Géopolitique européenne III : La fin des illusions
Les récents événements - lâchage du gouvernement en place et retrait précipité tournant à la débâcle des Américains en Afghanistan, puis annulation par l’Australie du contrat de construction de 12 sous-marins à propulsion classique conclu avec la France sous pression américaine, afin d’acheter des sous-marins à propulsion nucléaires US - sonnent, pour les peuples européens, la fin des illusions entretenues depuis la fin de la deuxième guerre mondiale sur la crédibilité et la fiabilité de l’alliance euro-atlantique.
Il y a belle lurette que nos dirigeants, loin d’être naïfs, savent à quoi s’en tenir, mais nos concitoyens, pour beaucoup convaincus par les discours politiques tenus des deux côtés de l’Atlantique depuis 1945, et par les déclarations d’amour et d’amitié indéfectibles qu’ils égrenaient et continuent de répéter inlassablement, découvrent, un, peu tard et avec stupeur, que tout cela n’est que poudre aux yeux et promesses d’ivrognes.
De Gaulle, raillé par toute l’Europe, pour l’obstination et l’énergie avec lesquelles il développa, dans les années 60, la ‘’bombinette française, avait bien compris que le fameux parapluie nucléaire américain n’était qu’une illusion qui se refermerait dès que les intérêts américains ne coïncideraient plus avec ceux des Européens.
De Gaulle savait que l’OTAN n’était qu’un instrument conçu, pour contrer l’URSS, pour maintenir l’ensemble de l’Europe sous la dépendance et la tutelle de notre ‘’big brother’’, et destiné à empêcher les pays européens de s’écarter de la politique internationale US et de développer une géopolitique indépendante.
Et aujourd’hui, il faut bien constater que la France est le seul pays Européen doté d’une puissance de dissuasion nucléaire sérieuse et indépendante, puisque les clés et codes d’utilisation des forces nucléaires britanniques sont entre les mains des américains.
Les deux événements précités devraient dessiller les yeux des derniers crédules, notamment les citoyens des malheureux pays de l’Est et pays baltes qui ont tout misé sur l’alliance US.
D’ailleurs qui pourrait se permettre de jeter la pierre aux dirigeants américains et à Joe Biden ?
Où, dans l’Histoire de l’humanité, a-t-on vu un dirigeant responsable sacrifier et mettre en danger les intérêts de son pays et de ses concitoyens pour privilégier ceux de pays et citoyens étrangers, fussent-ils ses amis et alliés ?
L’Histoire n’est-elle pas jonchée d’une longue succession d’alliances retournées, de trahisons et de promesses non tenues, au gré des intérêts variables de chaque partie en cause ?
La vérité, simple, trop simple et trop cruelle peut-être pour que les hommes épris d’idéalisme s’y résignent, est que la géopolitique de tout pays est basée, d’abord et en premier lieu, sur ses propres intérêts et accessoirement sur les intérêts des autres.
Et il est normal qu’il en soit ainsi.
Or, il est incontestable que sur les plans, politique, militaire et géostratégique, l’Asie du Sud et de l’Est est devenue depuis 10 ans la première priorité pour les USA.
C’est là que réside plus de 30% de l’humanité, c’est là qu’émergent des géants -Chine et Inde- susceptibles de ravir la première et deuxième places mondiales aux USA dans les 10 ou 20 ans qui viennent.
Et c’est là que les puissances montantes, démographiques et /ou économiques, se multiplient à la suite du Japon, actuellement troisième puissance économique mondiale, comme l’Indonésie, la Corée du Sud, la Thaïlande, la Malaisie, le Vietnam.
L’Europe n’est plus qu’une pseudo-puissance déclinante, tant sur le plan démographique qu’économique, qui n’existe ni militairement ni politiquement, et qui, de toute façon, fonctionne depuis près de 100 ans sous la férule américaine.
Pourquoi les USA accorderaient-ils la priorité à notre continent, maintenant que le danger que représentait l’URSS a disparu ?
La Russie actuelle n’a ni les moyens ni intérêt à menacer les fidèles clients énergétiques présents et à venir que nous représentons pour elle, sauf à entrer dans une situation de dépendance dangereuse vis-à-vis de la Chine.
Telle est la réalité, que nous l’acceptions ou non.
Et nous sommes visiblement incapables d’y changer quoi que ce soit. La construction d’une Europe de la défense est illusoire. Trop d’intérêts divergents et concurrents existent entre les 27.
Quant à l’alliance franco-britannique, c’est une plaisanterie. Qui a pu se fier depuis des siècles, autrement qu’à ses dépens, aux promesses de la ‘’perfide Albion’’ ?
Acceptons la vérité. Aucune alliance fiable et solide ne peut être construite si les pays qui la concluent ne partagent pas à plus de 80% des intérêts, menaces et défis, communs ou convergents.
Sur notre continent, seuls les pays du Sud de l’Europe, France, Italie, Espagne, Grèce et Portugal réunissent, peut-être, ces caractéristiques.( cf. mon article précédent sur l’Union Latine).
Alors, au lieu de rêver à un parapluie de l’OTAN de plus en plus hypothétique et de moins en moins crédible, tentons de construire cette alliance plus modeste mais plus réaliste entre les pays précités.
Déjà, ce ne sera pas une partie de plaisir et le résultat final est loin d’être certain.
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