G.A.F.A. l’acronyme d’un quatuor qui accapare notre existence
Faites gaffe aux G.A.F.A. ! Google, Apple, Facebook et Amazon, ces dynamiques lutins créatifs de la Silicon Valley qui depuis une bonne dizaine d'années tissent la toile mondiale de la consommation.
http://high-ti.com/google-utilisera-desormais-vos-photos-vos-noms-fins-publicitaires/
Le premier luron devenu larron, Apple, nous vend des objets communicants, ordinateurs, tablettes ou smartphones et, avec son Apple Store met à notre disposition toutes sortes d'applications, jeux, et contenus culturels. Embarqué sur un de ses véhicules high-tech d'Apple, Google se charge, avec son moteur de recherche, de nous guider dans ce grand bazar géant, ce "souk planétaire" qu'est devenu le monde de la connaissance, de la culture, de la distraction et plus généralement de la consommation, en prenant au passage de solides commissions avec les commerçants et autres marchands que l'on est susceptible de rencontrer. Il s'intéresse aussi beaucoup à l'émergence de cet homme bionique et aux prothèses électroniques qui équiperont demain l'humain. Facebook, c'est le café du commerce ou le café de Flore suivant les cas, le dernier salon où l'on aime se faire voir et où l'on échange bons mots et photos, mais attention les murs électroniques ont des oreilles et les serveurs sont kleptomanes. Le dernier larron Amazon joue, moyennant commission, tantôt au concierge du Georges V, ou au porteur de paquets et occasionnellement au Père Noël ; bientôt il sera aussi livreur de pizza, ou coursier à domicile avec ses petits drones télécommandés. A cette bande des quatre il faudrait ajouter Microsoft, Yahoo et quelques autres.
A portée de clic tout devient possible : communiquer avec l'autre bout du monde, échanger, lire, apprendre, écrire, jouer, écouter "sa" musique, voir "ses" films, acheter, se distraire, préparer un voyage, acheter encore, de nuit comme de jour, la semaine ou le dimanche, que l'on soit dans son lit ou au beau milieu de l'océan. Nos boys électroniques se chargent de tout, absolument de tout. En nous observant en permanence, ils ont appris à mieux nous connaître et ils anticipent nos désirs, excitent nos pulsions. Ils se chargent aussi de stocker les romans et essais que l'on aime, les sons que l'on préfère, ils archivent sur des nuages nos écrits, nos photos, nos films, notre acte de naissance et nos factures, ils nous livrent notre dernier caprice. Pour tout cela ils ont peu à peu sélectionné leurs fournisseurs qui, pour être en bonne place sur leurs écrans, doivent verser un bon pécule à nos lutins. Progressivement on leur a confié nos vies, et tous les accessoires qui vont avec, à ses serviteurs virtuels prévenants, zélés et efficaces. Avec le temps on perd de vue le libraire du quartier ou le commerçant du coin ; nul besoin de se déplacer, de faire la conversation au vendeur, de courir d'une boutique à l'autre pour se faire une opinion, de faire la queue devant une caissière ronchonne pour un dernier achat, tout est à portée d'écran. En fonction de mon profil de consommateur, l'objet le mieux adapté me sera toujours proposé au meilleur prix et au bon moment. Pas besoin de se prendre la tête ; En toute discrétion ils se chargent de tout. On ne saura rien des fournisseurs qui refusent de payer leur contribution et disparaissent. On ne connaîtra rien des conditions de travail de ces milliers d'employés contraints d'exécuter des taches répétitives et ingrates, de "ces "eacher", pour réceptionner les marchandises et les enregistrer informatiquement ;ces "stower", pour les ranger dans les kilomètres d’étagères de l’entrepôt ; ces "picker", pour arpenter les allées et rassembler les produits commandés ; ou les "packer", pour les emballer avant expédition." ( lire " Amazon : le Père Noël est une ordure").
Grâce au succès planétaire de ces entreprise du net, tout va pour le mieux dans ce meilleur des mondes. Par leur valorisation, Wall Street atteint des sommets. Avec "ce sentiment de richesse" retrouvé ( pour certains ), l'économie mondiale, aux dires des experts, serait à nouveau sauvée.
CES NAINS DEVENUS DES GEANTS DE PLUS EN PLUS VORACES
Avec des montagnes de cash,
En quelques années ces petits marmots du net sont devenus des ogres voraces. En 5 ans la capitalisation de la pomme de Cupertino a augmenté de plus de 450 % et représente 470 milliards de dollars et est la première capitalisation mondiale, Google le talonne et prend la seconde place avec plus de 400 milliards de dollars. Apple ne sait plus que faire de son cash, elle en vient à racheter ses propres actions pour "booster" le cours de l'action et le dividende de ses actionnaires. "En deux ans, cette montagne de cash a été multipliée par 2,5, pour atteindre 137 milliards de dollars, plus que ses fonds propres. Un mur d'argent que Total mettrait dix années de ses bénéfices à bâtir" ( lien)
En payant le moins d'impôts possible,
Alors qu'elles profitent pleinement des infrastructures nationales dans les domaines de l' énergie et des réseaux mis en place par la puissance publique et aussi de personnels qualifiés grâce aux écoles et universités locales, toutes ces entreprises globales de la toile mondiale se moquent des frontières des Etats-nations et de leur souveraineté économique en pratiquant la mise aux enchères inversées de leur contribution fiscale. En Europe, l'Irlande remporte la palme de ce moins-disant fiscal, aux Etats-unis, c'est le petit Etat du Delaware qui permet une optimisation fiscale particulièrement efficace. Ces derniers jours on apprenait que la France réclame 1 milliard d'euros à Google. S'il se concrétise ce sera le plus gros redressement de l'histoire fiscale française. ( lien ) Mais les négociations se poursuivent et il ne fait aucun doute que l'Etat français devra se montrer arrangeant en la matière. A titre de comparaison,en France, l'entreprise "Vente-privée" paie plus d’impôts que Google, Apple, eBay et Amazon réunis ! ( lien )
En détruisant des emplois,
Google n’est plus un simple moteur de recherche, mais un entremetteur qui prélève une rançon de plus en plus élevée sur tous ceux qu’il référence. En orientant le consommateur vers les sites de ventes qui collaborent, en mettant aussi directement en avant des produits à travers sa boutique Google Shopping, il fragilise de nombreux autres modes de distribution. D'après une étude de l'économiste Pascal Perri ce sont 12 000 emplois qui sont menacés en France dans ce secteur. ( FNAC, La Redoute, Darty, les librairies Chapitre, agences de voyage, ) ( lien ). N'y aurait-il d'autres formes de développement que ce darwinisme économique et social sans cesse renouvelé ?
En accaparant nos données personnelles,
Chaque jour l'ogre "Grosse Gueule" accumule dans ses " data-centers" des millions de données personnelles de par le monde( e-mails, photos, adresses etc...) ."En quinze ans, le moteur de recherche est devenu une puissance mondiale sans précédent dans l’histoire. Ses capacités de surveillance et de mémorisation dépassent déjà ce qu’aucun service de renseignements, y compris ceux des dictatures, n’a jamais pu collecter. Et cette masse de données amassées est en perpétuelle augmentation (à lui tout seul Google possède 2 % de tous les ordinateurs de la planète). (lien ) Face à ces atteintes à la vie privée, la Commission Nationale Informatique et Liberté ( CNIL ) a frappé un tout petit coup en contraignant le géant à afficher pendant quarante-huit heures sur la page d’accueil de Google France, ce samedi 8 février 2014, , à la façon d’un bandeau sur la couverture d’un magazine people : "La société Google a été condamnée à l’amende maximale de 150.000 euros pour manquements à la loi informatique et libertés". Le montant de l'amende va-t-elle modifier la politique en la matière de cette entreprise globale ? on peut en douter.
Ce mercredi 12 février, Le Président François Hollande devait rencontrer le président de Google. A-t-il abordé les problèmes de fiscalité et celui de l'utilisation de données personnelles ? On peut en douter. Il aurait fallu une attitude commune de l'ensemble de la Communauté européenne, l'initiative individuelle de notre président risque d'être sans conséquence.
en accaparant le pouvoir créatif : vers l'homme bionique
S'accaparer l'intimité de nos vies, de tous les objets de la connaissance, du savoirs et de la création artistique et tout ce que produit l'intelligence humaine ne suffit plus. Google continue à avancer masqué et se doit d'être présent partout où il y a création.
Avec l'argent accumulé, les génies Larry Page et Sergueï Brin, cofondateurs de Google ont acquis une gigantesque force de frappe. Ils ne cessent d'acquérir des entreprises dans les domaines de l'intelligence artificielle et de la robotique, ( voir la vidéo sur son Google Car ), ils investissent aussi dans le séquençage de l'ADN et dans le domaine rémunérateur de lutte contre la mort. Dans les NBIC (nanotechnologies, bio-ingénierie, informatique et cognitique) Google devient incontournable. Avec son mystérieux laboratoire Google X, l'entreprise travaillerait ainsi sur des centaines de projets ( lien ).
Bientôt, avec nos données personnelles glanées au fil du temps, des robots pourraient bien nous accompagner au plus près dans toutes les tâches du quotidien, reproduisant nos comportements pour mieux nous manipuler. (lien ) Que nous restera-t-il alors ?
Faut-il partager l'optimisme de Michel Serres ? : "Google est une puissance unique dans l’histoire, peut-être plus forte que Rome ou l’Empire britannique, mais dans le même temps, grâce au numérique, un individu seul, que j’appelle “Petite Poucette”, peut avoir accès à tous les autres et contrebalancer cet énorme pouvoir. C'est ainsi que Snowden a pu démasquer la NSA."
Si tout à chacun pourra toujours s'émerveiller avec la puissance des données que Google met à notre portée et sur les capacités d'un individu de faire ponctuellement le "buzz" avec une photo,ou de déclencher un mouvement d'indignation ou de protestation, il est à craindre que rien n'arrêtera la domination sur nos vies de ces magiciens des temps modernes si on ne prend pas les mesures pour limiter et encadrer leur champ d'action. Au nom de l'innovation et du progrès sommes-nous condamnés à tout accepter jusqu'à remettre en cause un minimum d'humanité et de justice sociale ?
"L’Internet siphonne nos emplois, nos données, nos vies privées, notre propriété intellectuelle, notre prospérité, notre fiscalité, notre souveraineté. Nous allons donc subir ce bouleversement qui mettra un terme à notre modèle social et économique". Ainsi s'exprime Pierre Bellanger fondateur et président de Skyrock dans un livre intitulé " La souveraineté numérique ".
Il faudrait que l'élite politique se réveille, cesse d'être à la remorque de ces géants et reprennent la main dans le développement des technologies numériques par une politique volontariste dans ce domaine. Mais on peut douter de la volonté réelle des gouvernements de débattre des choix à faire en matière de développement et de maîtrise d' une toile qui nous enferme dans un seul modèle de développement : le plus juteux pour les géants du secteur aux dépens d'une économie régulée émancipatrice au service du plus grand nombre.
Roland Gori dans un article du Huffington post de ce 11 février affirme : "Les politiques, au nom du bonheur matériel, des exigences de consommation et de bien-être auxquels les marchés prétendaient répondre, cèdent leur pouvoir de décision et d'initiative. Ils se désistent au profit d'un système dérégulé, affolé, incontrôlable, dont plus personne, ou presque, ne possède la maitrise se contentant d'en exercer la fonction. La technique, encore elle, décide pour nous. Dans tous les domaines les automatismes tendent à prévaloir sur la liberté. Bien sûr pas les automatismes d'antan, mais des automates souples, fluides, numériques, captant et façonnant insidieusement les conduites humaines. Ils n'aident plus à la décision, ils la prennent." ( lien )
Déjà, tout au long du XXième siècle, les machines avait dépossédé l'ouvrier de ses gestes et de ses savoir-faire pour en faire un servant, un prolétaire qui n'avait plus que l'énergie de son corps et du temps disponible à vendre. Les gestes sont devenus répétitifs, les tâches professionnelles sont de plus en plus ingrates, dénuées de tous sens pour ceux qui les accomplissent. Ensuite la mondialisation des échanges, avec la mise en concurrence des travailleurs du monde entier à mis à mal les acquis sociaux, et a fini par dévaster les classes populaires. Avec l'aide de la télévision et de l'industrie des médias et de la publicité, un mode de vie standardisé à l'échelle du monde s'est progressivement imposé. Avec l'augmentation du pouvoir d'achat moyen de l'ensemble de la population de la planète ce XXème siècle a été aussi le siècle du consumérisme et de l'émergence d'une classe moyenne grande consommatrice de biens et services. Comme on avait dépossédé l'ouvrier de son art, il fallait maintenant s'attaquer à la personnalité et à la souveraineté de ces nouveaux consommateurs pour les dépouiller à leur tour de tout arbitrage. C'est à quoi nos quatre larrons et leurs confrères se sont attaqué en bridant définitivement la consommation au mieux de leurs intérêts.
Ainsi " le capitalisme, après avoir optimisé la production, c'est-à-dire les conditions de sa subsistance, par la machinisation de la production, en vient à prolétariser non plus seulement le producteur, mais bien le consommateur, qui n'a plus que son âme à vendre, c'est-à-dire son temps de conscience : il s'agit de soumettre toute existence aux impératifs de la subsistance." (Bernard Stiegler :" De la misère symbolique" Edition Champs Essais page 263. ).
Si rien n'est fait, demain nous risquons bien de n'être que des êtres solitaires et vides. Le jour, dans des hangars plantés au milieu de nulle part, conducteurs de chariots chargés de paquets, dont on ignore la destination, le soir happés par des écrans vers un monde virtuel et illusoire à la recherche d'un bonheur perdu.
En attendant, depuis hier, j'utilise le moteur de recherche QWANT., histoire d' essayer de jouer à "la petite poucette" chère à Michel Serres et dans le même temps contribuer à mettre en pratique les "ABCD de l'égalité", enseignement jugé en haut lieu fondamental, au lieu de préparer les garçons et les filles d'aujourd'hui, à affronter un monde qui, si on y prend garde, risque d' entrainer la majorité d'entre eux dans le néant et la désespérance.
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