Fric au black chez les helvètes
Souvenez-vous : le journaliste de Médiapart a été intrigué par l'attitude de Cahuzac à l'égard de Woerth ; une fois qu'on a une puce à l'oreille, pas moyen de l'ôter.
Il s'est penché sur la question et sur le bonhomme ; l'a suivi, écouté et s'est fait sa conviction.
Quelle ténacité ! Le génie n'est qu'intuition.
Des années de travail, de rencontres, de recoupements, jamais faciles ; des collaborateurs, de la confiance : il est venu à bout de son enquête avec ce qu'il fallait de preuves.
Dès le départ Cahuzac a réagi bizarrement ou plutôt humainement : il affichait une certitude, une innocence mais cachait mal son mal être et sa culpabilité.
À voir les protagonistes, on savait qui avait raison !
Comme d'habitude, quand je vois qui que ce soit à terre, mon cœur prend pitié ! C'est plus fort que moi, je ressens comme une injustice que celui-ci prenne pour les autres.
Ceci dit je ne garantis pas ma compassion à l'égard de Sarkozy quand on aura enfin le fin mot de toutes ses histoires ; mais ce n'est pas le même bonhomme.
Cahuzac a engrangé des « commissions » de la part des labos avec lesquels il bossait : à part moi(!), qui dans la salle, en tant que chef de clinique ( d'entreprises ou de collectivités locales), nageant dans le pognon et les affaires, aurait agi autrement ?
Cahuzac a dû, ça et là, planter quelques cheveux au black : qui ( même moi évidemment !) n'a jamais empoché quelques billets illégitimes ?
Tout est question de proportion ; par exemple, moi j'ai gagné 300 euros non déclarés à rééduquer un cheval rétif !
Un chirurgien, chef de clinique, c'était trois cents euros par jour ; bon. On n'a pas le même train de vie non plus ! Moi je n'ai pas de bonniche black au black, même pour la bonne cause !
Alors voilà, cet honnête homme, pris malgré lui par les aléas de la vie moderne, se retrouve avec des centaines de milliers d'euros impossibles à déclarer. Il a bien dû dépenser tout ce qu'il a pu mais au bout d'un moment, on n'a pas que ça à faire de dépenser. Il fallait trouver quelque chose, agir au mieux.
Les comptes en Suisse n'ayant pas été faits pour les chiens, Cahuzac comme des milliers d'autres y a caché ses éconocroques. Sous Sarko, tout était possible, il fallait aviser et se préparer à un avenir sombre.
La Suisse, c'est trop proche ; il y a eu aussi à un moment des velléités de donner les noms des détenteurs de comptes ; souvenez-vous, ce traître aux siens, cet employé de banque qui a mouchardé ! Tataouine, ou la Thaïlande ou que-sais-je, c'était aussi bien. Cela fait trois ans que le magot n'est plus sous les cieux européens !
Comble de malchance, Hollande le pressent comme Ministre.
Vous avouerez qu'il ne pouvait pas dire : oui, bon, j'accepte ce poste, bien sûr, j'en suis flatté, merci, mais avant cela il faut que je déclare au fisc quelque chose comme six cents mille ( six millions ?) d'euros, qui en fait ne viennent de nulle part, sont là sans exister, bref, la merde quoi !
Là il a commencé à maigrir.
Puis à s'aigrir.
Bon, je ne vais pas pleurer ; cela lui a fait une belle expérience, il retrouvera sa clinique, ses rentrées au black aussi et, ouf, il n'aura plus de craintes ! À moins que cette histoire l'ait rendu plus qu'honnête ?
Il se souviendra comme d'une punition son face à face avec Mélenchon ; mais Mélenchon c'est un vrai gentil qui aime à rabaisser les seuls journalistes arrogants ; il a trouvé qu'il s'en est bien sorti ; d'ailleurs il a eu le satisfecit de son Président.
Cahuzac, c'est un transparent ; d'abord il se fait démasquer par un obscur journaliste d'une officine, qui a certes la réputation de couper les cheveux en quatre après y avoir cherché les poux, tout cela n'ayant rien à voir avec le métier du quidam, mais il remue les pieds, serre les fesses et les lèvres, s'avise de tarabiscoter son projet de taxation des riches de telle manière qu'il est refusé – certes, c'était le but- mais il en a assumé la gloire. Ça devait lui faire tout drôle de devoir faire semblant de porter ce projet, parce que, faire semblant, pour le coup, c'était bien la seule chose qu'il était capable de faire.
Enfin, le pauvre garçon a été à côté de ses pompes pendant près d'un an.
Il n'en pouvait plus, ça se voyait, et sans avoir jamais regardé dans les astres ni les entrailles de poulet, j'avais deviné que ce dénouement était le seul possible !
Il n'a pas eu tort de faire ça vite ; dans son intimité, ses proches sont tous comme moi ! Il doit souffler.
La conclusion que je tire de cette histoire, et de celle de Strauss-Kahn et d 'autres que j'oublie pour l'heure, c'est qu'au fond, les socialistes sont des malfrats d'occasion, des faibles qui se laissent tenter, des gentils !
Les malfrats de droite sont beaucoup plus retors, ou précautionneux ; il paraît plus difficile de les déstabiliser ; leurs malversations n'en sont pas à leurs yeux, juste leur bon droit, et, je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais c'est pire ! On peut même dire que ça fait peur.
Notre NKM – c'est bien quand même qu'au bout de tant de décennies nous ayons nous aussi, comme les américains leur JFK, nos DSK, NKM...- a été très fair play ; peut-être anticipe-t-elle les déculottées de son chef gourou ( quand tout le monde se ruera sur le pauvre NS, qui manque de K dans ses initiales et n'a rien à voir avec notre Seigneur, la droite pourra dire qu'elle a été bien élevée et sobre de lazzis à l'encontre de ses ennemis) ; même l'extrême droite n'est pas allée jusqu'à dire qu'il fallait que le gouvernement démissionne !
Ah ! Voilà une affaire rondement menée. La maffia PS commence à payer sérieusement les abus de son pouvoir ; je le répète, je regrette vivement que la droite soit si foncièrement mauvaise qu'il s'avère plus difficile de la déboulonner.
Nous aurons droit aux paroles coutumières – véritables tours de force- de la part de tout le monde à propos de « l'affaire » ; certains se réjouiront, d'autres ricaneront et au gouvernement, les prochaines nuits seront blanches pour trouver les mots vides dont on se dira qu'ils pourront passer la rampe.
Quelle misère.
La morale, triste, de cette histoire, de ce qu'elle nous révèle, est que la politique est devenue le fait de schizophrènes, d'êtres scindés dont on ne sait si l'alter ego est le petit garçon vulnérable à la vénalité, influençable, ou bien le personnage rigide au langage de bois...
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