Gaspillage
Ce terme trouve ses ascendants dans toutes les régions de France, de l'Ouest à la Provence en passant par le Poitou, remonte au latin médiéval et jusqu'au gaulois !
Au XVIe siècle il signifie « dépenser sans discernement » et à partir du XIXe siècle, le même sens et son sens figuré.
En effet, on peut tout gaspiller : son énergie, son talent, son temps...
Dans Politis de ce jeudi 12 juillet , un très bon « dossier société » traitant du gaspillage alimentaire.
Souffrir du gaspillage, c'est avoir une conscience aigüe de nos limites et aussi celles de notre environnement.
Il paraît simple pourtant de ne pas gaspiller, cependant cela nécessite du discernement ; celui-ci débute avec notre attention, notre responsabilité : deux composantes importantes de la liberté. Car contrairement à ce qui semble rôder dans l'inconscient collectif d'aujourd'hui, la liberté est le contraire du « n'importe quoi ».
On n'est pas forcément obligé de parler ici des milliards d'euros appartenant aux contribuables, balancés, sans leur avis, aux industries automobiles ! Pour les résultats que l'on sait.
Le gaspillage est une mauvaise gestion, inefficace bien évidemment, mais aussi nuisible ! L'absence de volonté d'affronter les problèmes vrais oblige à tenir à bout de bras, en force, une économie au bord du gouffre dont les seules causes sont un déni de réalité et un aveuglement volontaire ; nos sociétés subissent des changements radicaux qui nécessitent des transformations qui ne le sont pas moins mais ce ne sont que les fruits récoltés de décennies de capitalisme débridé, voulu, consenti ou subi selon l'endroit où l'on se trouve sur l'échelle sociale.
Notre société gaspille tout : l'intelligence, la créativité, l'énergie, l'imagination des jeunes par un système éducatif contraint et sclérosant.
L'argent public pour tenir à flots des banques ou des industries, en pure perte.
La beauté, l'équilibre, l'harmonie, la santé de nos campagnes et de nos villes.
Le squelette de nos valeurs, de notre culture, ploie sous la surcharge et je ne vois pas d'autres causes à l'étisie de notre pays.
Le gaspillage alimentaire ne nous laisse pas indifférents : on a beau vouloir tendre vers le tout-esprit, le tout-technologie, nous n'en restons pas moins des animaux qui ont besoin de nourriture terrestre. Cela met en cause notre agriculture dont on nous fait croire qu'elle doit s'industrialiser davantage, employer davantage d'engrais chimiques, de désherbants, de pesticides et surtout doit évoluer vers le transgénique pour s'acquitter de son rôle : nourrir les neuf milliards de ventres affamés qu'on nous promet pour bientôt. Cette vérité assénée à coups de millions de dollars de propagande n'est pas suffisamment remise en question.
En Europe, la perte et le gaspillage de produits alimentaires s'élèvent à 280 kg/an et par personne !
40 kg sont directement imputés à chaque membre d'un foyer.
Le reste ( si j'ose dire !) a sa source dans la politique agricole, dans la chaîne industrielle de transformation alimentaire, dans la restauration et largement dans la grande distribution ( entre parenthèse, l'article montre bien comment la grande distribution se débrouille pour ventiler ses pertes, en amont sur les producteurs, et en aval, sur les consommateurs ; les premiers par un manque à gagner, ou une surproduction imposée, les seconds par le prix à la caisse.)
40kg d'aliments perdus par an sont donc directement de notre fait ; ce n'est quand même pas une goutte d'eau ! 240 000 tonnes tout de même ! Pour notre seule France.
Sans compter ce que l'on laisse dans l'assiette à la cantine, au restaurant, à l'hôpital,etc.
Je me permets un petit aparté : pour se rendre compte de l'importance de nos gestes au quotidien, que ce soit pour l'énergie, les km roulés inutilement, et, bien sûr le contenu de nos poubelles, il nous faut multiplier par 60 millions ! Tout devient impressionnant alors !
Au départ, il y a un système aussi stupide que pervers qui nous a incités à avoir plus pour être sûrs d'avoir assez !
Si cette peur du manque taraudait ceux qui ont connu la guerre, on ne peut guère la justifier aujourd'hui.
Le système induit par le cinéma et la publicité, libérateur de la femme supposée être seule à pourvoir aux repas, le « dogme du repas à cinq composantes : entrée, plat protidique, légumes, fromage et dessert » ( P. Piro Politis) ont enfumé nos esprits et figé nos imaginaires.
Ainsi achète-t-on des plats tout prêts, à réchauffer au micro-ondes, des salades lavées ( au chlore), des viandes vite cuites, du surgelé… tout plat préparé et conservé avec tout ce que l'on trouve de plus mauvais à notre santé : trop de sel, mauvaises huiles et tout le toutim !
Mais c'est tellement « fun », de manger à n'importe quelle heure, ce qu'on veut. Pour cela, il faut un réfrigérateur bien plein- quitte à oublier ce qu'il y a au fond, et la flemme d' accommoder les restes, d'autant plus que ne pas manger deux fois de suite la même chose est un signe de raffinement et de richesse dont les pauvres ne se privent pas !
Dans nos poubelles il y aura donc tous ces restes de repas, leur emballage ( ni dégradable ni recyclable), tout ce qu'on aura laissé se périmer, tout ce que l'on aura acheté en trop !
Mais pour continuer cette gabegie, il faudrait bien augmenter les salaires.
Permettez-moi à ce stade une petite confidence : comme je l'indique dans mon « profil », je suis décroissante ; je ne le suis pas devenue après avoir rencontré un gourou, une secte, une église, qui auraient dicté une ligne de conduite à laquelle je me conformerais pour gagner mon paradis, non, c'est une évidence de ressenti d'abord puis de mise en application au fur et à mesure que ma conscience s'accroissait. Dans l'objet, je vois le déchet, non fertilisant, le gaspillage de nourriture m'est une douleur.
Sûr que si l'on a des poules, des chevaux des chats des chiens, on fourgue une partie du trop plein avec bonne conscience – à condition de ne pas manger industriel car les animaux sont moins que nous protégés des graisses insaturées, du sel et de toutes les saloperies de notre nourriture moderne !
Donc, la confidence : j'ai une attitude tout à fait inconsciente dans la vie qui incite, ou autorise, mes voisins ou amis, à me refiler tout ce dont ils ne veulent plus
: bouf périmée- pour les chiens- vieux pain- pour les chevaux- objets divers, fringues,etc.
Je suis devenue une « pré-poubelle » ; cela les acquitte de toute mauvaise conscience et j'ai bien compris ( avant, je n'osais pas dire non) que je faisais là une bonne action : personne n'aime jeter, tout le monde en éprouve une culpabilité, certes, vite oubliée !
Et il est plus facile de « donner » ( à moi de me débrouiller) que de prévoir et savoir gérer !
J'assume assez bien mon rôle de tampon, de modérateur de gaspillage. Et ce ne serait pas le cas de tout le monde, car la fierté se place beaucoup plus souvent sur des futilités matérielles que sur ses attitudes morales... mais bon.
Quant au dogme du repas équilibré à cinq composantes, il a été si bien ancré, que n'importe quelle mère se sentirait indigne si elle s'y dérobait ! Elle préfère goinfrer ses mômes de mauvaises pâtes -quand on est gros c'est qu'on profite- elle préfère jeter !
Pourtant, l'équilibre alimentaire n'est pas à ce point précis qu'il faut de tout à tous les repas ; il peut avec bonheur se répartir sur la semaine, et pour les adultes, même sur un mois !
Le trop plein de tout partout est une nuisance à la santé physique, à l'équilibre mental.
Je m'étonne qu'on ne le voit pas et, le voyant, qu'on entreprenne rien pour y remédier.
On peut prendre des habitudes sans garde tandis que s'en défaire exige de nous une volonté, une constance : ceci dit, une mauvaise habitude perdue ne nous manque pas !
Et c'est bien cela qu'il faut clamer haut et fort : On ne perd rien à ne pas sur- consommer, ne pas gâcher, ne pas gaspiller, on ne perd rien à ne pas partager ni à ne pas surinvestir notre temps d'occupations !
Le gaspillage vient aussi du manque d'attachement aux objets ; c'est paradoxal du reste que dans une société exclusivement matérialiste, les objets aient si peu de valeur sentimentale, c'est sans doute que le sentiment est passé lui aussi à la trappe du matérialisme !
On peut se procurer de tout avec une telle facilité ( y compris à l'aide de prêts « voyous ») que le bonheur est plus d'en acquérir un autre plus récent, plus perfectionné, que d'apprécier celui que nous avons, il est vrai, acquis sans désir.
Pour bien faire entrer dans la tête des récalcitrants que consommer était bien ( au sens de la morale), il fut de bon ton, à une époque pas si éloignée, de faire valoir le fait que cet acte favorisait l'emploi ; insidieusement s'est donc insinué en nous que, créer des emplois était généreux, somme toute, une sorte de partage, de solidarité.
Tout le monde aime faire une bonne action.
Aujourd'hui, on voit où cela nous a menés ! Et pourtant, certains rigolos continuent à nous chanter la chanson du pouvoir d'achat, de la croissance, etc.
Le capitalisme a survécu jusqu'ici parce qu'il a mis à contribution notre bonne volonté, nos valeurs anciennes du « bien faire », du don, de l'honnêteté , mais absolument dévoyées à notre nez et à notre barbe ! Il commence à mourir de la déchéance de ces valeurs.
Il faut dire que consommer est quand même plus confortable à faire et plus facile à faire faire que d'être envoyés ou d'envoyer à la guerre ! En plus, tout le monde joue sa partie : les femmes et les enfants aussi.
Bravo !
Le gaspillage vient aussi d'un éloignement sans cesse grandissant entre l'amont et l'aval de notre consommation.
Du temps d'une ruralité majoritaire, du temps où les services publics n'escamotaient pas notre responsabilité ( les services publics qui sont devenus privés !), chacun savait d'où venait son eau puisqu'il allait lui-même la chercher ou, plus tard, installait des tuyaux à sa source ; il savait où elle allait, qu'elle arrose le figuier ou qu'elle se perde dans le ruisseau ; les restes allaient au cochon et on était trop pauvres pour changer de fringues tous les jours !
Laver le linge à la main n'incitait pas à laver sa chemise dès que l'on avait à peine transpiré dedans !!!
Quand on fait son bois, quand on cultive ses légumes, quand on élève ses poules, on connait la valeur du travail nécessaire juste pour le nécessaire !
Aujourd'hui les consommateurs ne connaissent que leur propre peine au travail, consommer, même n'importe quoi, est devenu l'exutoire indispensable et cela n'a plus aucun rapport avec la vie, la santé ! Ce sont les plus pauvres qui consomment sans regarder le plus de nourriture, parce qu'à l'unité, c'est encore ce qu'il y a de moins cher ! Ce sont les plus pauvres qui mangent le moins bien, et eux aussi qui gaspillent le plus !
Nous n'en sommes plus à une contradiction près.
Là, je vous entends ! Revenir à la bougie ?
Alors, le monde est-il dual ? Le tout ou rien des enfants gâtés ? Le gain quitte à en subir les perversions ? La machine quitte à en être dépendant ? Quitte à pourrir le monde ?
Et pourquoi pas un peu de mesure ?
Non . Du passé, faisons table rase, pas de mémoire : pas de regret ! Pas d'attaches : pas de fidélité, pas de racines : pas de responsabilités !
Encore si nous foncions, ignorants, consentants, mais joyeux !
Si encore nous n'étions mus que par notre instinct, déterminés spécifiquement.
Mais non, on parle, on se gausse et l'on garde pour une prochaine vie sûrement, une prochaine planète, notre imputabilité.
Mais puisqu'on ne sait plus se priver même du superflu, même par amour, que pouvons-nous attendre de bon de l'avenir ?
Extrait :
http://www.politis.fr/Gaspillage-alimentaire-l-ampleur,18987.html
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