Georges Brassens aborde dans ses chansons toutes sortes de sujets universels : l'amour, l'amitié, la guerre et il évoque aussi la mort dans un de ses plus beaux poèmes : La Supplique pour être enterré sur la plage de Sète... .Que de références, que d'échos dans ce magnifique texte ! Et surtout que d'humour pour évoquer un sujet qui pourrait être grave !
En fait, ce poème sous forme de testament devient une sorte d'éloge de la vie, de ses bonheurs, de ses joies, de ses plaisirs...
Si le poète nous fait part de son désir d'être enterré sur la plage de Sète, il en profite aussi pour glisser quelques références littéraires : la camarde figure allégorique de la mort,Gavroche, Mimi Pinson, Paul Valéry bien sûr et son cimetière marin... Brassens nous montre ainsi son attachement à la culture avec un certain détachement tout de même... lui qui a mis en musique tant de poètes : Villon, Banville, Hugo, Aragon, Paul Fort...
Que d'inventions poétiques dans ce texte ! La mer devient "l'encre bleue" qui va permettre d'écrire le codicille, le testament de l'auteur....
Le "caveau de famille étant donc plein ", Brassens demande à être enterré sur la plage de Sète, au bord de la mer, auprès des dauphins....
Et l'ami Georges en profite pour énumérer tous les plaisirs de la vie.... le sable fin, les premières amourettes avec de jeunes sirènes," les baigneuses" qui pourront s'abriter à l'ombre de sa tombe, les enfants qui pourront faire" des châteaux de sable", la nature avec le "pin parasol "qui couvrira sa tombe permettant à ses amis d'éviter toute" insolation" !
La musique, les parfums sont aussi convoqués, apportés par le vent, le" mistral et la tramontane", airs de musique qui évoquent des danses joyeuses..."fandango, tarentelle, sardane...."
Quel bonheur ! Tout y est : amour, amitié, sensations, nature bienveillante.... plaisirs simples de la vie....
Et le texte s'achève avec l'évocation de l'ondine qui viendra sommeiller sur la tombe du poète, bonheur ultime ! On peut voir aussi dans les derniers vers une condamnation des grandeurs de ce monde avec les" pharaons" ou les "Napoléons" et leurs tombes grandiloquentes et pompeuses...
L'image finale est superbe : le poète transformé en" éternel estivant et qui fait du pédalo "sur la plage de Sète !
L'humour est constamment présent et la mort n'est ici qu'un prétexte pour parler de la vie, pour abattre les préjugés, dénoncer le goût de la grandeur, et montrer que le bonheur est fait de joies très simples et ordinaires : une plage au soleil, de grands pins, la mer, la musique du vent...
Le dieu Neptune est aussi évoqué au cours du poème, un dieu qui à Sète ne se prend pas trop au sérieux et ne fait pas trop de dégâts... en cas de naufrage, il faut sauver le vin et le pastis d'abord... encore le bonheur ici associé au bon vin et aux plaisirs de la table !
Ce texte nous permet de voir toute la simplicité, l'humilité de ce grand poète : c'est aussi une invitation à profiter de la vie... La mélodie est superbe dans sa nonchalance et traduit bien l'idée d'harmonie et d'insouciance présentes dans tout le texte...
Photos : Rosemar et Wikipédia
Vidéo : G. Brassens
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N’oublions pas tout de même que Brassens fût un sympathique mais néanmoins anarchiste crachant son dégout de la société bourgeoise avec plus de gouaille paillarde que de poésie, j’en veux pour preuve ses premiers succès dont : « Gare au gorille » est longtemps resté longtemps sa carte de visite...après le poète est apparu et ...ses chansons n’ont pas fini de courir dans les rues, comme le chantait l’excellent Trènet.
À l’auteur : « il évoque aussi la mort dans un de ses plus beaux poèmes : La Supplique pour être enterré sur la plage de Sète... » ou Pensées des morts
@Rosemar Ah ben ça alors, c’est bien la première fois que je suis d’accord avec vous*** ! La supplique est la chanson de Brassens que je préfère. Il y a eu des moments où je l’écoutais en boucle. Sublime, libre, évocatrice, tout Brassens est là. Merci de ce petit texte d’évasion, d’ailleurs, je mets mon casque audio maintenant, et c’est parti pour 7 minutes de pur bonheur...
***enfin non, je préfère de loin vos articles « culturels », tous bien vus, à ceux traitant des sujets d’actualité. Bonne journée à vous.
disserter sur Brassens, ce serait prétentieux mais évoquer ses chansons, leur simplicité, leur vérité : c’est du bonheur et aussi l’occasion de réécouter ses chansons..
Au delà de cette facilité à manier la langue française, de se servir des mots avec une habileté presque insolente, ce que ’on aime avant tout chez Brassens, et que tu fais très bien remarquer, c’est cette aptitude à « dénoncer le goût de la grandeur, et montrer que le bonheur est fait de joies très simples et ordinaires ».
On ne peut mieux résumer pourquoi il est si important dans la culture française.
à l’auteur Forcément d’accord, comment évoquer la mort mieux que dans ces sublimes vers Et de ta plus belle écriture,
Note ce qu’il faudra qu’il advint de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord,
Que sur un seul point : la rupture.
J’ai lu votre article sur Georges avec délice et bonheur, il fait partie de mes idoles depuis que j’ai 10 ans. Je lui avais écrit une lettre pour l’anniversaire de sa mort, pour lui dire que même s’il n’était plus là physiquement, on l’aimerait toujours. Il sera pour moi le plus grand poète-chanteur du XXème siècle, surpassant largement les auteurs d’aujourd’hui, même si ceux-ci ont du talent. Ses chansons sont écrites avec de vrais et beaux mots, pas des onomatopées.
Il a écrit également quelques romans ou recueils de poèmes, très peu connus car la plupart publiés à compte d’auteur, voici les titres :
« Des coups d’épée dans l’eau », « À la venvole », « Le taureau par les cornes », « La lune écoute aux portes », « La Tour des miracles », et enfin « La mauvaise réputation » qu’il a si bien chantée.
Je pense qu’il n’aurait pas beaucoup aimé notre société d’aujourd’hui, où tout est basé sur l’apparence, où la liberté de parole est souvent brimée, lui qui malgré les censures a pu « bouffer du curé »...Il a chanté l’amour des gens, des femmes et des hommes, de la mer qu’il aimait tant avec ses copains, c’était un vrai bon vivant, il nous manquera longtemps.
Merci Georges de nous avoir autant émus, charmés, donné le sourire, tu nous a rendus heureux.
Où sont donc les Brassens, Ferré et Brel d’antan ? Mais où sont donc les poètes disparus qui nous ont appris à vivre et aimer, à gambader rire ou crier, à fredonner et même à pleurer quelquefois ?
Encore un bel hommage à un artiste d’une grande qualité et à un homme d’une exquise bonté ...
@ à Selena,
J’ai été quelque peu ému par vos souvenirs du Sète de ma jeunesse. Vous souvenez-vous du bar dancing « Chez Charly », qui se trouvait sur la belle plage qui s’étendait jusqu’à Agde ? C’est dans ce bar que j’ai vu pour la première fois Brassens qui chantait à l’époque surtout des chansons de Trenet. C’était bien avant qu’il ne fut engagé par Patachou ...
Ah, le restau "La Péniche’ un simple routiers sur le port de Cette !
Un régal de rouille sétoise dans les années 80/90 ...
Reviens vite Georges, 32 ans que tu nous manques et il reste que 10 jours avant la fin du ’monde’ .. Reviens foutre le bordel et nous leur montrer le chemin ..
Que dirait l’ami Georges s’il revenait, tweeterait il lui aussi comme le pape sa bénédiction ? Je
crois qu’il continuerait plutôt comme avant à nous distribuer des
fleurs, des verres de rouges et des poignées de main, sur quelques
accords de guitare !
Brassens, en empruntant aux poètes qu’il aimait, de Villon à
Verlaine, en passant par l’ami Rutebeuf, avait choisi d’être hors du
temps. C’est la meilleure façon de garder son cap C’est la meilleure façon de prendre le vent Déjà avant de mourir il faisait déjà du pédalo sur les vagues en rêvant.
Je continuer à le voir passer sur leurs crêtes, du coté de Paimpol, où je m’arrête souvent. Il garde là un nom de rue, et une petite maison Avec de jolis points de vue, et des fleurs, sur le devant. C’est « La Jeanne » qui l’avait attiré là, en ces terres bretonnes, Une paimpolaise qui tenait une pension de famille à Paris Et l’avait prise sous son aile, quand la sienne était un peu cassée. Dés qu’on adopte une hirondelle, soyez sûr qu’’elle revient sous votre toit chaque année. Celle qui s’appelait Georges était fidèle. Je suis sûr qu’elle reviendra au printemps, Comme chaque année, faire sa couvée
Mais je ne voudrais pas le voler à Sète
Mais c’est la richesse de tous les grands poètes d’être partout à la fois. Ils se moquent des frontières, et leurs paradis fiscaux sont leurs albums de rimes. Cher Rosemar, pardonnez moi, mais voilà que je viendrais à en parler de Depardieu. C’est bien la le signe de cette époque inconstante, bavarde, et ne comptant que ses deniers, au lieu et à la place des alexandrins.
J’aime bien entendre Brassens, mais sa petite chanson « Les deux oncles », où il met sur le même plan les résistants et les collabos, est quand même dure à avaler. Bien typique d’un certain pacifisme anarchiste bêlant, toujours actuel, très stupide et assez lâche.