François Bayrou : L’erreur stratégique
Après avoir donné quelques signes de décollage en début d’année, François Bayrou plafonne à 11% (voir dernier sondage BVA) depuis plusieurs semaines dans les intentions de vote. Bien sûr, les sondages ne peuvent être pris au pied de la lettre car ils sont une photographie de l'opinion à un instant t, et en cela, ce ne sont pas les soutiens de Bayrou qui me contrediront s’étant largement enthousiasmés des pics sondagiers de leur favori pendant l'hiver. Cependant, aujourd’hui, même les soutiens de Bayrou se posent des questions sur sa stratégie de campagne.

Les réponses de JF Kahn à Mediapart sont lucides, voir dures, sans être dénuées d’estime envers le candidat du Modem. Car il est toujours convaincu que François Bayrou est le meilleur pour redresser la France.
Un manque de dynamique voire de dynamisme
Depuis le passage de l’émission “Des paroles et des actes”, jeudi 12 mars sur France-2, les journalistes n'ont retenu qu'une seule chose : Bayrou n’a pas rejeté explicitement l’idée d’un ralliement à Sarkozy, en déduisant donc une « ouverture » de Bayrou vers son adversaire de l'UMP. "Certains osent même laisser penser qu'en échange de ce poste, le ralliement pourrait avoir lieu avant le premier tour". Depuis, Bayrou a clarifié sa posture, notamment lors du meeting de Tours, s’agaçant de cette interprétation intempestive des journalistes politiques. Pourtant en politique tout a un sens, les mots comme l’absence de mots. Or ,en réécoutant ses propos sur France 2, on n’entend pas un « non » explicite, en effet. Le discours manque de dynamique et d’énergie, de toute évidence.
Ci-après la vidéo de l'émission de France 2 à partir de la minute 18’35’’ :
Peu convaincant. On a l’impression que Bayrou est parti en campagne contre la bipolarisation d’abord. Pour tenter d’empêcher le duel Sarkozy-Hollande et non pour vendre sa propre candidature et son programme, qui deviennent de ce fait subsidiaires. Ce faisant, il ne fait que renforcer l’existence intrinsèque de la bipolarisation, en faisant un adversaire à part entière. L'on constate, en parallèle, que les discours radicaux emportent un mouvement d’opinion favorable : Mélenchon et Marine Le Pen.
Jean-François-Kahn le dit lui-même lors de l’entretien. Extrait :
Question de Mediapart « Comment expliquez-vous que François Bayrou dispose d’un tel capital sympathie qui ne semble pas se transformer en intentions de vote ?
Réponse : « …..
Maintenant il y a une autre raison, qu’il ne faut absolument pas occulter, qui est une erreur stratégique. Il n’y a pas seulement un décalage entre la sympathie et les intentions de vote. Mais vous avez surtout un électorat majoritaire qui a dans la tête les quatre possibilités : cet électorat prend un petit bout de Marine Le Pen sur la sécurité et l’immigration, un peu de Bayrou sur la rigueur, le déficit, la dette et le dépassement des clivages, un petit bout de Mélenchon sur la nécessité de changer de système et un bout des écologistes.
Or Bayrou n’a pas compris cela. C’est-à-dire qu’il fallait qu’il dise ce qu’il dit sur le problème des déficits et de la dette, sur la nécessité de ne pas rester dans un camp et de regrouper les gens.
Mais l’autre chose qu’il fallait dire en même temps − car c’est un appel à la rigueur que les gens comprennent comme une austérité − est qu'il faut changer de système économique et social où l'humain a une place centrale.
Réponse complète dans la vidéo
Jean-François Kahn sur Bayrou : « S'il fait le moindre deal avec Sarkozy il est mort
Si Bayrou semble, dans ses propos, croire encore possible une présence au second tour, Jean-François Kahn pense que la dynamique est absente pour cela.
Extrait de l'entretien :
Question de Mediapart : Est-ce que c’est ce que préfère Bayrou ? Croyez-vous au fait qu’il donnera une consigne de vote comme il s’y est engagé ?
"Il est dans une situation très difficile parce que, quelle que soit la décision qu’il prend, cela lui sera reproché : par ses adhérents, par ses soutiens. Forcément, il y a des gens qui penchent d’un côté, d’autres de l’autre. Je pense que sa seule façon de s’en sortir, c’est d’en appeler à sa base, de réunir un énorme congrès extraordinaire de tous les membres du MoDem, d’y ajouter tous ceux qui l’ont soutenu et de leur demander de choisir : ralliement à Sarkozy, ralliement à Hollande ou ralliement à personne. Là, ce serait démocratique et il s’en sortirait. Mais s’il veut décider tout seul dans son coin, il est mort.
Par ailleurs, je crois que son seul choix, c’est soit de dire qu’il faut tourner la page, soit de dire qu’il ne peut pas choisir et de laisser ses troupes libres. Mais s’il fait le moindre deal avec Sarkozy, il est mort. Et même s’il fait un deal parce que Sarkozy lui aurait promis monts et merveilles, il est mort.
À droite, ils sont capables de lui proposer les pires folies, ce qui serait un scandale : s’il fait 10 % et qu’il est nommé Premier ministre, c’est attentatoire à ma conception de la démocratie, c’est une honte. On ne nomme pas Premier ministre un type qui a fait 10 %, même si je l’ai défendu. De toute façon, s’il accepte cela, il est mort." Source MEDIAPART.
La fin du centre ?
Si l'on rapproche ce qui arrive à Bayrou de la montée de Mélenchon, au discours radical, on se dit que cela sonne peut-être la fin du centrisme.
La fin de l’entretien Mediapart-Jean-François Kahn laisse entendre que, dans tous les cas, après le 6 mai, Bayrou serait dans une situation intenable. Les propos de Jean-François Kahn sont pessimistes :
« Les gens ne sont pas demandeurs de centre. Mais face à une social-démocratie qui ne propose rien, qui n’a plus de vision − et qui donne la Grèce, le Portugal, l’Espagne, c’est-à-dire un ralliement au libéralisme dans ce qu’il a de plus implacable −, une droite libérale absolument régressive et un Mélenchon qui revient aux vieilles recettes du socialisme étatique à la papa, il faut proposer autre chose qui dise « en avant, on prépare vraiment le XXIe siècle"
Source Mediapart
De toute évidence, Bayrou n’a pas réussi, en dépit de son capital sympathie dans l’opinion, lié à son image de bon père de famille intègre et droit dans ses bottes, à créer une dynamique favorable à sa présence au second tour, car le message inconscient qu’il envoie aux électeurs potentiels n’est pas le bon. Il leur dit en substance « Empêchons Sarkozy et Hollande de se battre sur le ring » avec un discours beaucoup moins radical et agressif que Marine Lepen et Mélenchon. Difficile pour l’inconscient collectif d’imaginer sur le ring un Bayrou. On voit que le discours tranché, révolutionnaire et radical de Mélenchon porte. Et pourtant, il avait au départ, le handicap des « petits candidats » : Pas de gros appareil, et la partialité des medias, qui favorise la bipolarisation. Et en partant de rien.
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