France niquée, France paniquée
Voilà sur deux bancs de l'Assemblée les députés de deux fronts qui se haïssent. L'un des fronts fait son miel des votes d'une France paniquée, dans l'autre camp siège une députée qui "nique la France" mais aussi son chef qui nique le système électif quand il ne lui est pas favorable et qui nique l'élite, les intellectuels, les "matheux". Les dépités des deux partis de la France en marge ont boudé le protocole qui veut que l'on acclame l'élection du président d'une institution crée par les Révolutionnaires.
Danièle Obono, députée de la France (niquée) Insoumise est critiquée pour avoir signé une pétition soutenant le chanteur du groupe ZEP et un sociologue mis en examen pour la chanson "Nique la France" en 2012. Jean-Luc Mélenchon aurait pu faire profil bas sur cette affaire. Eh bien, c'est tout le contraire : il s'en montre fier et il soutient à fond sa camarade.
Invitée sur le plateau des Grandes Gueules de RMC mercredi, la députée était interrogée sur la signature de cette pétition : "Vous êtes députée de la République, avec l'écharpe bleu-blanc-rouge, et vous aviez signé une pétition en faveur de la chanson 'Nique la France' du groupe ZEP. Est-ce qu'en tant que députée, vous êtes fière de l'avoir fait ?" L'accusée répond que "c'était pour défendre la liberté d'expression de ces artistes, ça fait partie des libertés fondamentales." Sauf que, désormais elle est élue du peuple et, quand on a en charge un mandat électif national, on ne crie pas "nique la France". On doit aussi, en tant qu'élu du peuple, savoir mettre en balance les libertés artistiques individuelles aveec les grandes libertés fondamentales que l'on doit défendre. Les goûts personnels ne sont pas d'ailleurs pas de mise dans l'exercice supérieur de la fonction élective de député. Ils doivent passer en second.
Mais la députée récidive et montre qu'elle ne comprend manifestement pas cela en se faisant longuement priée pour enfin lâcher de mauvais gré un petit "vive la France !" La polémique était ainsi lancée sur les réseaux sociaux. J'ai vu l'intéressée sur un plateau de télévision ce mardi soir vers minuit. Interrogée à nouveau, gentiment, elle a témoigné par sa réaction impétueuse que, non seulement, elle n'a pas pris toute la mesure de sa nouvelle fonction, mais qu'en outre elle n'a aucun respect pour le débat démocratique. En effet, sa parole criarde couvrait celles de ses interlocuteurs, journaliste compris. "J'ai raison, point !" Il est vrai que les autres jeunes députés présents d'En Marche et des Républicains faisaient un peu figure de gentils bobos très consensuels et très suiveurs...
Il est bien dommage qu'elle ne soit pas à même de réaliser la charge et les obligations que lui confère sa charge de députée. Circonstance aggravante : elle représente aussi, d'une certaine manière, la diversité. Or, ce n'est pas, il me semble, un bon moyen de valoriser cette diversité que de s'engager dans des polémiques sulfureuses.
Mélenchon, qui a déjà exercé un mandat d'élu national (sénateur) a, lui, est supposé avoir, lui, la sagesse suffisante pour corriger l'excès. Mais non, il l'applaudit et chez France Insoumise, on sort la carte du racisme, comme cela est toujours bien pratique dans ces cas-là (même s'il est vrai que des propos racistes ont résulté de cette polémique...) pour défendre l'indéfendable et prêchant la vertu. Non, la justice qui est saisie n'est pas raciste, pas plus que la France dans son ensemble. Mais : "La vertu est de notre côté, point !"
Il semble que la France en marge mélenchoniste ait pour credo le dénigrement des institutions françaises. On se souvient qu'il a qualifié l'ancien ministre de l'Intérieur de criminel, montrant toute sa défiance envers la police et la justice françaises.
Quand on sait que la parole d'un député est complètement libre à l'Assemblée, on ne peut que s'inquiéter de l'usage que certains (certaines) en feront ! En effet, par tradition républicaine, les députés ne peuvent pas être poursuivis pour ce qu'ils profèrent, même pour des attaques diffamatoires et des injures. Ce qui explique que les questions d'honneur se sont longtemps réglées sur le pré, par des duels. Mais si la République a donné une liberté totale de parole aux députés, ce n'est pas pour en mésuser mais pour exercer l'esprit de responsabilité qui va avec ! Imaginez qu'en plein congrès réuni par le Président de la République, des députés se mettent à lancer des injures ou autres incongruités ! Naturellement, on fait confiance aux autres députés pour couvrir de leurs voix lesdites insanités mais quelle serait alors l'image que donnerait notre pays ?
Un(e) député(e) a le droit, comme tout citoyen, d'aimer des chansons qui vont trop loin, comme Hexagone de Renaud ou le Déserteur de Boris Vian (qui a choqué en son époque), mais il ne doit pas s'en faire le défenseur ni le promoteur. Ici, les chansons mises en cause sont du rappeur Saïdou du groupe Z.E.P. (Zone d’Expression Populaire). Ce rappeur, ainsi que le sociologue et militant Saïd Bouamama, ont été mis en examen pour "injure publique" et "provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence". Devinez d'où venait la plainte ? D'un groupe d’extrême droite nostalgique de l’Algérie française ! C'est ainsi que nous nous trouvons devant une situation de conflit ouvert à l'Assemblée entre deux bancs opposés de la France extrême. Cela n'augure rien de bon pour les débats futurs et l'ambiance dans l'hémicycle.
Deux partis se font la guerre. Ensemble, ils boudent les résultats des urnes et la tradition républicaine qui régit le protocole de notre assemblée. L'un admet recourir à la panique pour faire monter ses suffrages, à tel point que l'un de ses membres éminents s'interroge sur le point de savoir si le Front n'est pas allé trop loin sur la propagation systématique de la peur des étrangers. L'autre a, à sa tête, un chef charismatique qui se complait à niquer la France par tous moyens. Il nique les ministres de l'Intérieur et sa police, il nique les matheux, il nique même ses électeurs en les laissant au milieu du gué sans leur indiquer sa préférence de vote entre les deux tours des Présidentielles.
France niquée contre France paniquée ! Et nous avons bien failli avoir un président d'un de ces deux camps-là.
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