Frein moteur

Hé, tu sais comment il tient, toi, le koala dans les arbres ?

Oui, toi ! Le koala…

Moi je ne sais pas, mais rester agrippé sur une branche, en dormant, en rêvant peut-être, sans jamais tomber, ça c’est un exploit ! Parce que moi, si je devais dormir accroché à une branche, à quelques dizaines de mètres du sol, la tête en bas et l’air tranquille, et bien je te parie plein de trucs en vrac que je ne tiendrais pas longtemps. Au premier ronflement, hop, je lâcherais la branche. Et puis surtout j’irais atterrir un peu plus bas, là où la mousse est plus fraîche certes, mais où surtout, le sol est plus ou moins dur en fonction de la vitesse proportionnelle au point d’altitude du lâché prise jusqu’à son point d’impact au sol.

Vlan, pan !

A terre !

Le koala lui, c’est comme s’il avait mis un frein à main. Cric crac, allez, frein à main ! Hop, c’est dans la poche ; comme disait un kangourou de ma connaissance qui ne dormait jamais dans les arbres mais qui avait très bien étudié les koalas !

Le coup du frein à main, c’est pas si bête que ça. T’as déjà vu des chauve-souris ? Et bien c’est kif kif pareil au même, non ? De vraies équilibristes du sommeil, la tête en bas, les pattes accrochées au plafond, en grappes bien ordonnées.

Hé, tu les imagines, toi, les chauve-souris, en plein sommeil réparateur, oublier leur frein à main ? Et hop, bing bang, toutes ces bestioles tomberaient à terre, la tête plantée dans le sable… Et nous, obligés d’indiquer à proximité du lieu, grâce à un panneau : Attention chute d’animaux !

Et bien non, là tu rêves. C’est comme les koalas, tu ne sais pas pourquoi, une fois que ça dort, ça roupille grave, et ça tient tout seul comme ça dans les branches, pendant des heures et des heures. Notons d’ailleurs que d’autres animaux, tels le paresseux, roupillent tranquille pareil idem en jouant les équilibristes.

Parce qu’entre nous soit dit, à titre d’exemple : Moi personnellement, si je devais tenir le pari de devoir ronfler dur dur, comme ça, sur une branche toute une nuit ; et bien, dès les premières minutes de ma roupillance, je lâcherais la branche ! C’est sûr ! Et là, bing bang, hop tralala… Paf ! J’atterrirais la tête en bas ! Et vous aussi d’ailleurs !

A moins que vous ne soyez un koala, un paresseux, ou une chauve-souris, ce dont je doute, puisque je n’ai jamais vu de koala, de paresseux ou de chauve-souris lire un texte, et encore moins un livre, puisque sinon ils lâcheraient la branche eux aussi. C’est logique !

Et donc, le truc, leur secret, pour ne pas lâcher la branche lorsqu’ils s’endorment, c’est qu’ils ont un frein à main. Hop, cric crac, frein à main ! Et hop, dodo garanti, sans équimose, ni bosse et autres contusions dues à l’attraction terrestre, théorème bien connu d’Issac Newton. Les koalas, les paresseux et les chauve-souris ne sont pas des pommes !

On pourrait penser de même à propos des astres, des étoiles, et de la lune. Et du soleil aussi. Car s’ils tiennent aussi bien dans le ciel, scintillants comme des guirlandes de noël, c’est bien qu’ils sont accrochés à quelque chose, non ? Les étoiles ne tombent pas du ciel, pas plus que les soleils ou les lunes. On voit donc bien qu’ils ont des petits crochets pour les maintenir en suspension au-dessus de nos têtes. Sinon, ça pourrait pas tenir. Les comètes, c’est juste des bouts de cailloux célestes qui ont oublié de mettre leur frein à main, et qui dérivent dans l’espace, ce que ne font pas les koalas, les paresseux, ni même les chauve-souris.

C’est pour cette raison qu’à noël ça brille de partout, avec des boules et des étoiles en suspension sur les sapins. C’est pour l’exemple !

Parce que ce monde ne tourne pas rond, un peu comme toutes ces comètes qui filent droit la queue entre les pattes, parce qu’elles n’ont pas mis leur frein à main… A cause du monde qui marche la tête à l’envers, par foules entières, alors que c’est réservé aux koalas, aux paresseux et aux chauve-souris. Et qu’on risque bientôt de se fracasser le crane, du haut de cette branche fragile auquel on s’agrippe lamentablement, alors qu’on s’endort et qu’on n’a pas de frein à main.

Hé ! Tu les entends scier la branche, toi ? Cette branche sur lequel tu roupilles. Tu les entends scier la branche ? Ils en ont décidé de ton sort ! Tu les entends scier la branche ? C’est à celui qui sera le plus fort. Même les koalas, les paresseux et les chauve-souris n’y résisteront pas...

S’il te plait, ne t’endors pas !

Lou Florian