G 20 du 2 avril à Londres : Une montagne qui accouchera d’une souris ?
Le 2 avril, à Londres, la pression sera dans la rue, avec les manifestations des syndicats et des alter mondialistes, mais aussi autour de la table de discussion. La pression sera forte, des Etats-Unis vers l’Europe et la Chine notamment, mais aussi de la France vis-à-vis de l’Allemagne par exemple. Mais peut-on attendre – comme Barack Obama – des résultats tangible de cette grande messe des 20 pays les plus développés du Monde ? Le premier ministre Anglais, qui préside le G 20 cette année a déjà prévenu. Il en attend des résultats modestes, « seulement une étape » dit-il. Alors, une vertu nouvelle pour le système financier international ? C’est bien, mais il faudrait aussi inventer un nouveau monde… Alors, le G 20 accouchera-t-il d’une souris ? Même Mickey est touché par la crise, Goldman Sachs, estimant que le titre Walt Disney est survalorisé d’environ 25% par rapport à ses concurrents…[i] Par Eric Donfu
[i] Source, Investir. Fr, 24 mars 2009
« Nous vivons une période de défis économiques mondiaux auxquels on ne peut répondre par des demi-mesures ou les efforts d’un seul pays, quel qu’il soit. Il est aujourd’hui de la responsabilité des leaders du G20 de prendre des mesures audacieuses, ambitieuses et coordonnées qui non seulement permettront à l’économie de se redresser, mais ouvriront une ère nouvelle d’engagement économique capable d’empêcher à l’avenir une telle crise de se reproduire. » écrit cette semaine le Président Américain Barack Obama. [i]
Un G20 né il y a dix ans d’une crise économique et réuni aujourd’hui autour de la crise économique
Après la dernière réunion qui s’était tenue le 20 novembre dernier à Washington, sous la présidence de George Bush, ce 2 avril, à Londres, ce sera sous la présidence du Royaume unis, que se réunira le G20. Ce sont donc l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et une douzaine de pays émergents , l’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, la Chine, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie, le Mexique, la Russie, et la Turquie qui seront autour d’une même table, avec l’Union Européenne, représentée par la République Tchèque qui en assure actuellement la présidence tournante. Le FMI, Fonds monétaire international et la Banque mondiale participeront aussi à ses travaux. Compte tenu de l’ordre du jour, d’autres pays, comme l’Espagne, ont été invités, ainsi que des organisations comme l’Union Africaine, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) ou , l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), Autant dire qu’il y aura autour de la table, selon les organisateurs, "90% du Produit intérieur brut mondial, 80% du commerce international (y compris les échanges interne à l’UE) et les deux tiers de la population mondiale" On pourrait d’ailleurs s’attendre à une modification des statuts de ce G20 pour l’élargir aux pays d’Afrique et d’Asie qui en étaient exclus. N’oublions pas que ce groupe s’est constitué récemment, en 1999, à l’initiative de l’ancien G7, qui était un véritable « club des nations riches », En réalité, le G20 est né des crises financières qui avaient alors éclaté successivement en Asie, en Russie et en Amérique Latine.
Comprendre la crise
Au niveau mondial, les plan de relance induits par la crise économique se réfèrent aussi au passé, aux années noires, il y a 80 ans... Le spectre de la crise de 1929 est en effet dans tous les commentaires. Mais qui a rappelé sa nature ? 1929 était une crise de surproduction. Grace à l’évolution des méthodes de production ( le Fordisme) les gains de productivité augmentaient plus vite que le marché, On produisait plus, plus efficacement, mais l’augmentation constante de la production de biens de consommation ne trouvait pas de débouchés. le revenu disponible des consommateurs, leur "pouvoir d’achat" ne pouvait répondre à l’offre. Les stocks d’invendus sont ainsi devenus de plus en plus importants, à l’image de champs de voitures invendues....
Aujourd’hui, vivons-nous un changement d’époque ?
Entre les années 1950 et 1970, les « Trente Glorieuses » ont prévenu les crises de surproduction en partageant les gains de productivité, au lieu de produire telle une « fuite en avant ». : La hausse des profits s’est accompagnée d’une hausse des salaires et d’une baisse des prix. C’est ainsi que le niveau de vie de la population s’est élevé dans les sociétés occidentales, avec un accès au confort dans les logements, à des loisirs diversifiés, mais aussi à l’éducation, à la santé et à une meilleure alimentation, ont dessiné le modèle de la société contemporaine. L’actif des ménages et des entreprises a ainsi été multiplié par quatre depuis 1980. Le problème, est que, en instituant ainsi un société de consommation et en poussant sa logique jusqu’à l’extrême, par des crédits tous azimut, nous sommes arrivés à ces crédits immobiliers américains à taux variables, qui, recyclés par le système financier, ont fait sauter les banques... De fait, aujourd’hui, la relance de l’inflation, la stagnation des salaires et l’augmentation du chômage représentent une nouvelle menace de crise de surproduction. Mais 1929 restant dans toutes les têtes, la question que les entreprises se posent est de savoir s’il ne s’agit pas plutôt du début d’une sortie de ce modèle de société de consommation où l’on ne consommerait pas plus, mais mieux. Vivre mieux en dépensant moins semble en effet devenu la règle depuis quelques années, et les produits et les distributeurs « discount » s’en inspirent depuis une dizaine d’années.
Les Etats restent pris dans le tapis des conjonctures
Mais, aujourd’hui, si les Etats, maitres des horloges, laissent cette spirale s’installer, la récession risque d’être fatale à de très nombreuses entreprises. Le cap des trois millions de chômeurs en France devrait être dépassé à la fin de l’année, et les conséquences sociales peuvent être terribles. Il faut donc soutenir impérativement l’activité, mais les économies sont ouvertes et interdépendantes. Voila pourquoi ces crises de surproduction ne peuvent être jugulées que par des plans de relance de la consommation concertés au niveau Européen et mondial. Avec un plan de relance de 700 milliards de dollars, alliant des mesures de relance de la consommation , un soutien aux filières industrielles et aux grandes entreprises et des plans d’investissements, seuls les Etats-Unis de Barack Obama montrent l’exemple d’une relance globale et potentiellement puissante.
Les blocages de l’Allemagne
Mais l’Europe est bloquée, certains disent même qu’elle disjoncte, à cause notamment de la prudence Allemande. Le gouvernement de la chancelière Angela Merkel préfère en effet attendre, soit que l’économie mondiale reparte, soit, par exemple, que la France relance la consommation uniquement de son côté pour pouvoir en bénéficier comme ce fut le cas il y a près de trente ans entre 1981 et 1983. Rappelons nous le plan de rigueur que ce plan de relance par la consommation avait entrainé, avec un blocage des prix et des salaires, et même une interdiction de sortir des devises du territoire... Aujourd’hui, alors que les économies sont encore plus imbriquées dans la zone euro, l’Allemagne donne le ton. Faudra-t-il qu’elle touche le fond pour se ressaisir et relancer, de concert, la consommation avec ses voisins européens ? Un sujet inscrit au menu du G20, à Londres, en avril 2009.
Les ambitions « modestes » de Gordon Brown
Alors, bien-sûr, du « ménage » va être fait. « nous ne pouvons nous contenter d’un retour au statu quo. Nous devons mettre un terme à la spéculation effrénée et à notre tendance à vivre au-dessus de nos moyens ; nous devons en finir avec le mauvais crédit, les banques surendettées et l’absence de tout contrôle qui nous condamne à ces bulles qui finissent inévitablement par éclater. Seule une action internationale coordonnée pourra empêcher les prises de risque irresponsables qui ont provoqué cette crise. C’est pourquoi je suis déterminé à saisir cette occasion pour procéder à une réforme en profondeur de nos dispositifs de régulation et de supervision. » ecrit notamment le Président américain.[ii] Quant à l’hôte du G20, le premier ministre britannique Gordon Brown, il a simplement indiqué que, pour lui, le G20 ne représentait « qu’une étape » et il lui a désigné quatre objectifs : "restructurer notre système bancaire" à l’aide de "règles communes", "faire en sorte que l’économie internationale puisse retrouver la croissance", "aider les pays les plus pauvres" et enfin "réformer les institutions financières internationales
Alors qu’il faudrait inventer et évaluer de nouveaux concepts
Mais chacun sait, et le président américain l’a rappelé, que cette crise doit permettre de redéfinir des règles et des objectifs différents que ceux qui ont conduit à cette crise financière. Il faudrait avoir le courage de mesures à longue portée, concernant les paradis fiscaux bien sûr, mais aussi les marchés et l’aide au tiers monde. Des idées qui ne sont pas au menu du G20 que j’avais défendues dans un papier controversé, publié sur AgoraVox le 30 décembre 2008 « Ni candide, ni cassandre, quels électrochocs pour une croissance nouvelle »[iii] Mais la compréhension, l’analyse des sociétés contemporaines, des comportements des ménages et des entreprises, les dynamiques porteuses à moyen et long terme ont aussi leurs poids. Il s’agira aussi de comprendre les métamorphoses de l’offre et de la demande, l’évolution des produits, de leurs modes de production et de distribution. Ces visions doivent prévaloir dans les politiques économiques et industrielles, aux échelles régionales, nationales, européennes et même mondiales.
Une crise qui intervient alors que la prospective publique est en faillite
La faillite de la prospective publique permettra-t-elle l’élaboration d’une sortie de crise à la hauteur de l’enjeu ? L’échelle d’une prospective à long terme, s’adressant aux cinquante prochaines années, est en effet négligée par le politique, parce qu’elle a montré ses limites dans le passé d’une part, mais surtout parce qu’elle est hors de portée des responsables actuels. D’autre part, la planification ayant eu son âge d’or dans les années 50 et 60 et au début des années 70, s’est heurtée à la crise et au ridicule de ses prévisions de croissance. Le SDAU 74 - Schéma d’aménagement et d’urbanisme de 1974 - prévoyait par exemple des aménagements routiers et des équipements collectifs sans rapport avec les besoins réels. C’est par ailleurs en 1974 que le taux de natalité français a été le plus bas depuis 1946, et c’est à partir du deuxième choc pétrolier de 1979 que le chômage conjoncturel est devenu structurel, enterrant progressivement toute vision prospective au niveau de l’Etat. Si la DATAR Délégation à l’Aménagement du Territoire a continué à travailler, avec le commissariat au plan, sur des études traitant du futur, ce sont surtout les contrats de plan Etat-Région qui les ont mobilisés, autour d’urgences d’aménagement de route et de construction d’équipements scolaires. Le vieillissement de la population et la prévision aisée de besoin de prise en charge de la dépendance d’une partie importante des personnes du grand âge a conduit les Départements à reconsidérer la prospective pour mieux agir en temps réel. Mais dans ce domaine, intégré dans les « Plans gérontologiques départementaux » comme dans celui des « projets de villes » ou des « projets d’agglomérations » rare sont les exemples d’introspections lucides sur le passé et sur l’avenir, et encore plus rare sont les actions publiques témoignant d’un effort d’anticipation, que ce soit dans le domaine social ou économique.
L’accélération des temps va avec le mélange des temps
Car dans le domaine des techniques, l’accélération des changements est spectaculaire. La règle selon laquelle un produit électronique est deux fois plus petit, deux fois plus puissant et deux fois moins cher à chaque renouvellement, nous fait oublier le temps où 150 ans ont été nécessaire entre la découverte et la mise sur le marché de la photographie. La question est désormais de savoir si les évolutions technologiques vont précéder, accompagner ou être en retard sur l’évolution des mentalités. Si elles trouveront facilement leur public dans une concurrence exacerbée, un risque de lassitude et l’élévation du sens critique du consommateur, rompu aux modes de la consommation de masse. Dans ce domaine aussi, la réassurance compte. C’est dans le domaine des nouvelles techniques de l’information et de la communication, et notamment la téléphonie mobile (58 millions de français ont un téléphone portable) que la demande reste la plus forte. Les « plus » écologiques, dans le choix des matériaux par exemple, sont présentés comme un effort de « développement durable », c’est-à-dire pensant à l’avenir. Mais il existe aussi des références au passé dans le choix de signes « vintage » c’est-à-dire rappelant des produits disparus mais toujours dans l’imaginaire collectif. Dans le secteur automobile par exemple, la réédition de modèles anciens « relookés » à la marge, comme la « coccinelle » Volkswagen ou la « mini » Austin il y a une dizaine d’années, ou la « topolino » de Fiat récemment vont avec la redécouverte des scooters « vespa » . Mais cette approche de « mélange des temps » se retrouve aussi dans les équipements électroménagers, dans la mode et dans l’ameublement, comme dans toutes les expressions créatives.
La crise modifie les comportements
En entrant dans le quotidien des gens, la crise change leurs habitudes. Le système D comme débrouille, qui a les faveurs de la presse notamment, induit des modes de vie plus solidaires et moins dépensiers. Des « minorités actives » défendent un projet de société de décroissance, le rôle de l’Etat est reconsidéré même par les libéraux, et pourtant, en France, la consommation, si elle se modifie, se maintient à son niveau, et augmente même dans le secteur des loisirs, de la fréquentation des cinémas ou des expositions comme le salon de l’agriculture par exemple. Peut-on y lire également une autre perception du temps ? En effet, l’instant prend une valeur nouvelle. Le « froid dehors » invite à un « chaud dedans », une logique de réassurance qui place le nid, le foyer, la famille et les amis au centre, la sphère professionnelle, sociale ou politique étant tenue à distance. Et ce malgré un paradoxe français qui voit des millions de personnes manifester contre la crise, et le pouvoir en place pris dans ses contradictions. Picasso a eu cette formule : « Toute création est d’abord une destruction »
Mais elle permet les renouvellements collectifs
Dans un article écrit avant le déclenchement de la crise, mais analysant la crise de confiance de l’opinion dans le futur ( Eric Donfu, Comment donner de l’enthousiasme à la société Française ?, AgoraVox, 31 mai 2008 [iv]), je posais une question qui me semble toujours d’actualité : Est-ce « bien le signe d’une société qui, si elle est en attente, est montée sur des ressorts » ? « des ressorts qui partent de besoins non satisfaits, mais aussi d’une aptitude à se mettre en mouvement, d’abord soi-même, et peut-être collectivement. Avec l’allongement de la vie en bonne santé, ces trente années gagnées au cours du siècle, une nouvelle jeunesse s’invite pour toutes et tous. Saurons-nous colorer nos vies, les rendre plus vives, plus attentives, plus gaies, plus vraies ? »
Car au niveau individuel, la vie des individus a déjà changé
Dans ce papier, j’évoquais aussi les changements mesurés dans la sphère des individus : « Les métamorphoses de la famille ont fragilisé les couples et placé l’enfant plus que jamais au centre des foyers. L’inquiétude ressentie l’est aussi pour leur avenir. Le repli vers la sphère privée répond à un monde professionnel qui a trop longtemps privilégié la performance tout de suite et à tout prix et qui a du mal à retrouver le sens de la qualité et de la durée. Dans une société des individus, où le lien compte désormais plus que la norme, le volontariat davantage que tous les automatismes, il revient à chacun de créer son propre réseau de subsistance et d’existence. Les nouvelles solitudes actent ce nouvel ordre, comme le besoin de se ressourcer en famille, avec ses proches et ses amis, comme pour prendre de la force pour repartir au combat. La France de l’audace, celle dont les innovations préparent la prospérité de tous, doit désormais tenir compte d’une France prête à jeter l’éponge. Non, le monde n’est pas pourri et il n’est pas inutile de tenter le moindre effort pour changer les choses. Mais il faut d’abord s’appuyer sur un constat lucide du présent, seule voie vers un espoir à reconstruire. »
« Yes we can » : Un pragmatisme nouveau, non pas à la place, mais avec le lyrisme
Entre cet été 2008 et ce printemps 2009, une catastrophe financière mondiale s’est déclenchée. En novembre 2008, les américains ont étonné le monde en élisant Barack Obama, un président démocrate noir. Un fait historique et en contraste total avec les huit années précédentes de la présidence républicaine de George Bush. Si la campagne internet du nouveau président a inauguré une méthode moderne, ses références fréquentes au passé, illustrées par un slogan à succès contemporain « Yes, we can » ont bien donné le ton d’une nouvelle époque. La succession des générations a banalisé le métissage, intégré la notion de diversité et placé le pragmatisme non pas à la place, mais à coté, et même avec du lyrisme. Le mélange des temps se confond avec le mélange des genres. Si le 20ème siècle a été, dans les sociétés occidentales, celui des guerres et des sacrifices, il a aussi été celui d’un allongement sans précédent de l’espérance de vie et celui de l’émancipation des femmes. Mais aujourd’hui, il s’agit bien de tracer des perspectives pour un « nouveau monde ». Pour cela, il faudrait que l’argent ne soit plus le roi des échanges mondiaux, que la satisfaction des besoins réels des peuples deviennent la priorité de tous les pays, que les ressources, la diversité et l’écologie de la planète soient préservés et que que la santé l’éducation et la recherche occupent le premier rang des dépenses publiques… Yes we can ?
Eric Donfu
25 mars 2009
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