Gauche : et maintenant que faire avec (ou sans) un grand parti anticapitaliste ?
Le grand projet de la LCR a abouti il y a quelques jours. Le message est sans surprise : « Regrouper les déçus du Parti communiste et du Parti socialiste en un mouvement d’opposition au libéralisme ».

Les partis
dits "classiques" de la gauche vont-ils rester impuissants
devant une "offre" qui s’appuie essentiellement sur la récupération
systématique de militants ou de sympathisants ?
La démarche de la
LCR et ambiguë. Elle s’appuie sur l’abandon par les partis politiques de
l’intervention en termes économiques en même temps que fidèle à sa stratégie de
l’opposition elle refuse l’accès au pouvoir et toute forme de gouvernance.
On a peu, pour
ainsi dire, entendu de réactions des partis de la gauche parlementaire sur cette initiative. Il est vrai
"qu’englués" dans la chasse aux investitures, les candidatures
dissidentes et des accords ponctuels avec le MODEM, le Parti socialiste, le
Parti communiste et les Verts ont fort à faire. Seulement, voilà ce que m’ont
déclaré plusieurs moins de 25 ans très récemment : "Tu sais nous on est de
plus en plus pour les communistes..." L’un a même ajouté : "Même
les jeunes des cités il veulent voter communiste..." En fait, il
veulent voter... Besancenot.
Un grand parti
anticapitaliste peut-il être le seul à être combatif ?
Si les moins de
25 ans sont sensibles aux déclarations du leader de la (ex) LCR, c’est surtout
parce qu’il leur parle d’actions qui leur permettraient d’intervenir
directement sur leur avenir. Démagogie diront certains. Probablement.
Mais, arrêtons de croire et de faire
croire qu’il est possible de mettre en place le "fantasme" de négociation permanente et apaisée de nos amis scandinaves. Compte tenu de
notre histoire (tant ouvrière que patronale), c’est un profond leurre. Il ne
faut pas avoir peur de rappeler que tous les acquis sociaux proviennent de
conflits durs... auxquels la gauche était autrefois systématiquement associée.
Les partis de
gauche parlementaire ont été particulièrement discrets sur des sujets
importants comme la réforme du code et du contrat de travail. L’opinion se sent
"abandonnée" par ceux qui naturellement étaient ses
défenseurs. Qui ne dit mot consent, dit-on.
Le manque de combativité sur ces sujets doit-il faire comprendre que les partis de gauche n’auraient pas su empêcher cette nouvelle fragilisation des salariés s’ils avaient été au pouvoir ? La trouve-t-elle inéluctable ?
Là encore, les
salariés auraient aimé connaître clairement la position des grands partis de gauche.
Notamment sur la "flexisécurité" qui, vantée par notre gouvernement, a
surtout abouti à mettre en place un peu plus de "flexi" sans aucune
budgétisation de la "sécurité".
Lors d’un de mes
échanges verbaux avec un membre de Croissance Plus a été sans appel : en fait
ce sont les prud’hommes qui leur posent problème. Selon ce membre de Croissance
Plus : "Les prud’hommes sont une sorte de loterie qui ne bénéficie
qu’aux salariés" (ce qui est strictement faux).
Il proposait en lieu et place une
négociation de gré à gré qui serait "moins coûteuse". Il est
bien évident que ce monsieur part du principe que tous les employeurs sont
irréprochables. Je lui ai proposé de se rendre de temps en temps aux audiences
pour se rendre compte que les salariés y viennent réclamer : des heures non
payées, un licenciement non justifié, une réparation pour du harcèlement moral ou
sexuel ou des attitudes discriminatoires. Il a argué "le peu de temps
que lui laisse son entreprise pour venir constater".
Que voulez-vous,
les salariés qui font valoir leurs droits sont vraiment des pervers ignorants
de la réalité économique de la mondialisation !!!
C’est vrai que demander l’interdiction des licenciements est illusoire mais cela fait partie des propositions de la LCR et obtient un écho très favorable auprès de gens qui sont menacés de licenciements économiques "préventifs".
Là encore, on aurait plaisir à entendre une réaction et des projets précis de la part des partis parlementaires. Car qui à gauche sur les plateaux des télévisions n’oublie jamais de citer un conflit social en cours ? Olivier Besancenot.
Même s’il s’agit
d’une technique démagogique, les Français sont beaucoup plus sensibles à cet
intérêt qu’au discours "bien huilé" sur l’enseignement
supérieur et la recherche prodigué par les responsables de la gauche
parlementaire.
Bien entendu
qu’il faut préparer l’avenir mais que fait-on aujourd’hui pour ceux qu’on
flexibilise ou précarise ? Quant au sauvetage de notre pays par l’innovation et
la recherche, que fera-t-on de la très grande majorité des salariés qui
n’auront pas les capacités de travailler dans la recherche ?
Car, ne nous y
trompons pas, le résultat de l’innovation sera industrialisé... ailleurs.
Devrons-nous nous contenter des services à la personne, formidable gisement de... nouvelle domesticité et nouveau prolétariat ?
Le grand parti
anticapitaliste peut-il être le seul à rassembler ?
Existe-t-il un
millier de façons d’améliorer la vie des Français ? Non et pourtant, il semble
qu’il y ait autant de déclinaisons que de tendances ou courants dans les partis
de la gauche parlementaire sur ce sujet.
Le discours
"simpliste" prodigué par la LCR touche les gens parce qu’il s’appuie
sur des convictions (que chacun est libre de contester). La gauche
parlementaire à l’instar de tous les grands partis s’est jetée à corps perdu
dans la "politique marketing". La
dictature des sondages et enquêtes d’opinion l’a menée comme les autres à la
création de concepts qui détruisent toute notion de conviction.
Ne nous le
cachons pas : ce sont ces concepts qui sont en majeure partie responsables des
derniers échecs électoraux subis par la gauche.
Proposer de
vraies solutions issues des fondamentaux de gauche est tout sauf
démagogique. Revenir sur le rôle incontournable de l’Etat dans la régulation
économique et le droit équitable des salariés. Aider au développement de toutes
les formes d’entreprises alternatives (sociales et solidaires). Lire ou
relire, puis mettre en avant les constats de Rifkin dans son livre La Fin
du travail sur la durée du travail et
l’adaptation de nos sociétés à cette nouvelle donne.
La gauche ne peut
se contenter de regarder avec plus ou moins d’envie des modèles comme le SPD
(qui voit d’un mauvais oeil les bons résultats de Die linke) ou le New Labour.(qui
risque à tout moment une défaite électorale). La gauche a longtemps représenté
pour les Français un rempart face aux exigences des milieux économiques et un
exemple de justice sociale.
Abandonner ces
simples repères équivaut à leur dire : "Désolé, nous ne pouvons
plus rien !... mais votez pour nous" ou
l’éternel : "Il n’est pas possible de concentrer tous les pouvoirs dans
les mains d’un seul parti."
Mais doit-on au
nom du réalisme économique expliquer aux gens qu’il n’est plus possible
d’envisager autre chose que des mutations "meurtrières" et
un petit job d’une quinzaine d’heures pour leurs enfants ?
La gauche
parlementaire doit afficher clairement ses positions dans tous ces domaines. Ces positions peuvent (et doivent) devenir un véritable
programme politique d’alternance digne de rassembler des millions de citoyens
sans pour cela se mettre en compétition avec le "grand parti
anticapitaliste" de la LCR.
"Ce qui nous unit est toujours plus fort que ce qui nous sépare" déclarait Nicolas Sarkozy lors de son dernier voyage aux Etats-Unis.
Pour une fois, la gauche aurait intérêt à lui emprunter cette citation pour nous montrer un vértiable projet... Sans clivage.
Sources et crédit
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