Fillon et Mélenchon. L’étrange alliance de deux super Egos
En dépit des apparences, Fillon et Mélenchon ont bien des points communs. Ils sont l'un comme l'autre autant de prétendants à la fonction suprême contre toute évidence mathématique, mais dont l'unique motivation tient seulement pour tout dire à leur ego surdimensionné.
Une confiance sans limites en eux mêmes, le simple plaisir d'occuper la tête d'affiche, ne serait ce qu'un court instant, ou encore la tentation du chaos pour tout voir périr avec eux, voilà ce qui les réunit. Mais certainement pas l'amour de la France, ni même et c'est plus grave celui de leur propre famille politique. Leurs choix jusqu'aux boutistes les conduisant sans état d'âme à désirer sciemment marquer le but décisif contre leur propre camp.
Rien à voir avec la hauteur de vues d'un Jadot ou d'un Bayrou. Les deux prêts à sacrifier pour la victoire leurs ambitions respectives qui n'étaient pourtant ni moindres, ni illégitimes. Tout cela sur l'autel d'une union républicaine et sacrée, au nom du seul et strict intérêt du pays.
Commençons par Fillon qui paraît le plus solide en dépit des apparences. Engagé dans une course suicidaire et de son propre aveu aux commandes d'un train (fou) qui ne s’arrêtera jamais, il n'est pas homme à renoncer. N'a t'-il pas le dos solide comme il l'a prouvé pendant 5 ans de souffrance à Matignon. Ce pilote du dimanche est vraiment prêt à tout pour remporter le titre, y compris au risque d'une sortie de route et de dégâts collatéraux. Même si les sondeurs, ces modernes oracles le menacent des pires déboires, sa démesure tragique ne le fera aucunement céder. Tel un Hitler crépusculaire, enfermé dans son bunker et dans le déni de toute réalité du terrain, il se cache de la foule et fuit le contact du peuple dans une campagne surréaliste dont il est le fantôme. Que lui importe après tout de perdre, s'il entraîne dans sa défaite et avec sa personne tout son cher peuple de droite. Les espérances soulevées avaient été trop grandes, le rêve trop gigantesque et cet esprit de revanche ou même de vengeance attendus trop longtemps. Fillon s'est vu et se voit toujours comme ce géant immortel qui aurait enfin cassé le fameux modèle social français, à l'instar de Margaret Thatcher. Celui qui se voit comme entré en résistance trahit au passage sans vergogne ses références qui sont celles de De Gaulle, qui créa cette Sécurité Sociale qu'il rêverait privatisée. Pas la moindre trace non plus chez lui dans son programme du catholicisme social progressiste qui est la doctrine officielle de l’Église dont ce zélé chrétien devrait pourtant se réclamer. L'horizon idéal vers lequel il voudrait projeter la France, tant sur les plan des mœurs que sur le chapitre économique nous ramènerait à vrai dire plus de 70 ans en arrière.
Exit pourtant des mises en garde de Georges Fenech qui recueille les réactions désespérées de la base sur le terrain et qui n'est quant à lui ni déconnecté de la réalité, ni de celle du terrain juridique. Fillon persiste et signe. Il a pour lui la culture de droite qui suit le chef, y compris jusqu'à un vaste suicide collectif. Il est juste ce gourou qu'il critique chez Macron et qui attend des autres une obéissance aveugle.
On ne gagne pourtant pas une campagne en se terrant de peur dans sa voiture capitonnée avec des vidéos artificielles retouchées par son équipe de com pour en gommer tous les ratés, mais en soulevant une vague d'adhésion gigantesque qui vous transporte, à l'instar du Chirac de 95 ou du Sarkozy de 2007. Cela s’appelle une dynamique et elle vous donne juste l'élan nécessaire pour prendre de la hauteur et prétendre au sommet.
On peut aussi et c'est un fait récent gagner par élimination, comme Hollande en 2012. Cette fois ci lequel sera le moins mauvais et quel est l'homme à abattre ? Mais Hollande n'est plus là et sa politique n'était elle pas de droite de l'aveu de beaucoup ? D'où un désir de changement et peut être pas systématiquement d''alternance automatique...
Ce brave Fillon a néanmoins reçu dans sa campagne le soutien du plus insolite des alliés. Mélenchon lui même s'est fait le meilleur avocat de ce diable d'homme et ne perd pas une occasion de voler à son secours dans l'éternel rebondissement de ses déboires judiciaires.
Est ce à dire que Mélenchon souhaite sa victoire ? Rien n'est plus vrai... Mélenchon a en effet acté la défaite de la gauche pour 2017 et s'inscrit déjà comme le futur challenger de 2022. Il table ainsi sur le tableau sinistre d'une France rendue exsangue par le projet ultra libéral de Fillon et prête à embrasser sans réserves le projet d'ultra gauche qu'il veut incarner. Ce faisant il s'appuie sur les précédents de Tsipras en Grèce et Podemos en Espagne. Par malheur, il n'a rien du charisme juvénile d'un Iglesias en dépit de ses pathétiques avatars hologrammatiques pour faire jeune, tel un vieux beau de la scène politique, lui qui est le doyen de cette élection mais qui ne brille ni par sa retenue, ni par sa sagesse. Les références idéologiques de ce geek, il les puise chez Robespierre sans doute, Staline peut être, ou à coup sûr Castro qui demeure son modèle.
Voila pourquoi et malgré les vaines et stériles approches de Hamon il se refuse à toute union de la gauche. Qui pourrait croire encore à son retrait réaliste au profit d'un candidat moins clivant ?
Ses procédés et son verbe sont ceux d'un autre âge. Il manie l'invective et l'injure avec un plaisir non dissimulé, desservi par une nature profonde dont la vulgarité insigne pourrait paraître l'émanation de la voix du peuple, si ce n'était là mépriser foncièrement ce même peuple, comme imbécile et illettré. Sa violence et sa brutalité en disent long sur le ton des premières mesures qui seraient les siennes si d'aventure son rêve se réalisait. En premier lieu desquelles l'interdiction probable et immédiate du FN qui représente quand même 30 % du corps électoral, au nom justement de la défense de la démocratie.
Il exige des garanties et pour cela demande qu'on lui donne des têtes et des purges staliniennes, réclame impérieusement la convocation d'une Constituante dont l'Histoire nous apprend qu'elle déboucha sur la Terreur. Il suffit de voir ses soutiens pour frémir devant ces nouveaux enragés, ivres de colère contre les riches et les religieux de tout poil, catholiques ou musulmans. Le chiffrage chimérique de son projet n'aurait pas d'autre effet que de transformer la France en une nouvelle VIème République des Soviets, en pressurant d'impôts dans des limites insoutenables ce même peuple qu'il prétendait chérir.
Mais au delà même de ce calcul cynique qui fut aussi celui des communistes allemands en 1933, jouant la carte d'Hitler pour précipiter le chaos et l'avènement de la révolution, il y a hélas juste la triste ambition d'un homme, qui tout comme Fillon n'a pas d'autre horizon que son aventure personnelle, même si celle ci voit par sa faute périr tous ses idéaux, s'il en eut jamais.
Il en adviendra pourtant de Mélenchon ce qu'il en advint de Marchais et des communistes en 1981. Mitterand les sacrifiant sans état d'âme au nom du réalisme et à vrai dire sans cynisme, du simple bon sens.
Ainsi sont donc posés les termes d'un bien étrange alliance entre la gauche de la gauche et la droite de la droite, en vue de faire perdurer contre toute évidence un clivage clair et sans ambages. Affrontement stérile, pourtant rejeté par la sagacité des Français et de leur désir viscéral de modernité qui a fait de tout temps la grandeur de leur peuple.
Peu importe à Fillon et Melenchon que leur combat soit compromis, archaïque et désuet, car brutal et cherchant la confrontation plutôt que le compromis. Les enjeux qu'ils soulèvent pour ces deux hommes ne sont à vrai dire que la somme de leurs mesquins intérêts. Autrement dit, en lieu et place de véritables idéaux, leurs simples super Egos.
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