France Inter, première radio d’informations
Je me demandais certains jours ce qui explique les bonnes audiences de France Inter notamment sur le traitement de l’information. Dire et faire le beau temps avec de temps en temps le risque du coup de foudre pas forcément amoureux. Cela réjouit les personnels et c’est bien normal. Certains plus que d’autres qui n’oublient pas de se faire entendre. Au-delà des atouts classiques, service public donc un minimum de prudence requis quant à l’affichage trop flagrant de parti-pris explicites. Un équilibrage de la diversité des points de vue encadré par la loi. En référence aux suffrages exprimés malgré une machinerie électorale complètement grippée et absolument pas représentative (30% de voix au mieux font 70% de députés, comme un doigt d’honneur permanent aux citoyens). Pour le coup au cœur d’une instance nationale chargée de l’information, c’est un paradoxe et une information de premier ordre. C’est pourtant un tabou quasi permanent pour les journalistes politiques comme l’est l’existence d’une fraude fiscale structurelle d’un montant estimé à 80 milliards d’euros l’an pour la plupart des journalistes économiques et économistes invités. Le genre de détails qui ne feront jamais scandale ici. Un quasi blasphème pour le prêcheur orthodoxe et quotidien de l’Echo qui perpétue une vieille tradition, peaufiner inlassablement le mur de protection du libéralisme économique. Il faut être un populiste impénitent pour simplifier ainsi les choses et chercher toujours à inquiéter. Ces sujets ne sont pas convenables entre gens instruits et bien éduqués. C’est juste une atteinte majeure à la démocratie mais tant que le trompe-l’œil fonctionne, ce n’est pas le moment d’en parler. Chut, il ne faut pas non plus insister et risquer de provoquer les velléités démocratiques des citoyens. Ils finiraient par comprendre et parleraient de changer les règles du jeu et mettraient en cause nos habitudes et nos savoir-faire. La plupart de nos invités politiques qui viennent en confiance pourraient être gênés. Ici, nous avons de bonnes manières. En bonne intelligence avec les puissants, nous pratiquons une vieille ruse, dénoncer l’injustice tout en mettant en garde contre les solutions radicales (celles qui prendraient les problèmes à la racine). Cela est très efficace depuis très longtemps mais il faut du doigté et de la finesse et nous n’en manquons pas. Cela d’ailleurs en agace plus d’un. C’est comme un hommage pour nous.
Moins de publicité que partout ailleurs dans le main-stream. Donc plus de temps pour ce que vient chercher l’auditeur, un luxe de nos jours, du temps et un peu de contenu. Du coup une certaine résistance à la contamination de l’empreinte publicitaire sur le discours et ses contenus. Attention, le grignotage, insidieux, est néanmoins bien là. Mais c’est vrai, il y encore un peu de respect pour l’auditeur qui prétend s’informer et penser par lui-même ("Résiste", comme le chantait France Gall). Il y a certes beaucoup de contre-exemples bien installés. Comme disent ceux qui ont connu la guerre ou ont vécu ailleurs, il faut savoir aussi se contenter et dire le bon tout en espérant du meilleur. Un tien vaut mieux que deux tu l’auras. Que répondre, je m’incline. Si peut-être que deux pour toi et un pour moi, cela commence à bien faire. Alors ? "Résiste".
Le recours bien dosé à l’humour et la dérision qui participent autant du défouloir que de la mise en valeur de la ligne éditoriale officielle ("Mets de l’huile" version Regg’Lyss). C’est malin mais c’est vrai, vous êtes malins. Un esprit libertaire que les plus intelligents des dominants se flattent d’apprécier comme une marque de puissance assumée. En vrai de réels talents d’humoristes qui ont leur part d’authenticité et de créativité qui déborderont toujours du cadre. Chacun sait bien aussi ce qui arrive quand le bouffon se prend pour le roi.
De vrais talents de mise en scène et de présentation. Une pratique de la langue qui joue avec brio mais joue sur la diversité des registres et des appartenances sociales. Du haut niveau dans le métier. Des degrés de liberté manifestes qui participent de l’équilibre du pouvoir éditorial. Au fond, on peut se sentir bien à France Inter comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Et que le fond de l’histoire, tout bien pesé, c’est parler d’améliorer ce qui devient insupportable sans s’interroger sans fin sur ce qui produit l’insupportable. A quoi bon ? Améliorer et conforter notre discours moral et l’affichage de notre bonne conscience, selon les circonstances intransigeante ou fataliste, est tout aussi pertinent et efficace. C’est plus rapide, plus nerveux, moins laborieux, plus consommable pour la diversité de nos auditeurs aussi. C’est plus confortable pour tout le monde et ne nous fâche pas avec ceux qui nous ressemblent le plus ni avec ceux qui nous font confiance. Ni ceux qui choisissent le service public avec l’esprit critique de l’actionnaire. Pas plus avec les réfugiés qui ont fui les matinales lasagnes, une couche de pub, une couche d’info, une couche de rigolade, une couche… Ceux qui ont des attentes ou des souvenirs, des habitudes aussi. Les abonnés à tel ou tel chroniqueur. Ceux qui prennent au sérieux les éditorialistes pour savoir quoi penser ou les critiquer. Ceux qui font leur propre chemin sur internet et s’intéressent plus au fonctionnement du médium qu’au contenu du jour. Ceux qui ne supportent pas de déjeuner en silence et aime notre ambiance moins hystérique qu’ailleurs paraît-il. Ceux qui ont juste besoin d’une sorte de météo de l’actualité pour dissiper un peu la confusion du monde. Le dialogue fluidifié et de bon aloi que nous avons chaque jour avec nos auditeurs en témoigne assurément. C’est comme une rente de situation méritée qui marche bien, mais attention pas toute seule.
Une certaine classe et une belle maîtrise qui font penser à la série "Palace" de Jean-Michel Ribes qui nous a régalés en son temps. Un monde festif ou du moins qui affiche une bonne humeur de rigueur .Il faut du courage savez-vous pour être chaque jour de bonne humeur. Avec une dose de subversion et de transgressions qui font se sentir un peu libre, un sentiment de supériorité à dénoncer les faiblesses et travers des pouvoirs si puissants. Puissants et soyons responsables en fait indépassables. D’ailleurs pas si inefficaces en dépit des abus qui seront toujours dénoncés (comptez sur nous). Un ordre quelquefois cruel et injuste comme la vie. Mais nécessaire et utile avec chacun sa chance et sa bonne place de la directrice de l’hôtel à la femme de ménage. Travail, Europe, démocratie représentative et économie libérale. Et toute la place pour se plaindre et rigoler tant que la règle du jeu est respectée. Le non recours jusqu’à présent aux plus grosses ficelles bien répandues ailleurs. Oui, nous n’en sommes pas encore là même si la tentation rôde. Et ce serait avec le talent maison. "Résiste". La vie est belle à France Inter. Je vous le dis. Indépassable.
Ah oui, j’allais oublier. Écoute et approbation ne sont pas la même chose. Certains comme Sonia Devillers l’ont découvert récemment un peu rudement en faisant semblant de ne pas comprendre. Mauvaise joueuse va. Pas grave. En attendant, tout cela, c’est aussi de l’audience, c’est quand même bon pour la pub et sa petite soeur.
J’allais ne pas mentionner aussi la part d’injustice dont vous êtes victimes. Un peu comme les journalistes sportifs, la malédiction du dopage et du Tour de France. Même quand vous êtes honnêtes, les gens sont sur leur garde. Difficile de contenter en même temps sponsors, directeurs sportifs, scruteurs d'audience et amateurs du beau jeu à la loyale. Vous faites décidément un métier difficile et exposé.
28 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON