Film sur Ilan Halimi : quand Arcady mettait les musulmans à l’index...
Souvenez-vous, c'était à la fin des années 80. Alexandre Arcady réalisait "l'union sacrée" avec Patrick Bruel et Richard Berry. Trente-cinq ans avant de réaliser une sorte de docu-fiction sur le calvaire d'Ilan Halimi, massacré par des barbares aux motivations autant racistes que crapuleuses, nous y reviendrons. Mais comme à l'époque du film avec Bruel, Alexandre Arcady se montre manicchéen et plein d'arrières-pensées. En conférence de presse il a mis à l'index Dieudonné comme source d'inspiration de la racaille Fofana, alors que ce dernier n'avait pour repères que l'islamisme radical et surtout le rap "hardcore", ce fléau qui abrutit et galvanise les jeunes désoeuvrés des cités pauvres. Si Dieudonné dérange certains, ses speechs n'appellent pas au meurtre de qui que ce soit contrairement à certains rappeurs et il reste un humoriste, dont les propos doivent être pris au second degré.
Revenons au long-métrage d'Arcady cité en ouverture de l'article. Contrairement à Dieudonné le metteur en scène n'a pas produit une comédie mais un brulôt à charge dénonçant les musulmans comme de dangereux terroristes. En gros, le scénario était le suivant : Bruel campe un flic juif qui doit composer avec un coéquipier musulman (Berry, aussi crédible dans le rôle que Clavier dans celui de Napoléon...) pour lutter contre un trafic de drogue orchestré par un "méchant" islamiste consul d'un état maghrébin (ou de l'Iran). Ses dealers sont tous arabes et ils tuent les pauvres lycéens blonds aux yeux bleus (la scène de l'overdose). Au début Bruel gueule auprès du commissaire "qu'il ne travaillera pas avec un arabe car les arabes n'aiment pas les juifs...". Bruno Cremer lui rétorque qu'il semble peu tolérant de son côté. La copine de Bruel vend des tapis et des objets d'art, le méchant consul sympathise avec elle mais cette dernière lui fait une crasse. Pas de quartier : la demoiselle se fait zigouiller par les sbires du barbu, et la vendetta se met en marche. Berry empêchera Bruel de se venger mais fera sauter le consul dans sa bagnole à la fin, après avoir rappelé par échange téléphonique à notre terrorisme que son islam n'avait rien à voir avec le sien (!). On ignorait que Richard Berry était converti à l'islam pour sortir une réplique d'une telle profondeur...
Bref ce navet, sauvé dans sa forme par le dynamisme d'un Bruel encore jeune à l'époque, n'avait pour autre but que de mettre à l'index les musulmans. Le même reproche qu'Arcady adresse aujourd'hui à Dieudonné, Soral et compagnie. Deux poids deux mesures. Récemment j'étais à Lyon pour raisons professionnelles, j'en ai profité pour visiter le musée des frères Lumière qui inventèrent le cinéma pour divertir et ouvrir l'esprit. C'est ce que les panneaux d'exposition nous rappelent. Les deux aventuriers seraient surpris de voir l'utilisation qui est faite aujourd'hui de leur invention en France ; car la démarche d'Arcady est digne d'un cinéaste soviétique. Son film n'a pour autre but que de montrer à quel point il est cruel de tuer un jeune israélite, comme si cela n'allait pas de soit. Et après ? Compte-t-il produire un film sur la vieille dame de 85 ans massacrée au coûteau par une racaille de son immeuble de Blanc-Mesnil (93), fait divers quasiment censuré dans les médias ? Ou sur l'affaire Bourarach, ce brave vigile maghrébin assassiné suite à une embrouille à l'entrée d'un centre commercial avec des jeunes israélites, dont le corps a été retrouvé tuméfié dans le canal de l'Ourcq ? Ou sur ce père de famille algérien tabassé à mort par une bande de jeunes blacks sur une bretelle d'autoroute ? Ou encore sur ce militaire blond ravagé lui-aussi dans une rue de Reims par une bande de racailles d'une cité HLM du coin ? Cela en ferait des longs-métrages à réaliser...
J'extrapôle ? Je confonds "racisme" et violence ordinaire ? Allons bon. Dans chaque cas précédemment décrit c'est la haine et le mépris de l'autre qui sont en cause. Le refus de celui qui diffère par son mode de vie, la couleur de sa peau ou ses habitudes culturelles... j'ai été enseignant en banlieue, je peux témoigner que le racisme concerne tout le monde et que personne n'est épargné. Alexandre Arcady ne l'a pas compris ; plus grave il assimile la douleur de la famille d'Ilan à la sienne car ses propres enfants auraient pu être victimes de Fofana. Il a donc réalisé un film communautaire qui ne concerne que lui et ses amis, ceux qu'ils considèrent membres de son "clan". Jamais il ne ferait un film sur les victimes décrites plus haut, ces morts ne le concernent pas.
Donc nous n'irons pas voir ce film nombriliste qui ne nous concerne pas non plus, si on suit la logique d'Arcady. Ce monsieur se révèle plus sectaire que Dieudonné qu'il dénonce et dont je connais l'ex-régisseur, Pierre Panet, le pote du quenellier. Ce type est cultivé, parle avec tout le monde, est un bon compagnon de comptoir. Il accepte d'être contredit sur ses opinions, ce qui n'est pas le cas du réalisateur. Question d'habitudes culturelles peut-être. Une chose est sûre, Alexandre Arcady ne rend pas service à la cause du vivre ensemble par le ridicule de sa démarche, au contraire. Ses productions sont au même niveau que les films est-allemands d'il y a trente ans, ces pseudo-westerns où les indiens étaient tous gentils et les cow-boys aux yeux bleus tous méchants (allez voir sur youtube ça vaut le détour !). C'est orienté et convenu. Pauvres frères Lumière, ils étaient loin de réaliser l'utilisation qui allait être faîte de leurs trouvailles, eux qui étaient intelligents et ouverts aux autres...
22 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON