Football : les Pays-Bas condamnés à battre la Roumanie pour faire mentir la rumeur ?
Dans un tournoi comme la Coupe d’Europe de football, la victoire ne s’arrache pas seulement sur le terrain. On peut chercher en dehors à exercer un ascendant sur l’adversaire pour le contraindre à agir contre son intérêt. Une rumeur que les Français attribuent aux Italiens et vice versa, mais qui profite aux uns et aux autres, court depuis la défaite de la France face aux Pays-Bas dans des proportions comparables à celle de l’équipe d’Italie, 4 à 1 pour l’une, 3 à 0 pour l’autre. Elle est née d’une situation particulière.
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Les scénarios
À la veille du 3e et dernier match de qualification pour les quarts de finale, France et Italie ne sont plus maîtresses de leur sort. Les Pays-Bas sont déjà qualifiés et la Roumanie, qu’on n’attendait pas, est 2e du classement avec 2 points après les deux matchs nuls qu’elle a vaillamment obtenus contre la France et l’Italie qui n’ont chacune qu’un point.
Sur le papier, selon la formule consacrée, les trois pays encore non qualifiés conservent toutes leurs chances. Mais les scénarios diffèrent singulièrement de l’un à l’autre. Une victoire de la Roumanie sur les Pays-Bas lui ouvre la porte des quarts de finale, indépendamment du résultat de l’affrontement entre la France et l’Italie. En cas de défaite ou de match nul, la France ou l’Italie prend sa place, sous réserve que l’une l’emporte sur l’autre.
Les motifs rationnels d’« un arrangement »
Or, après leurs deux prestations contre les champion et vice-champion du monde en titre, on voit mal comment les Pays-Bas pourraient s’incliner contre la Roumanie, certes valeureuse pour avoir résisté à la France et à l’Italie, mais sans doute pas encore au niveau des Pays-Bas. Une défaite de ces derniers est donc difficilement concevable sauf à imaginer une stratégie que la rumeur a qualifiée, selon son origine, de « biscotto » ou d’arrangement.
Ce soupçon est fondé sur un raisonnement apparemment solide qui tend à le valider. Les Pays-Bas peuvent avoir intérêt à éliminer la France et l’Italie pour ne pas avoir à retrouver l’une ou l’autre dans la suite de la compétition. L’expérience a montré, en effet, que ces deux équipes peuvent malgré des débuts laborieux se montrer ensuite redoutables et disputer une finale. Les Roumains n’ont pas encore cette aura. Or, les Pays-Bas ont la possibilité d’écarter selon leur bon plaisir ces deux rivaux dangereux : il leur suffit de concéder une défaite devant la Roumanie.
Un match réduit à une formalité
La glorieuse incertitude du sport est donc ici bien neutralisée. La situation montre que dans ce genre de compétition une qualification peut ne pas s’obtenir seulement sur le terrain, mais par des calculs en fonction des forces en présence qui peuvent réduire un match en formalité, même si des dizaines de milliers de fans en délire se pressent autour du terrain pour assister à une rencontre truquée dont le résultat est acquis d’avance. Ce n’est pas la première fois, c’est vrai. On connaissait les achats de joueurs ou d’arbitre pour gagner ou pour perdre. Voici cette fois la logique de la victoire finale à tout prix qui peut s’imposer : la recherche d’une victoire inutile peut être un calcul à courte vue et au contraire celle d’une défaite la promesse d’une victoire plus assurée à long terme.
La stratégie de la rumeur calomnieuse
C’est cette stratégie que "la rumeur franco-italienne" vient de tenter de contrer hors du terrain. Elle cherche à discréditer d’avance toute défaite que les Pays-Bas pourraient être tentés de rechercher, comme un arrangement dans le seul but de faire barrage à la France ou à l’Italie. Elle jette sur une éventuelle défaite un soupçon définitif qui tire argument à la fois de la maestria dont ont fait preuve les Pays-Bas contre les deux pays et de l’intérêt qu’ils auraient à y consentir.
Les Pays-Bas sont donc enfermés dans un dilemme qui les oblige à la victoire pour échapper à tout soupçon. Une défaite jugée à la fois impossible et complaisante faciliterait peut-être leur parcours ultérieur dans la compétition, mais au prix d’une entorse à l’une des fameuses règles de la sportivité qu’est la loyauté, si rarement respectée. Entre une victoire sur la Roumanie et l’opprobre d’une défaite qui sera pour toujours soupçonnée de déloyauté jusqu’à discréditer une éventuelle victoire finale, les Pays-Bas ne sont-ils pas ainsi condamnés à la victoire et à laisser leurs chances à la France ou à l’Italie ?
On peut être sûr en tout cas que la prestation des Pays-Bas va être examinée à la loupe pour traquer la moindre nonchalance ou la moindre maladresse qui viendront au terme d’un raisonnement logique confirmer la prémisse paranoïaque d’une défaite consentie.
Cette accusation préventive fait peu de cas, on le voit, de l’équipe de Roumanie dont les deux performances réalisées contre les champions et vice-champion du monde sont à dessein minimisées. Qui dit qu’elle n’est pas en mesure de battre les Pays-Bas à la loyale ? Mais le soupçon est jeté : « La calomnie, Monsieur !, lit-on dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plus plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien. »
Il va de soi que si le football professionnel avait donné par le passé des preuves de son intégrité, pareille calomnie ne rencontrerait aucun crédit. Les artisans de la rumeur ne l’ignorent pas. Ils ont donc su en jouer.
Paul Villach
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