François Bayrou le tracteur qui fait son chemin mine de rien
On l’enterre, volontiers pour certains, le trouble fête de 2007, et pour cause, après des municipales plus qu’honorables, le Mouvement Démocrate et son chef de file semblent au fond du trou, une aubaine pour certains, une déception pour d’autres. Il n’empêche, on enterre peut-être le centriste révolutionnaire un peu tôt...
Ces derniers temps, les yeux de la blogosphère démocrate sont tous braqués devant l’imposante carrure, la cuirasse étincelante du « Chevalier Orange », avec pour arme tranchante, un phrasé dantesque. Son identité, malgré les présomptions, reste totalement inconnue. Toujours est-il que cette personne semble très bien informée et tire à boulets rouges sur la « secte orange » depuis plusieurs semaines, n’hésitant pas à imaginer un gouvernement de la République 99% MoDem pour mieux tourner en dérision la pauvreté de l’effectif centriste. Et force est de constater que ça fait peur... néanmoins, même si les rangs de l’imposante légion bayrouiste - qui faisait fière allure en Mai 2007 – s’érodent comme une falaise du Cornwall, le béarnais peut compter sur une équipe certes amoindrie, mais solide et surtout sur son image.
L’image de François Bayrou est étrangement épargnée alors qu’il enchaîne les déconvenues. A titre d’exemple, dans les sondages, alors qu’il était donné en 2007 à environ 53% contre 47% face à Nicolas Sarkozy, il n’a reculé que de 4 points, inversant légèrement la tendance, avec 49% contre 51%. Mais rien d’irréversible. Plus généralement, les différents instituts de sondages s’étonnent de voir le président du MoDem si haut, et du haut de leur tour parisienne, semblent avoir beaucoup de mal à interpréter l’affection que portent les provinciaux pour le paysan aficionados de tracteurs. Comme le disait si bien Epictète, « Homme, si tu es quelqu’un, va te promener seul, converse avec toi-même et ne te cache pas dans la foule. » Et c’est ce qu’il fait notre bon vieux François, il réfléchit. Et contrairement à beaucoup de prématurés, il a bel et bien compris que lui en 2012, il sera de la partie, contrairement à bien d’autres.
La solitude en politique est parfois salvatrice. On cite souvent De Gaulle, Chirac, Sarkozy. Cette solitude permet de réfléchir sur soi-même, de quelque peu s’éloigner des divers calculs politicards, pour mieux cerner les besoins des français. De Gaulle a fini par comprendre que la majorité des Français privilégiait la stabilité à l’Algérie française, Chirac a compris que la droite ne kickerait les roses fanées que si elle racolait les centristes en devenant subitement pro-européenne, Sarkozy a compris que les français cherchaient des boucs-émissaires (même imaginaires ou clichés !) pour expliquer la situation désastreuse du pays. Bayrou, lui, a compris que les français étaient très préoccupés par leur avenir, mais qu’ils attendaient que quelqu’un d’honnête et crédible leur montrer le chemin à suivre.
Depuis plusieurs années, le président du MoDem tente de se construire l’image d’un homme intègre, honnête et franc. Dans cette droite ligne, son livre « Abus de Pouvoir » fait office de chef d’œuvre, publié cela étant à une date bien prématurée. En outre, seul candidat en 2007 à avoir basé son programme sur la dette, la formation et l’Europe ; la crise, la situation grecque et la hausse vertigineuse du chômage donnent un important capital crédibilité au centriste. Après les régionales, la France va basculer vers les élections présidentielles, avec une campagne qui débutera dans à peine un an et demi avec les universités d’été et probablement les primaires « de gauche ». A ce titre, le contexte politique devrait complètement se bouleverser, pour basculer vers un scrutin national, et pas local. Ce changement devrait amener plusieurs transferts électoraux, avec notamment une érosion massive et tout aussi inévitable de l’électorat d’Europe Écologie, situé aux alentours de 14%, il devrait frôler la barre des 5% en 2012, et cette tendance est confirmée par les différents instituts de sondage qui donnent Cécile Duflot à 6% en 2012 (on rappelle que Dany le Rouge a renoncé à toute présidentielle). D’après de savants calculs, l’électorat d’Europe Écologie provient essentiellement du vote Bayrou de 2007, il est donc évident que le centriste devrait récupérer une grande partie de ces voix d’ici 2 ans. On peut considérer, en corrélation avec les sondages, que la base électorale de départ pour les présidentielles, en ce qui concerne François Bayrou, est d’environ 12%, soit plus du double de la base de 2006-2007 où on se situait autour de 4,5%. Pour autant Bayrou arrivera-t-il à percer ?
Les scores des régionales lui donneront d’ores et déjà une bonne indication. A priori, la Bretagne, l’Aquitaine, Rhone-Alpes, les Pays de la Loire et, plus surprenant, la Basse-Normandie, devraient figurer parmi les régions les plus favorables au Mouvement Démocrate. Rien qu’en concentrant la campagne dans ces régions, Bayrou pourrait gagner plusieurs points. Mais réellement, tout ce fera, non pas dans le projet, mais dans la communication et les alliances. Si la gauche sort renforcée des primaires, elle fera tout de même pâle figure sur les questions décisives de la dette, la droite elle, a vécue une charnière 2009-2010 désastreuse, l’UMP est embourbée dans un marasme dont Sarkozy pourrait avoir bien du mal à se dépêtrer on peut même considérer qu’à moins d’une campagne désastreuse de la gauche et du centre, il a probablement perdu toute chance de gagner en 2012, tant l’UMP va ressortir affaiblie du séisme des régionales qui se profile. En effet, pour revenir en Basse-Normandie, l’une des terres les plus ancrées à droite, la gauche disposera d’une avance écrasante, qui s’est déjà manifestée aux municipales avec le basculement inédit de Caen à gauche et aux européennes, avec un capital de gauche largement supérieur à la réserve de voix de droite. Autre élément important, Dominique de Villepin qui émerge à droite, et qui pourrait constituer un allié de choix pour le béarnais. Toujours à droite, en cas de mauvaise position de Sarkozy dans les sondages, le fin tacticien Jean-François Copé pourrait devenir une alternative crédible aux yeux d’une partie de l’UMP de plus en plus réfractaire à Sarkozy.
Enfin, rien ne dit que Martine Aubry, probablement candidate en 2012 (Royal grillée et DSK trop confortablement installé à Washington) arrivera à rassembler toute la gauche, car même si l’imposture du NPA se traduit par des déconvenues de plus en plus fréquentes aux scrutins, Mélenchon monte en force et vole au secours de la gauche du PS, autrefois occupée par le PCF moribond, et rien ne dit que le président du parti-de-Gauche se pliera à une initiative du PS, parti dont il a violemment claqué la porte pour mieux le dénoncer. Finalement bien malin est celui qui pourra conjecturer de la situation politique à la veille du premier tour en 2012, car d’un grand arc centriste de dissidents UMP (Villepin, Goulard...) et de sociaux-libéraux/démocrates (Valls, Royal...) qui placerait Bayrou aux delà de 25%, à un MoDem esseulé peinant à se maintenir autour de 10%, tous les scenarii sont envisageables. Bayrou, 24ème président de la République Française, ou Ross Perrot à la française ? Pour l’instant question non tranchée. Wait and see donc...
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