une « opération vérité » . Il suppose, pour porter tous ses fruits, un respect durable des grands équilibres.
Pour être pleinement efficaces, les mesures prises dans le cadre du plan de réforme de 1958 doivent être prolongées par une action à long terme, dans tous les domaines de la politique économique.
L’équilibre prix/salaires devra faire l’objet d’une constante attention. Dès la fin de 1959 quelques tensions apparaissent, notamment sur certains produits alimentaires. Elles s’aggraveront en 1962 et 1963 sous l’effet d’un fort accroissement de la demande interne dû au rapatriement rapide en Métropole de plus d’un million de Français d’Algérie. Le plan de stabilisation de septembre 1963, qui a pu être jugé un peu tardif, s’efforce d’y apporter remède. De même, après la grève des mineurs de l’hiver 1962-1963, la nomination d’un Comité de « sages » puis la convocation de la « Conférence des revenus » témoigne du même souci d’éviter autant que possible les dérapages en matière de salaires et de coûts.
En matière de finances publiques, le déficit budgétaire est proscrit et le besoin de financement global, y compris les opérations du Trésor, généralement connu sous le vocable d’ « impasse » , sérieusement contenu. Alors qu’à la fin de la IVe République, le déficit budgétaire proprement dit atteignait 20 % du montant de dépenses et 5,7 % du Produit intérieur brut, le redressement déjà amorcé en 1957 se poursuivra sans relâche jusqu’au retour à l’équilibre, atteint en 1964 ; le déficit, au cours des années où il subsistait encore, restant inférieur à 2 % du PIB.
Dans l’ensemble, les finances des collectivités et celles de la Sécurité sociale, grâce à un contrôle efficace des dépenses, restaient également en équilibre.
Le rétablissement des comptes fut la condition d’une politique d’indépendance nationale et de grands projets.
Avec la compétitivité retrouvée, le respect des grands équilibres assuré (budget, trésor, comptes extérieurs, prix et salaires), il faut :
fournir le cadre approprié à l’évolution des structures et aux réformes indispensables dans l’ensemble du tissu industriel,
assurer l’indépendance énergétique de la France,
encourager le développement des industries nouvelles
LA RUPTURE CHIRAC SEGUIN ET LA MODERNISATION DE LA FRANCE
Ceux qui reprochent à Fillon son libéralisme thatchérien devraient se rappeler du programme Chirac en 81 et en 86.
La suppression de l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail pour un licenciement est une réforme Séguin comme les premières formes d’annualisation.
Au final, Philippe Séguin se heurte à François Mitterrand sur les réformes les plus emblématiques de la rupture – l’autorisation administrative de licenciement et le temps de travail -, qu’il refuse d’avaliser par la voie d’ordonnances. « On en a plaisanté », notait le ministre, qui a recouru, chaque fois, à la loi, après négociations avec les partenaires sociaux. Quand la rupture est socialement accompagnée, ça passe. Quand elle n’est pas négociable, ça casse. Philippe Séguin a poursuivi le traitement social – en proclamant que « l’objectif n’est plus le plein-emploi productif »
la loi du 23 juillet 1987 de Philippe Séguin ouvre l’apprentissage à tous les diplômes et titres homologués de la voie professionnelle et technologique, du CAP à l’ingénieur et consacre ainsi l’apprentissage comme un système de formation à part entière.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/01/14/philippe-seguin-ministre-modele-de-la-rupture-par-michel-noblecourt_1291620_3232.html#dpwZ0Hd0ucTxkhKA.99
On se souvient de la campagne contre le traité de MAASTRICHT, Seguin a mené la campagne dunom et il avait raison . FILLON a suivi Séguin, il a voté non, JUPPE a voté oui pour donner la même monnaie à la Grèce et à l’Allemagne.
Pour autant, faire de Séguin( et de son disciple Fillon) un antieuropéen est une caricature. Il pensait que l’Europe ne pouvait être seulement un marché, encore moins une technocratie, mais une construction politique permettant une Europe sociale qui protège ses entreprises et ses salariés. Il se situe clairement dans le sillage du général de Gaulle qui, dès 1952, avertissait : « On ne fera pas l’Europe si on ne la fait pas avec les peuples et en les y associant. Or, la voie que l’on suit est complètement différente. Les peuples n’y sont pas ».
Or, dès son fameux discours du 5 mai 1992, Séguin nous avertissait : « Il est bien temps de saisir notre peuple de la question européenne. Car voilà trente-cinq ans que le traité de Rome a été signé et que d’Acte unique en règlements, de règlement en directives, de directives en jurisprudence, la construction européenne se fait sans les peuples ».
Au cœur de son combat pour une Europe des nations et des peuples, ce dernier a tout de suite estimé que la monnaie unique présentait un danger supplémentaire. Le traité de Maastricht allait mettre les nations, donc les peuples sous tutelle, ce qui lui était insupportable en sa qualité de républicain et de démocrate.
Sa critique sur le traité de Maastricht portait sur deux points essentiels : aggraver le déficit démocratique accumulé au fil des années, au lieu de tenter de commencer à le résorber, et prévoir un mode de gestion et des objectifs contradictoires pour la monnaie unique. On faisait en effet découler la politique économique du monétaire quand le raisonnement aurait dû être inverse.
SEGUIN ENTERINE Le CHOIX DES Français et entame un combat pour rendre viable la zone euro, jamais il n’envisagera que la France puisse quitter l’Euro
Philippe Séguin : « Une fois de plus, il nous faut considérer le monde tel qu’il est et non tel qu’on voudrait qu’il soit. Et dans ce monde-là, ce que la France peut apporter de plus précieux à l’Europe, c’est de trouver en elle-même assez d’énergie et de volonté pour devenir un contrepoids, pour équilibrer les forces en présence, pour peser lourd face à l’Allemagne, sinon pour faire jeu égal avec elle. Que la crise de notre État providence appelle de profondes réformes, je serai le dernier à le contester. Que cette modernisation, faute de courage politique, soit imposée par les institutions communautaires, voilà qui me semble à la fois inquiétant et riche de désillusions pour notre pays. Le meilleur service que nous pouvons rendre à l’Europe, c’est donc de nous engager résolument sur la voie du redressement national, c’est de restaurer la cohésion nationale et l’autorité de l’État. »
Qu’ai-je dit ? D’abord que j’étais un européen convaincu et exigeant, comme l’était le général de Gaulle, et ce depuis que je suis entré en politique. Ensuite, que le traité de Maastricht était un bien médiocre document, et qu’il le reste, mais qu’ayant été approuvé par le peuple il doit être mis en oeuvre, notamment à travers l’instauration de la monnaie unique. Enfin, qu’il serait criminel et dangereux de construire l’avenir de notre continent sur ce seul traité qui manque singulièrement de souffle politique, sauf à limiter la politique au respect de grands équilibres confiés à d’éminents techniciens.
Voilà pourquoi j’ai souhaité une initiative politique franco-allemande pour sortir de l’ensablement.
Je ne renie aucunement les principes qui m’ont conduit à me prononcer contre le traité de Maastricht, mais que le débat référendaire sur Maastricht s’est terminé le 20 septembre 1992, à 20 heures. Et qu’à 20 heures, il y a une nouvelle situation qui a été créée. Et qu’il faut en tirer les leçons. Nous avons perdu, il y a bien longtemps, la bataille d’Azincourt, notamment en raison de l’absence de fair-play des Anglais ce jour-là. Je le regrette, mais c’est ainsi. Telle sera ma conception de la démocratie et de la République. Au demeurant, nombreux aussi sont ceux qui m’ont parfaitement compris. On a ainsi écrit que l’ambition que j’avais de l’Europe n’était pas compatible… avec l’esprit réel de Maastricht…
Je pense que les opinions publiques sont prêtes à accepter les sacrifices qu’on leur demande à condition qu’on leur explique à quoi ils servent.
Il est vrai que, de toute façon, il faut lutter contre les déficits car nous sommes dans une situation qui devient intolérable »
En 1996 il propose de créer un pôle politique pour l’euro ( le programme actuel de Fillon) :
« Si on veut sauver le projet de monnaie unique, il va falloir que nous fassions aujourd’hui ce qui aurait dû être entrepris alors, il va falloir que nous mettions en place enfin l’initiative politique qui, seule, peut justifier, permettre, fonder le passage à une monnaie unique européenne. »
Quelle initiative ? Fidèle à son projet, réinjecter du « politique » là où il n’y a plus, selon lui, que de la « technique », il a plaidé pour que les « gouvernements » ne laissent pas aux Banques centrales et à la Commission de Bruxelles « organisme de fonctionnaires désignés par leurs gouvernements » le soin de décider seules de l’avenir de leurs économies. « S’il y a accord politique initial de la France et de l’Allemagne sur ces bases (…) alors nous pourrons concevoir de conduire ensemble notre convergence économique et de passer ainsi à la monnaie unique », a-t-il lancé, venant ainsi applaudir la récente annonce, par Jacques Chirac, d’une initiative de relance commune de Paris et Bonn.
Mais il y avait JUPPE
Les relations entre Jacques Chirac et Philippe Séguin ne seront jamais simples mais les deux hommes ont en commun un grand réalisme politique, qui finit toujours pas aplanir les passions.
Entre eux il y a Alain Juppé et « le plus caractériel n’est pas celui qu’on croit »…
S’il faut en croire JEAN LOUIS DEBRE, Juppé favorable à BALLADUR aurait négocié son ralliement à Chirac en échange de Matignon et de la présidence du RPR.
Certains amis d’Alain Juppé ont estimé que le Premier ministre n’aurait jamais dû supporter l’institution, entre Chirac et Séguin, d’un déjeuner du mardi.
Pour être emporté, Philippe Séguin a aussi de vraies patiences. Meurtri de n’être pas choisi par Chirac, il a désormais théorisé qu’il serait difficile de construire sur les ruines d’Alain Juppé. En 1997 c‘est la triste conclusion de l’impasse Juppe, la dissolution que refusait Séguin, la victoire de Jospin.
La bobocratie détruira Séguin, je me souviens du traitement que lui firent les média pour faire élire Delanoé à Paris.
Au cours des années 2000 Séguin, réfugié à la Cour des Comptes , se fait le partisan de réformes structurelles radicales sur l’analyse des causes du mal français. Ainsi a-t-il critiqué « l’absence de politique budgétaire à moyen terme et un défaut de vision ».Inquiet des risques de dégradation sous l’effet de la remontée des taux d’intérêt, et dubitatif sur la faisabilité d’un programme gouvernemental reposant sur des hypothèses macro-économiques « très favorables », Seguin fustige les ventes d’actifs de l’Etat dès lors qu’elles « sont utilisées pour le camouflage des déficits ». Pour assurer « un redressement durable des finances publiques », il a proposé d’agir sur le rétablissement des comptes de la sécurité sociale via de « nouvelles dispositions », les marges de productivité offertes par les technologies de l’information, la maîtrise des dépenses d’intervention. http://www.lemonde.fr/societe/article/2006/06/14/philippe-seguin-fait-une-lecon-de-rigueur-au-gouvernement_783347_3224.html#pIwZslj2WcGkpx0D.99
Il s’en prend férocement à la loi 2006 relative au volontariat associatif (qui a permis d’octroyer des trimestres supplémentaires aux 6 000 volontaires de la coupe du monde de rugby
Et il y a la mort du géant, les vraies larmes de Fillon
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