First Ladies : les suprêmes bobos de droite
Qui de Valérie Trierweiller ou de Carla Bruni est la bobo de droite ? On a reproché à Carla Bruni son absence d’engagement, son caractère insipide ; mais n’est-ce pas le rôle d’une Première Dame de débiter des banalités kitschs, d’arrondir les angles, de faire bonne figure (parfois de manière assertive, c’est évidemment la meilleure option – Bernadette Chirac est cette Première Dame là). Reprocher à une femme « de gauche » de taire tout jugement critique, n’était-ce pas une bêtise monumentale ?
D’abord, Carla Bruni n’a jamais été une militante. Comme l’ensemble de ses homologues du star-system, elle n’a été un animal politique que par opportunisme, se contenant de s’aligner sur des critères ou postures pré-établies. Le show-biz consulte la politique comme un catalogue ; tout comme il conçoit son identité, fondée sur des standards extérieurs et collectifs.
Ensuite, que d’élans misogynes autour de ses ”prestations”. Et de toutes parts : les agenouillés de la petite bourgeoisie se sont pâmés devant le calque de Jackie Kennedy, contribuant à enfermer Carla Bruni dans cette image peaufinée délibérément et avec soin. Mais les détracteurs eux-mêmes ont été très machistes voir, bien que ce soit horrible pour eux de l’admettre, ”réactionnaires” : au nom de quoi, parce qu’elle était une femme, devait-elle affronter son mari pour se confondre en femme “indépendante” ; réclamer qu’une « femme de » soit exceptionnelle ou sacrificielle, n’est-ce pas un comble de misogynie ? De même, pourquoi devait-elle (et cette pression a obtenu gain de cause) nécessairement s’engager dans de quelconques causes ou se soucier de donner un visage humain à son couple ? Au nom de quoi aussi devait-elle leurrer la proximité populaire qu’elle n’incarne naturellement pas ? Enfin, qu’y avait-il de ridicule chez elle lorsqu’elle prenait la défense de son mari ? L’outrance des propos, oui ; mais pas le principe. Carla Bruni a été considérée comme une femme-laquais, une femme-objet et soumise, empruntant un rôle digne d’une autre époque ; mais le refus obstiné de toutes ces images supposent que la femme doit incarner un archétype moderne, donc lui-même restrictif, réprimant toutes “féminités” officieusement inadaptées, voir contre-natures.
A ceux qui voyaient en la personnalité de Carla Bruni un emblème de régression et la validation ambulante d’un fantasme machiste, l’allure et l’attitude de Valérie Trierweiller doit les réjouir. Voilà un archétype moderne, voilà la femme accomplie d’aujourd’hui telle que la réclame la propagande culturelle : libre dans sa parole, sans attaches, individualiste et affirmée, refusant le compromis même au nom d’institutions ou de normes supérieures à sa propre existence.
Valérie Trierweiller est intrinsèquement une femme de droite. Je crois que la société est faite d’archétype, entre lesquels nous naviguons, que nous pouvons réformer, réduire, synthétiser, dépasser… Mais nous n’y coupons pas. Et Trierweiler est absolument la peau de vache clinquante de droite, celle qui lit Paris-Match parce qu’elle rêve d’y figurer, celle qui appartient à la classe dominante ou rampe en coulisses et brandit son arrogance en public pour y parvenir.
Si François Hollande se réjouit probablement d’avoir un archétype aussi recherché et positivement connoté à ses côtés, sans doute regrettera-t-il finalement que les motifs de cette union soit si évidents. Bien sûr, l’amour est là, peut-être, qui explique tout ; mais l’identité et les aspirations essentielles de chacun plus encore, ainsi que les manques à combler. Si Valérie Trierweiller est la femme de François Hollande, ce n’est pas parce qu’elle se languit d’être à ses bras (elle cherche à éviter d’apparaître ainsi et réprime ce qui le suggère), ce n’est pas pour son charme ni sa répartie, ce n’est pour son aura ni sa puissance ; c’est parce qu’il est un lien vers le pouvoir (ou l’illusion de pouvoir). Mais un lien seulement ; un lien qu’elle peut dominer, qui ne lui fait pas d’ombre ; un lien assumant un certain principe de réalité, endossant les rôles vulgaires de tribun de circonstance et animateur social. Valérie Trierweiller se veut une femme de caractère et le revendique, par son bougisme permanent, son refus des règles… du moins lorsque cette trempe d’affranchie est ostensible. C’est une battante, mais une dominante relative et absolument pas une initiatrice. Que lui doit-on ? Autant qu’à son cher mari : rien, pas la moindre vision, pas la moindre réalisation, pas la moindre intention ou pas au degré de force et d’audace de véritables leaders, de personnalités dirigeantes. C’est un couple normal : lui est facétieux, elle est ambitieuse. Mais ils ne sont pas des guides ; et s’ils jouent collectif, c’est toujours pour se fondre, pour trouver une place adaptée, sécurisante pour l’un, gratifiante pour l’autre, ouverte aux succès et honneurs faciles pour les deux.
Lorsque François Hollande a été élu il y a trois mois, les journalistes ont souligné les positions « radicales » et l’intransigeance de gauche de Mme Trierweiller, assurant le badaud qu’elle serait, à titre personnel, à l’échelle du ”roman”, la branche gauchiste et sociale de son Président. J’aimerais savoir qui a pu adhérer à une telle promesse ; d’ailleurs, le souci pathologique de l’image (voir tout simplement de la photo) de Trierweiller dépasse la caricature, au point que l’archétype de la femme d’influence comme celui de l’activiste idéologue volent totalement en éclat. Valérie Trierweiller est une femme qui s’aime, ou cherche à s’aimer et considère chaque événement sous son potentiel social et ”archétypal”. Au défilé du 14 juillet, c’est celle qui écrase les invités prestigieux. Au moment des législatives, c’est celle qui dit tout haut ce que ses camarades pensent tout bas.Valérie est une réplique, un miroir même pas déformant de Carla ; l’une était une bohémienne de salon et est devenue une first lady collet-monté, l’autre est une femme « de gauche » se comportant comme la pire peau de vache conservatrice. Les deux ressemblent à la Glenn Cloose de Mars Attacks : elles n’en peuvent plus d’elles-mêmes et canalisent leur cynisme au moyen de postures chics et tocs.
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