François Hollande : un prédicateur en panne de crédibilité
En écoutant les voeux du président français François Hollande, au soir du 31 décembre 2012, beaucoup de Français ont apprécié l'homme. Un ton convaincu et chaleureux, une manière simple et soignée de leur adresser la parole, un bouquet de valeurs de bon aloi. Mais ils ont également ressenti un double malaise.
Le premier tient au décalage entre les promesses et le choc du réel. Tant d'espoirs déjà déçus. Avant même de réveillonner, c'était la gueule de bois, en direct, devant le spectre des ceintures à serrer d'un cran supplémentaire.
Le second, plus diffus, tient à l'épuisement d'une logique d'incantation politique. En écoutant le volontarisme étatique du président, on ne peut s'empêcher d'avoir le sentiment d'une histoire qui radote. Façon vieux disque rayé.
Bien qu'il ait pris soin de rappeler que l'Etat ne peut pas tout, François Hollande reste prisonnier d'un système de pensée qu'il a contribué à réactiver lors de la campagne électorale : ce que les sociologues et politologues appellent la "mission eschatologique de l'Etat" (1). En bon français, cela signifie un Etat en charge des destinées collectives, hérault des promesses d'un avenir meilleur. Un Etat émancipateur, voire un Etat sauveur, instrument de la providence immanente dont la volonté générale est l'expression ultime. On est loin d'une vision instrumentale et pragmatique des institutions. L'Etat, ici, est porteur de "rêve", ce "rêve français" que François Hollande voulait se voir "proclamé à la face du monde", un modèle de démocratie "plus forte que les religions" (2). Porteur de l'oracle républicain, le président se fait grand prêtre, en charge de l'universel républicain : n'en déplaise aux laïques, on n'est pas loin de la religion, même s'il s'agit d'une religion politique, sécularisée, qui n'a pas grand chose à voir avec les religions confessionnelles prêchées dans les églises, les mosquées, les synagogues ou les pagodes.
Le locataire actuel du Palais de l'Elysée a usé et abusé de ce registre, réactivant, façon "curé socialiste", le messianisme politique d'un certain François Mitterrand. Mais Hollande n'est pas Mitterrand, et 2012 n'est plus 1981. Dans l'intervalle, la pression fiscale s'est accrue, la nomenklatura politique a grandi plus vite que la démographie nationale, la classe politique n'a pas brillé par son renouvellement (3). Par ailleurs, le double effet de la globalisation (qui relativise l'exception politique française) et de la crise financière mondiale (qui oblige à rompre la spirale de l'endettement) ont porté un coup fatal au mythe d'un Etat-Père Noël. Aucun Français n'imagine aujourd'hui que la distribution d'emplois aidés ("contrats d'avenir"), financés par l'argent des contribuables, résoudra le chômage.
Dans une société de l'information où l'héroïsation du pouvoir devient intenable, on sait désormais que le roi est nu. Les Françaises et Français méritent dès lors qu'on cesse de les prendre pour des enfants crédules, et qu'on leur offre un Etat moins doctrinaire, qui gagne en honnête pragmatisme ce qu'il perd en gargarismes grandiloquents. Prisonnier de ses choix tactiques, François Hollande a raté ce virage.
(1) Voir par exemple Jean-Paul Willaime, “État, éthique et religion”, Cahiers internationaux de sociologie, Vol.LXXXVIII, 1990.
(2) François Hollande, discours du Bourget, 22 janvier 2012.
(3) "Pas plus que pour son Parlement ou son autorité judiciaire, la République n'a su créer de véritables pouvoirs locaux sous le regard des citoyens." Arnaud Montebourg, La machine à trahir, Paris, Denoël, 2002, p.136.
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