Francité Missa Est
Sarkozy est en passe de disputer au coq français le triste privilège d’être le seul animal qui réussisse à chanter les deux pieds dans le Guaino. Truffer son homélie de « politique de civilisation » et autres « partage des valeurs de tolérance », en Arabie saoudite... C’est un bien féroce assaut salivaire... De l’énormément joufflu ! Aurait-on récemment légalisé l’absinthe au royaume wahhabite ? Déménagé les bureaux de l’Elysée dans la grotte de Lourdes ? Relancé les Croisades ? Morceaux choisis de notre zélateur national...
« Dieu qui n’asservit pas l’homme, mais qui le libère. Dieu qui est le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes ». Quelle rhétorique implacable ! Et quelle subtile complexité rythmique ! Visiblement, Guaino a lâché Edgar Morin pour sainte Thérèse d’Avila. Il va finir par puiser directement aux sources de la chrétienté, aux évangiles.
Quant à notre président... Est-ce depuis qu’il a été fait « chanoine de la basilique de Saint-Jean-de-Latrine » par Benoît XVI ? Ou bien depuis son mariage avec Carla Bruni ? Il développe ces derniers temps un penchant immodéré pour la position du missionnaire. Vous me direz : ça nous change un peu de celle, infiniment plus âpre et embarrassante, de la brouette libyenne.
Devant le conseil consultatif (Majlis ach-Choura), la très démocratique assemblée saoudienne (dont les 150 membres sont exclusivement désignés par leur souverain), le chanoine Sarkozy a sermonné que « les grandes religions divines se rassemblent autour d’un certain nombre de principes communs et partagent les grandes valeurs de tolérance ». Et sur cette base, il a appelé à « fonder la politique de civilisation dont le monde, aujourd’hui, a tant besoin ». Saperlotte ! L’Arabie saoudite pays de la tolérance ? Un Etat totalitaire, adepte de la charia la plus stricte et la plus rétrograde, creuset de l’islamisme le plus dur, le plus radical, et accessoirement... du terrorisme. Pas étonnant que les princes saoudiens, parfaitement conscients, eux, de la condition de leur pays, aient eu l’impression qu’on se moquait d’eux. Ils ont été pris au dépourvu, ils n’avaient pas prévu de plan anti-fada lors de la visite de la délégation française...
Forcément, question oseille et contrats, c’est plutôt Tintin au pays de l’or noir. L’affaire du siècle a viré à l’aigre. Tout au plus s’est-elle transformée en une simple étude du marché potentiel. Proposition d’accord de coopération à deux riyals dans le nucléaire civil ? Le roi Abdallah, jovial taquin, a poliment rembarré notre VRP national. Contraste pittoresque, le lendemain de la visite du président français, une autre grenouille de bénitier, G. W. Bush se fait conspuer par toute la presse saoudienne en dégoisant, notamment, sur l’Iran et... signe pour 20 milliards de contrats d’armements.
Qu’à cela ne tienne... On étourdit le Français moyen à coups de milliards potentiels, on le débine en vertiges économiques, on le perd en infinies scrutations de mirages... Et pendant qu’on l’extasie ainsi de promesses de mille copieux coïts financiers aux quatre points cardinaux... Le déficit du commerce extérieur français bat un record historique et le montant des exportations est à l’étiage. Cherchez l’erreur !
« C’est peut-être dans le religieux que ce qu’il y a d’universel dans les civilisations est le plus fort ». Quelle saillie lumineuse ! À côté le phare de la Vierge passe pour luciole ! Franchement, ce n’était pas en balançant de telles fèves qu’on pouvait s’imaginer gratter une part de la galette du roi Abdallah. Quand je pense qu’on devait leur fourguer notre fameux réacteur EPR (Eau, Pastis, Ricard), le Mecque plus ultra de la technologie nationale...
De quoi faire turbiner mille usines de dessalement d’eau de mer et autant de fabriques de glaçons. De quoi les submerger de giga torrents de volumes de Ricard pendant des lustres. Ah quelle déconvenue... Quel coup de calife dans le contrat... Quelle douche... Quelle vrille !
Mais consolons-nous. Après l’épisode Disneyland, on barbote en plein océan mystique. On confine aux flagrants délires... Aux transes extatiques... Aux Béatitudes ! C’est ainsi... Autrefois, frappés d’aveuglement et de folie, nos âmes noires erraient dans les ténèbres de l’ignorance.
Réjouissons-nous, mes frères, car sur les traces de notre président prophète et de son immense mystagogue, nous marchons aujourd’hui, drapés dans la bure, sur le sentier lumineux de la vie et de la vérité. A quand le vœu de pauvreté (et de chasteté ?) pour tous les Français et l’augmentation du pouvoir de rachat de leurs âmes par la République, Nicolas ?
Pour conclure, Monsieur le président, permettez-moi, modestement, de postuler pour le poste de première plume de l’Elysée. L’actuelle s’emmêle trop furieusement les crayons ! Faut envisager un break, une douche, quelque chose de bien froid. Ça ne manque pourtant pas de remplaçants à cirer le banc et l’arrière-ban des nègres de la République. Tiens, les scénaristes font grève aux Etats-Unis... Proposez-leur Guaino ! Il est capable de placer son chef-d’œuvre, le « lourd manteau de cathédrales », dans Desperate Housewives. M’est avis qu’ils reprennent le boulot sous deux heures. Georges Dobeliou Bush en serait pénétré de gratitude !
Alors, si un doute, fût-il ténu ou brindille, venait à vous effleurer un jour sur l’éventualité que votre scribe attitré vous fasse, ne serait-ce que très modérément, passer pour une andouille, sauf votre respect, n’hésitez pas et faites appel à moi. Je m’y connais comme pas deux pour taquiner le fin symbole, fricoter le prodige hyperbolique. Comment que vous allez le regretter le Guaino....
Tiens, gratos ! Deux conseils en gage de bonne volonté. Primo, plutôt qu’au Vatican, Bigard, fallait l’emmener en Arabie saoudite. Imaginez ! « Bigard au royaume Ouhaha bite » : cela aurait tellement fait rire la monarchie... Pluie de milliards à la clé. Non ?
Secundo, vous craignez pour votre image ? Vos sondages se détériorent ? Pas de panique, à la presse pipole on leur sert (je parle codé pour qu’on soit que tous les deux à comprendre... Plus qui vous savez, évidemment) un petit couplet sur le secret de polichinelle... dans le tiroir (vous captez le concept ?). Plus personne ne parle du pouvoir d’achat pendant neuf mois. Minimum garanti !
Bignolles ! Quelle misère ! Fallait-il que la France soit bien guignarde pour que de telles virtuoses et transcendantales couillonnades surgissent un jour. Allez... Salamalecum Nicolas... N’oubliez pas ma candidature... Et francité missa est (1) !
(1) Ceux qui ne connaissent ni l’église ni le latin pourront traduire par « France, tu peux y aller, la messe est dite » ou moins caressant, mais plus Coluchien « Circulez y a rien à voir ».
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