Frégates de Taïwan : l’affaire des ampoules
Samedi 14 juillet 2007, 13 h 15, sur la chaîne taïwanaise TVPS : soudain, la présentatrice évoque les frégates livrées par la France à Taïwan, ses propos accompagnés de photos d’un des bateaux. Et d’annoncer qu’elles ont un problème nouveau...
Ce 14 juillet, c’est aussi la fête nationale française. Signe du destin, c’est aussi le moment qu’ont choisi les médias taïwanais pour révéler au public le dernier problème, technique, qui accable les si onéreux navires d’origine française.
Non, il ne s’agit pas de listes de comptes bancaires en Suisse (de ce côté, on avance avec une discrétion maximale), mais de témoignages oraux qui accusent le fournisseur des ampoules électriques placées sur ces bâtiments militaires de... produire des ampoules de mauvaise qualité qui apportent le noir à l’intérieur des précieux engins de combat.
La malédiction des ampoules victimes de malfaçons
Cela fait quelques temps que les médias taïwanais n’avaient pas montré les beaux produits issus de la technologie française qui ont coûté si cher en argent à ses acheteurs et généré tant de brutaux décès parmi ceux qui avaient participé, peu ou prou, aux contrats commerciaux permettant leur acquisition par la marine taïwanaise.
Le sujet du jour montre donc, preuves matérielles à l’appui, des citoyens expliquant que l’entreprise qui fournit les précieuses ampoules de haute technologie permettant de voir à l’intérieur de ces navires quasi hermétiques de jour comme de nuit, produit des ampoules défectueuses, en tout cas d’une courte vie en termes d’utilisation.
Il est expliqué aux téléspectateurs que ces ampoules sont absolument indispensables tant au confort des équipages qu’à la sécurité et au travail des marins qui accomplissent leurs tâches à bord. Le problème est que l’on s’est aperçu qu’elles ne remplissaient pas vraiment leur office, laissant parfois dans une obscurité bien ennuyeuse et soudaine les matelots.
Chacun mesurera, sans noirceur d’esprit mal tourné, l’ampleur du problème qui nécessite, bien évidemment, des réactions immédiates, fortes et appropriées à l’enjeu crucial du dossier.
Des langues ironiques pointent alors ce qui ressemble, pour des personnes bien au fait de l’histoire des frégates en question, à une sorte de malédiction : "leur achat a été entouré d’événements sombres et voilà que les ampoules amènent l’obscurité au sein des navires" !
Encore une preuve de la causticité du langage populaire...
Une enquête nouvelle pour que la lumière soit... à bord
La télévision taïwanaise a heureusement rassuré les citoyens : les faits ayant été portés à la lumière publique et ayant donc illuminé les autorités compétentes, une enquête adéquate aura lieu pour connaître les causes des défectuosités de ces ampoules et, si nécessaire, la marine changera de fournisseur.
Voilà qui s’appelle une prompte et efficace réaction qui évitera de laisser l’intérieur des frégates dans le noir. Et qui rassure le public sur la validité opérationnelle de ses unités navales !
Mais, ce petit sujet télévisé a de nouveau attiré l’attention publique sur ces vaisseaux qui paraissent tant visés par la malchance.
10 à 10 : égalité d’accusations
Récemment, un article paru sur Agoravox intitulé "Frégates de Taïwan : l’ex-président dans la tourmente", rappelait que, le hasard étant par essence le fruit de coïncidences involontaires, l’ex-président de Taïwan au moment de l’achat de ces frégates, Lee Teng Hui, avait été informé que dix enquêtes pour des "accords douteux" avaient été ouvertes, indirectement contre lui, par son ex-parti, le KMT.
On apprenait hier par la presse que le candidat du parti DPP à l’élection présidentielle - Frank Hsieh -, que Lee Teng Hui soutient, et qui est maire de la deuxième ville du pays, Kaohsiung, avait aussi, hasard "incroyable" des chiffres, dix "enquêtes" lancées contre lui sur la gestion de sa mairie. Et, selon les "sources officielles", c’est encore le KMT qui serait à l’origine de ces dix dossiers...
Au moins, on notera que les gens du KMT ont un sens arithmétique aigu de l’équité.
Climat propice aux sorties de "dossiers"
Il semble bien que, malgré la concordance étrange des chiffres d’accusations lancées contre l’ex-président et contre son allié politique déclaré, Frank Hsieh, Taïwan soit dorénavant en période électorale précoce et que, en sus des "arguments" échangés entre les adversaires politiques, "on" ressorte les "vieux dossiers" qui, jusque-là, n’avaient probablement pas un intérêt manifeste.
Nul citoyen bien au courant des moeurs politiques, que ce soit à Taïwan ou ailleurs, ne peut ignorer l’importance, non pas pour le débat public, mais pour assurer un possible vote massif des électeurs en faveur d’un candidat donné, de faire démontrer par la justice la malhonnêteté, voire pire, de ses adversaires politiques.
Comme le disait, ironiquement, un commentateur politique taïwanais sur un sujet de même nature : "la démocratie connaît parfois de très étranges cheminements vers son expression indépendante voulue par les citoyens libres de leurs propres choix éclairés".
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