France et Québec. Faire bouger l’éducation (1)

L’éducation est apprentissage de valeurs, de culture, d’expertise et est donc essentiellement un outil de conservation … et de conservatisme. Chaque société à ses savoirs–fétiches et ses moyens d’apprendre : SON système d’éducation. Chacune tient farouchement au sien, mais les moyens d’apprendre n’en évoluent pas moins constamment et c’est alors dans les voies distinctes que prend l’évolution de leurs systèmes d’éducation respectifs que se reflètent leurs spécificités.
Chaque société dépoussière l’éducation à son rythme et innove à sa façon ; mais la problématique de base de transmission du savoir valant pour tous les sapiens sapiens, il est permis de se chiper des idées en toute cordialité … Aujourd’hui, le Québec a entrepris une réflexion sur son système éducatif et, dans la foulée, a lancé une démarche de consultation populaire dont on attend des changements concrets.
https://nouvellesociete.wordpress.com/2016/11/11/consultations-publiques-sur-la-reussite-educative/
Je ne vois pas pourquoi on ne jetterait pas, en France, un coup d’œil sur ces propositions, pour les appliquer mutatis mutandis si on y voit des avantages. On a parfois besoin d’un plus petit que soi… Et c’est à charge de revanche, n’est-ce pas ? Je vais donc, dans cet article, attirer l’attention sur sept (7) nouvelles pistes que devrait explorer bientôt l’éducation au Québec…. et dont je crois que la France pourrait tirer parti. « Que ceux qui ont des oreilles entendent…. »
1. La petite enfance
L’éducation de la toute petite enfance est mal-aimée en France. Il y a quelques années que le Ministre Xavier Darcos a fait scandale, disant en ses propres mots qu’il ne souhaitait pas qu’on perde trop de temps à former des enseignants pour un niveau d’enseignement où ils finiraient par changer des couches. Lapidaire, mais le rejet ne s’est pas arrêté là . Sous le pseudo de Julien Dazay, un éducateur réputé a mené plus loin la charge pour qu’on mette carrément fin à cette formation pour les plus jeunes.
http://www.messageries-adp.com/michalon/-faut-fermer-ecoles/julien-dazay/livre/9782841864416
Une attaque qui a porté fruit. En 2000-2001, en France, plus de 30% des enfants de deux (2) ans étaient scolarisés. En 2006-2007, ils étaient 23,4 % ; en 2015, il en reste 11,5%.... Pendant qu’en France l’Ecole maternelle est critiquée, que la formation pour la petite enfance s’étiole et qu’on on appelle à sa disparition…. La création des Centres de la Petite Enfance (CPE), au Québec en 1997 a été un grand succès.
En 2008, les CPE ont permis à 70 000 mères d’occuper un emploi. On a constaté une hausse du taux d'emploi global au Québec de 1,78 % et une hausse du PIB de 5,1 milliards de dollars ! Un grand bond en avant pour l’économie… et pour l’égalité de la femme. On pense aujourd’hui à ELARGIR le rôle des CPE et les plus hardis voudraient qu’ils accueillent les enfants pratiquement dès la naissance !
Pourquoi cette divergence ? Rien de mystérieux. C’est que la finalité est différente. Distinguant depuis longtemps entre crèches et écoles, la France voudrait que celles-ci soient surtout des lieux d’apprentissage. Tout a fait cartésien. Mais le Québec, tout en cherchant à améliorer ce qui s’apprend dans ses CPE, traite essentiellement ses CPE comme des garderies. Bien pragmatique, car la demande est là…. Sans cesser nécessairement de penser en termes d’apprentissages « premiers » ou « fondamentaux », la France n’aurait-elle pas intérêt à voir de plus près cette approche de simple « gardiennage » pour la petite enfance ? Et intérêt à modifier OUVERTEMENT, ses objectifs pour que le « plan de carrière », si on peut dire, de l’enfant de deux ans, soit d’apprendre, en absolue priorité, à décliner la tolérance dans la joie sous toutes ses formes.
2. Une formation parentale
Le succès d’une bonne « éducation » de la petite enfance dépend de qui l’éduque, Depuis toujours, l’instinct et ce qu’on peut croire la grâce divine ont paru suffisants pour qualifier tous les parents afin qu’ils éduquent leurs enfants. Mais maintenant que c’est un peu plus complexe et, surtout, que ce sont des garderies professionnelles ou de voisinages qui, de plus en plus, guideront les premiers pas et les premières phrases de l’enfant, ne serait-il pas opportun d’en faire un peu plus ? Ou, mieux dit, de faire « beaucoup plus » de « beaucoup moins », en se rappelant que « le mieux est parfois l’ennemi du bien » ?
En France, on ne distingue pas entre la formation d’un enseignant du primaire et du préscolaire. C’est ce qui incitait le Ministre Darcos a vitupérer contre ce qui apparait comme une sur-qualification éhontée des enseignants affectés à la toute petite enfance. La controverse a fait rage, prolongeant la distinction entre « crèches » et « écoles » selon le critère de la liberté s’opposant a la contrainte qu’implique toute discipline Mais faut-il sauter de « trop » à rien-du-tout ? Alors que la France doit concilier les us et coutume et les habitus d’un grand nombre de nouveaux arrivant dont la culture d’origine est différente de celle de la majorité des Français , serait-il bien avisé de renoncer à exposer tous ceux qui vont vivre en France à une même influence précoce véhiculant les mêmes valeurs ? Ne faudrait-il pas, au contraire, que cette influence s’exerce davantage et dès le plus jeune âge ?
Pour que cela soit, faut que ceux qui dispensent cette formation sommaire soient nombreux et agissent comme des substituts parentaux. Il faut que leur intervention soit, sinon gratuite, du moins peu coûteuse. On ne peut y affecter que des parents ordinaires et travailleurs de niveau OS. Comment y parvenir ?
On se souvient que « pour créer un gentleman il faut éduquer son grand-père ». Au Québec, il est actuellement proposé que 7 modules de formation de 60 heures chacun - introduits au cursus général de niveau secondaire et donc destinés à tous - enseignent à tout venant les rudiments de ce qu’il faut connaître pour prendre soin d’un enfant et le guider et durant sa période préscolaire. Ainsi, parents et gardiens confondus pourront pour la plupart s’en acquitter.
Ne serait-il pas opportun de faire de même en France ? Rapidement, surtout pour éviter les dérapages de l’éducation des enfants qui pourraient surgir parfois, non pas de la malveillance ou de l’entêtement de « fanatiques », mais de la simple IGNORANCE, par de nouveaux arrivants, de ce que la société française souhaiterait que chaque parent transmette à ses enfants pour que celui-ci devienne un bon citoyen ?
3. Une Télévision Éducative
On discute au Québec de créer 7 canaux de télévision qui diffuseraient en permanence une programmation éducative visant respectivement les enfants de 0 ( moins de 1 an révolu), 1, 2, 3, 4, 5 et 6 ans. Une programmation dont la première caractéristique serait de PARLER. Parler un langage grammaticalement correct. Utiliser un vocabulaire qui, selon le canal et donc le niveau choisi, aurait la richesse et la diversité qui conviennent à des enfants de l’âge-cible. Rien n’interdit, au contraire, que des images soient là pour attirer et retenir l’attention de l’enfant ; mais l’accent sera mis sur le LANGAGE. On veut que les enfants de toutes les classes sociales et de toutes origines ethniques aient la chance d’entendre – et inconsciemment d’assimiler – la structure correcte du langage et un vocabulaire de base adéquat.
Ces canaux seront là, en arrière-plan, diffusant en sourdine pendant que les enfants jouent et s’amusent, comme une source additionnelle d’information à laquelle chaque enfant, selon sa personnalité et son développement, prêtera plus ou moins attention, mais dont il retiendra inévitablement quelque chose. Ces canaux devraient être toujours en marche durant les heures de veille, dans les garderies et classes du premier niveau du préscolaire, sauf quand le gardien lui-même s’adresse en groupe aux enfants. Il serait souhaitable que les parents acceptent de garder aussi cette programmation en marche à la maison, le plus souvent possible, ayant l’humilité d’accepter que le modèle d’expression que proposeront ces canaux aura pour résultat de procurer à leurs enfants une compétence langagière que la majorité des parents ne peuvent leur transmettre parce qu’ils en ont été eux-mêmes privés.
Les conditions qui régissent l’exploitation de la télévision en France ne sont pas celles du Québec. Des adaptations seront nécessaires. Mais ne devrait-on pas examiner les possibilités qu’offre cette suggestion ?
( A suivre) Orientation, Autodidaxie, Préceptorat, Docimologie
Pierre JC Allard
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