« Gagner sa vie, ce n’est pas vivre »
Voici revenu le temps des voeux, le temps des bonnes résolutions et de la volonté qui se réveille malgré l’engourdissement de l’hiver. Que souhaiter pour 2009 ? la fin de la crise et la relance économique ? Ce n’est pas vraiment à cela que je pense en écrivant cet article...

Pour 2009, je fais plutôt le voeu que notre société, créée par des gens qui ont maintenant l’âge de la retraite, retrouve une nouvelle jeunesse et se pose de nouvelles questions sur la direction qu’elle veut prendre, comme un jeune homme ou une jeune fille qui se demande : que vais-je faire de ma vie à présent ?
C’est pourquoi, je souhaite à mes concitoyens, pour l’année 2009, de vivre en plénitude et pas seulement de gagner leur vie.
"Gagner sa vie, ce n’est pas vivre"*
C’est pourquoi aussi, au cours de l’année 2009, il y aura deux sortes de mécontents : il y aura ceux qui veulent gagner leur vie parce que c’est quand même un préalable pour vivre. Nous aurons donc les manifestations pour la sauvegarde de l’emploi prévues si je me souviens bien pour la mi-janvier et cela, tout le monde le comprendra.
Mais nous aurons aussi les protestations de ceux qui, comme les lycéens et les étudiants, ne se préoccupent pas uniquement de gagner leur vie car, cela, naïvement ou pas, ils pensent qu’ils y réussiront bien un jour ou l’autre, mais qui réclament de vivre, c’est-à-dire de donner un sens et une plénitude à leur vie. Et cela, cela fera couler beaucoup d’encre parce qu’on ne comprendra pas toujours très bien les motivations des manifestants. "Les jeunes ont peur de ne pas avoir d’avenir, de ne pas trouver leur place dans la société", dira-t-on, et on haussera les épaules en se disant : "Pourtant, ils finiront bien par trouver du travail eux aussi !" Et on n’aura pas tout compris.
J’entendais un de ces jeunes il y a quelques jours. Il disait que des études qui débouchent sur un métier, il peut en faire, ce n’est pas le problème, il a le niveau pour cela (bac S avec mention) mais que ce qu’il veut, c’est faire quelque chose d’intéressant dans la vie. Et quand, sans comprendre, les adultes présents lui répétaient constamment la même chose : "Mais il faut travailler pour gagner sa vie, c’est cela l’essentiel", il s’énervait, agacé de l’incompréhension générale. Heureusement, son grand-père, ancien artisan, a quand même compris et a dit : "C’est sûr que si tu commences ta semaine en te disant vivement vendredi, tu ne tiendras pas des années comme cela !"
L’obsession du chômage conduit beaucoup de parents à se dire : il ne faut pas faire la fine bouche ; avoir du travail quel qu’il soit, c’est déjà bien. Les jeunes qui veulent être "raisonnables" hochent la tête mais au fond d’eux-mêmes, l’insatisfaction sera toujours là, latente, et l’envie de se joindre un jour à une belle manifestation pour un prétexte ou un autre aussi.
Parce qu’ils veulent faire quelque chose d’intéressant, quelque chose qui a du sens. Après, si on leur demande :"oui, mais quoi plus précisément ?" ils ne peuvent guère en dire plus et ce n’est pas de leur faute, d’une part parce qu’ils n’ont pas beaucoup de modèles sous les yeux à citer, d’autre part parce qu’on ne leur a pas appris à verbaliser ce type d’attentes.
Je trouve en effet qu’on n’apprend pas assez aux jeunes à se poser les questions fondamentales sur le sens de la vie. Les cours de philosophie ne durent qu’un an, sont réservés aux futurs bacheliers et leur efficacité pour permettre de développer une réflexion sur le sens de la vie varie beaucoup selon les professeurs.
Pourtant, n’avez-vous jamais entendu un jeune vous répondre, quand vous vouliez qu’il fasse tel ou tel effort qui lui paraissait injustifié : "Quelle importance ?! je vais peut-être mourir demain !" Est-ce que ceux qui font ce genre de réflexion ne mériteraient pas d’être accompagnés dans leur cheminement ? A moins de considérer que ce ne sont là que paroles en l’air et vides de sens ?
Mais ces réflexions ne sont pas seulement valables pour les jeunes, elles nous concernent tous et, en ce début d’année, nous pouvons tous regarder notre vie et nous demander : ai-je accompli tous mes rêves d’enfant ? Ai-je réussi à bâtir la vie épanouissante à laquelle j’ai droit ? Est-ce que je vis en plénitude ?
Je ne sais pas pourquoi la planète existe, pourquoi l’espèce humaine existe, mais je sens que si nous sommes sur cette terre, ce n’est pas seulement pour faire fonctionner le système économique actuel en travaillant et en consommant ; je crois que nous sommes avant tout sur terre pour nous y épanouir et y être heureux. C’est cela le sens de la vie.
Quant aux détails, beaucoup de philosophies et religions ont donné des pistes dont on peut se servir selon ses goûts et sa personnalité.
Certains catholiques parleront d’aimer les autres (d’autres emploieront le mot de "convivialité"), de rester proche de la nature (St-François d’Assise), ne pas se soucier du lendemain ( "Regardez les oiseaux des champs, il ne filent ni ne tissent et pourtant mon Père qui est au cieux s’occupe d’eux") ("A chaque jour suffit sa peine").
Les épicuriens recommanderont de ne pas se créer des besoins inutiles, de profiter de ce qu’on a, en étant heureux de l’avoir.
Les artistes parleront de création.
Les aventuriers partiront à la de découverte du monde, en quête de voyages, d’inconnu, d’improvisation...
Chacun a droit à une vie originale et riche mais les systèmes politiques et économiques ont tendance à étouffer les aspirations des hommes et les femmes.
Et pourtant,
"Gagner sa vie, ce n’est pas vivre"
Je souhaite qu’en 2009, de plus en plus d’hommes et de femmes le redisent car plus nous serons nombreux à le penser, le dire et le vivre, plus ce sera facile pour le grand nombre d’affirmer cette revendication de la vie en plénitude.
* Robin Hobb : La trilogie des Loinvoyant (l’Assassin royal tome 4)
Le héros est un jeune homme découragé, qui a beaucoup souffert, physiquement et moralement et, amer, il rejette tout et tout le monde. Il veut quitter ceux qui se sont occupés de lui jusqu’à présent.
- Que vas-tu faire ? lui demande son mentor, sceptique.
- Je vais gagner ma vie.
Son mentor le met alors en garde :
- Gagner sa vie, ce n’est pas vivre !
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