François Hollande et les serpents à sornettes (Cambadélis et Cie)
FRANCOIS HOLLANDE
ET
LES SERPENTS A SORNETTES
N’est pas mémorialiste qui veut ! Chateaubriand, dont la beauté de la langue n’a d’égale que la profondeur de la pensée, devrait se retourner dans ses mémoires d’outre-tombe si, à Dieu ne plaise, il pouvait prendre connaissance de l’indigne pamphlet que Jean-Christophe Cambadélis vient de commettre avec sa Chronique d’une débâcle, publiée, il y a quelques jours seulement, aux Editions de l’Archipel.
LE DEGRE ZERO DE LA POLITIQUE
Qu’un ancien Premier Secrétaire du Parti Socialiste, le fiasco des présidentielles à peine consommé pour son propre camp, se livre ainsi, sans pudeur ni réserve, à un tel salmigondis d’invectives à l’encontre de ses anciens « camarades » (Manuel Valls traité, par exemple de « génie des carpettes » au vu de son opportunisme dans son ralliement zélé à Emmanuel Macron) a quelque chose, en effet, d’abject sur le plan moral. Cette langue vipérine, à défaut d’élégance, aurait-elle donc avalé autant de couleuvres, tout au long de son mandat, pour ainsi tomber à un tel (ca)niveau de bassesse, sans la moindre hauteur de vue ? Il est vrai que les vipères et autres serpents à sornettes, ça rampe, et pas seulement au ras des pâquerettes : c’est le degré zéro de la politique, une insulte pour le peuple ! Si la vengeance est un plat qui se mange froid, celui-ci est plutôt infect.
Cambadélis, en outre, aurait dû savoir, s’il avait lu des mémorialistes de la trempe de Chateaubriand ou même de Saint-Simon, autre admirable styliste, que les bons mots, même enrobés de formules réputées assassines, ne suffisent pas toujours, loin s’en faut, pour élever le débat. Ils ont même parfois, au contraire, le nauséeux goût de cette aigreur, plus encore que de ce « ressentiment » qu’il prête de façon non moins amène à Macron, qui caractérise ceux qui, après s’être trop vite crus au pinacle du pouvoir, ne sont, du jour au lendemain, plus rien : ce qui est effectivement le malheureux cas, aujourd’hui, du désastreux Cambadélis, désormais aussi piète écrivassier qu’il fut naguère médiocre « Premier Secrétaire ». Car si débâcle du PS il y a, comme il se plaît à le ressasser dans sa toute récente Chronique, c’est aussi, et peut-être d’abord, parce qu’il en fut justement, de 2012 à 2017, le très mauvais chef, incapable, par manque de charisme humain tout autant que d’intelligence politique, de tenir ses troupes en rang serré, ordonné, cohérent, discipliné et efficace tout à la fois. Autant dire que c’est lui qui, incapable d’assumer ses responsabilités, en est, en vérité, le pitoyable fossoyeur. Il est des boomerangs qui, lorsque le vent se met soudain à tourner et qu’on les prend donc tout à coup en pleine figure, font vraiment mal. Pathétique !
Mais le plus navrant, en cette pénible affaire, où seul un immature règlement de comptes tient lieu de discours prétendument politique, ne se situe pourtant pas encore là. Car qu’en dire alors, pour aggraver cet affligeant cas, sur le plan intellectuel, voire idéologique ? Un abscons fouillis d’anecdotes, dénuées de tout intérêt sociologique comme de toute pertinence philosophique, pour expliquer cet important pan - le passage du quinquennat Hollande à l’ère Macron - de l’histoire de France en ce qu’elle a de plus sacré quant à la noble vie de la démocratie elle-même !
EMMANUEL MACRON, MICHAEL JACKSON ET LE MOON WALK
Que l’on songe, un instant, à cet inepte tableau, bâclé et ridicule, que brosse le même Cambadélis, dans son inénarrable Chronique d’une débâcle toujours, de Macron lorsque celui-ci n’était encore, avant même qu’il ne devînt Ministre de l’Economie, que le secrétaire général adjoint de l’Elysée sous la présidence de François Hollande : il possède, ne craint-il pas d’y écrire, « le déhanché de Michael Jackson et le regard de Margaret Thatcher ».
Diantre : il fallait oser, entre le roi de la pop music américaine et la dame de fer anglaise, le rapprochement, digne du plus surprenant, tant sur le plan linguistique qu’iconographique, des oxymores. Soit ! Pour le regard « bleu et dur » de Margaret, je veux bien l’admettre, même si, à y regarder d’un peu plus près (à moins que Cambadélis ne soit incurablement myope), cet apprenti chroniqueur aurait pu aisément trouver un personnage plus adéquat, ne fût-ce qu’au sein de la Vème République, pour établir, de manière un peu plus judicieuse, la comparaison. Mais enfin, en ce qui concerne cet audacieux déhanché de l’auteur de Billie Jean et autre Thriller, je serais, là, nettement plus circonspect, sinon perplexe, surtout lorsque l’on sait qu’il fut l’illustre inventeur, il n’y a guère si longtemps, du fameux « Moon Walk », ce pas de danse (littéralement, en français, « marche de la lune ») qui, tout en donnant l’illusion de marcher en avant, ne fait en réalité, comme en apesanteur, que reculer ! Serait-ce donc là, précisément, tout ce que Cambadélis pense du néo-fondateur d’ « En Marche » et actuel Président, fraîchement élu, de la République Française : faire semblant d’avancer pour mieux, ainsi pris dans sa bulle lunaire, reculer ?
Avouons : le paradoxe pourrait s’avérer amusant, et l’image faire rondement mouche, s’il n’était aussi consternant, car, j’en suis sûr, le brave Cambadélis, à qui je ne saurais prêter autant de finesse d’analyse, ne s’est même pas rendu compte, dans son évidente carence culturelle, de ce qui aurait pu pourtant apparaître là, nanti d’un peu plus de perspicacité, comme un subtil jeu de l’esprit, éminemment moderne de surcroît !
CAMBA, L’INGRAT
Mais voilà, ainsi va le monde, trop souvent emporté, dans sa course folle et aveugle, par une vaine gloire : Jean-Christophe Cambadélis, maintenant que François Hollande n’est plus là pour lui octroyer ses grades ni dorer son blason, n’a plus rien, aujourd’hui, de contemporain. Il n’existe plus, pour qui a encore le courage de lui prêter quelque crédit littéraire, que sur ces plateaux de télévision où, les cheveux gominés et le sourire narquois, il pérore, fût-ce à grand peine, au gré cette bruyante mais triste « société du spectacle » que fustigea naguère, à raison, Guy Debord.
Pis : Camba a beau s’évertuer à écrire de mauvais livres pour y dézinguer ses anciens « amis », s’échiner à cracher dans la soupe où il prit pourtant ses kilos de socialisme germanopratin, il passera désormais, aux yeux de la postérité, comme un modèle, traître à sa propre cause, d’ingratitude, doublée, après avoir perdu la bataille, de lâcheté.
La seule chose qui vaille en ce livre, c’est peut-être le fait, certes non négligeable, que son auteur y reconnaisse malgré tout, nonobstant sa vacuité intellectuelle, que le bilan présidentiel de François Hollande devra très certainement être un jour, lorsque le Temps aura fait enfin son œuvre et que l’Histoire lui rendra alors justice, réhabilité à sa juste valeur.
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur, notamment, de « Philosophie du dandysme – Une esthétique de l’âme et du corps » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard – Folio Biographies), « Du Beau au Sublime dans l’Art – Esquisse d’une Métaesthétique » (L’Âge d’homme), « Oscar Wilde – Splendeur et misère d’un dandy » (Editions de La Martinière), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher). A paraître : « Traité de la mort sublime – L’art de mourir, de Socrate à Bowie » (Alma Editeur).
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