François Léotard, “Mme Irma de la rancoeur” ?

Nous sommes bien dans un régime de monarchie élective. Concentration de tous les pouvoirs à l’Elysée, phénomène de cour très accentué et désormais, premier pamphlet. Ca va mal finir est un livre partisan écrit de belle manière par un sarkophile déçu : François Léotard.
Le livre est à charge. L’auteur le reconnaît bien volontiers. Sans hargne pourtant, souvent avec ironie et humour, François Léotard, retraité de la vie politique depuis 2002 explique sa déception et fait part de ses inquiétudes. Pour l’ancien ministre, ça va mal finir, parce que ça a mal commencé. “[...] Et je crains que la belle histoire qui nous est racontée du haut de l’Elysée ne se termine mal. Parfois je ne peux empêcher un certain malaise de venir en moi. J’essaie de le chasser et il revient. Je prends un livre et ça revient de plus belle. [...]”
François Léotard ne ménage pas les coups de pioche à l’encontre du socle de la statue du commandeur. Il reproche au président l’imposture de la rupture. Selon l’ancien ministre, la République n’a pas commencé avec Nicolas Sarkozy pas plus que la France n’a attendu l’actuel président pour se réformer tranquillement. Au-delà, François Léotard critique moins le style que le fond notamment autour des questions de laïcité, d’économie et d’Union européenne. Une absence de fond plutôt marquée par une désinvolture clairement affichée à l’égard de sujets essentiels.
Quand, sur le sujet de la laïcité, on fait remarquer que le président de la République ne fait que mettre en œuvre ce qu’il avait préalablement dit et écrit, F. Léotard s’exonère facilement de toute responsabilité en indiquant qu’il n’avait pas lu le livre dans lequel Nicolas Sarkozy s’expliquait sur les questions religieuses. Au contraire, il en conclut que ça vient de loin et que cette remise en cause des principes fondateurs de la République est dangereuse.
Aficionado déçu, Léotard qui a connu une vraie proximité avec Nicolas Sarkozy et mené des combats communs, reconnaît que comme beaucoup de Français, il est blessé : “les Français ne s’attendaient pas à cette légèreté, à la fascination du moi, à l’absence de doute”.
Réfutant participer à une campagne de haine contre le président, l’ancien maire de Fréjus n’entend pas pour autant se plier à une loi du silence qui pèserait sur la majorité. Il dénonce un système pyramidal étouffant qui n’accepte pas la moindre réflexion. Dans les colonnes du Parisien, il précisait sa pensée : “On est dans un moment de trop grand conformisme verbal, on n’ose pas dire les choses, on rase les murs. L’ironie me semble très belle quand elle questionne le pouvoir. Ce goût de l’ironie peut-être me vient-il de mon frère Philippe. Quand il est mort, je me suis dit : c’est lui qui avait raison.”
Détaché de la politique, il déclare ne rien attendre, ce qui lui ouvre un droit à l’insolence et à la liberté de propos. Alors quand il se fait étriller par Christian Estrosi ça le fait sourire. La contre-attaque du camp présidentiel a pourtant été menée à l’arme lourde : « Il a en fait collationné tous les ragots et toutes les injures pour en faire sa mauvaise sauce. A la manière d’une voyante, il s’ingère dans la vie privée du président de manière indigne. François Léotard, c’est un peu la Mme Irma de la rancœur ». « Digne représentant d’une génération de la droite qui a tout raté, il a tiré les conséquences de ses échecs personnels en quittant la scène politique sans que personne ne le regrette ». « Sans doute saisi d’un éclair de conscience sur sa propre vacuité, il s’était réfugié dans le silence. Dommage qu’il ait dérogé à cette règle. »
Pour seule réponse, F. Léotard pointe la “servilité” et la “dévotion plate” du secrétaire d’Etat : “Venant d’Estrosi, ça me fait franchement rigoler”.
Constatant que “M. Sarkozy est le bourreau de lui-même”, F. Léotard espère que la réaction des gens permettra un changement de comportement, faute de quoi, “la République va se révolter contre cette pratique du pouvoir” “certains, qui comme moi, ont voté Sarkozy sont dans un état d’exaspération qui, je le crains, peut finir dans la rue”.
Interrogé par Paris-Match, François Léotard balaye, une nouvelle fois, toute aigreur personnelle : “Je pourrais être aigri si j’étais en situation de demande. Or, je n’attends et ne veux rien. Je suis un has been heureux ! J’aime mon pays. J’ai écrit ce pamphlet dans un moment de colère. Je demande à Nicolas Sarkozy un peu de retenue et de faire passer son ego après les règles de la décence. L’exhibition permanente porte un nom : la vulgarité.”
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