GILETS JAUNES : de l’Etat de droit à l’Etat autoritaire
L’arrestation brutale d’Eric Drouet à Paris, le 2 janvier 2018, en l’absence de tout rassemblement belliqueux expose aux yeux de l’opinion publique française et à l’ensemble des opinions publiques du monde l’autoritarisme d’un gouvernement qui faute de savoir donner des réponses aux revendications du Peuple, sort la matraque sous forme d’un recours fallacieux au Code pénal.
L’article 431-3 du Code pénal convoqué ici par les autorités dispose que « le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent code, l’exercice d’une des libertés vidées à l’alinéa précédent est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. » Rien de tout ça rue Royale le 2 décembre. Tout au plus pourrait-on parler d’attroupement que le même article 431-3 désigne comme étant « le rassemblement de personnes, sur la voie publique ou dans un lieu public, susceptible de troubler l’ordre public. » Les images vues sur les chaînes de télévision ne montraient rien qui fut de nature à troubler l’ordre public. Si l’on considère qu’une cinquante de personnes déambulant dans une rue, s’arrêtant pour déposer quelques bougies est un fait de nature à troubler l’ordre public que fait la police la nuit en présence des fêtards saouls et hurlants, des clients « stationnaires » et braillards aux terrasses des restaurants… et que dire des supporters sportifs et autres spectateurs du show-business ?
Supposons que l’attroupement autour d’Eric Drouet eût présenté un caractère de nuisance pour l’ordre public, le Code pénal rappelle qu’il faut d’abord rétablir l’Ordre Public avant d’exercer la répression et celle-ci doit être adaptée aux circonstances. Ainsi, la force publique ne peut disperser un attroupement qu’après avoir procédé à deux sommations et que celles-ci sont restées sans effet. L’article 431-3 du Code pénal précise également les autorités habilitées à faire les sommations : le préfet ou le sous-préfet, le maire ou l’un de ses adjoints, tout officier de police judiciaire responsable de la sécurité publique, tout officier de police judiciaire porteur des insignes de fonction ; la sommation se fait à l’aide d’un haut-parleur et en ces termes « Obéissance à la loi, dispersez-vous » puis, si nécessaire, « Première sommation : on va faire usage de la force » et enfin en cas de besoin « Dernière sommation : on va faire usage de la force ». Pour pouvoir procéder à ces sommations l’autorité doit être visible c’est-à-dire que la personne qui en est détentrice doit être identifiable grâce au port d’une écharpe tricolore ou d’un brassard tricolore.
Rien de tout ça dans l’arrestation d’Eric Drouet, nous sommes donc dans le cas de figure d’une action de pure police politique puisque le seul argument que donne le ministre de l’Intérieur est l’existence d’un hypothétique message posté par Drouet sur Facebook dans lequel il aurait appelé à « un rassemblement ». Mais, comme la matraque qui value à Drouet une mise en examen, les autorités n’apportent aucune preuve tangible. Notons, compte tenu de la violence de la police au moment de l’arrestation de Drouet, qu’on peut voir s’ajouter un acte de vengeance des syndicats de police qui s’ajoute à la violence du ministre de l’Intérieur.
Le gouvernement et les députés de la majorité présidentielle appellent à la fermeté, au respect de la règle de droit et des valeurs de la République, mais leurs actions notamment policières n’ont rien à envier à ce qui se passe en Turquie, en Russie ou en Corée du Nord. Profitons de ce court libelle pour rappeler qu’à propos de l’action gouvernementale en ce qui concerne les immigrés et de la Loi Collomb, l’ONU a déclaré que la France ne respecte que très imparfaitement les Droits de l’Homme : « La communauté internationale a adressé, jeudi 28 juin, 297 recommandations à Paris sur la situation des droits de l’homme dans le cadre de « l’examen périodique universel » (EPU). Parmi elles : la situation des prisons, le sort réservé aux migrants, aux minorités, mais aussi aux personnes handicapées. »
Décidément le « nouveau monde » est bien semblable à « l’ancien monde ». Alors qu’on nous promettait des pratiques nouvelles nous constatons les mêmes carabistouilles politiques où se mêlent intérêts privés et protections par l’Etat. Quelques exemples : le voyage à Las Vegas où Macron a tendu la sibylle aux gens de la finance et pour lequel sa ministre du Travail semble avoir couvert une procédure juridiquement douteuse, les bricolages financiers de l’actuel président de l’Assemblée nationale, les arrangements familiaux du secrétaire général, le point commun entre toutes ces affaires est la nonchalance de la justice qui balade les dossiers et évite de prendre des décisions ; la mise en examen de François Fillon fut plus rapidement prise. Que dire de l’affaire Benalla qui sans la presse aurait été cachée aux citoyens ? Faut-il ajouter le cas de cette députée de l’Eure condamnée en appel à une interdiction, pendant 5 ans, de gérer une entreprise ou une organisation et qui vint donner des leçons aux étudiants qui se plaignaient de la baisse de l’APL ? Que penser de ce député de la région Rhône-Alpes qui au bout de six mois de mandature état classé par le journal CAPITAL comme le 3e député le moins actif, en mars 2018 le journal Le Monde relevait « pendant des mois, il n’a pas ouvert la bouche, ni en commission, ni dans l’hémicycle », une inaction et un mutisme que ce député justifiait par la volonté de ne pas offrir « un temps d’expression équivalent à l’opposition ». Se qualifiant d'« élu de la nation », de la même façon il revendiquait de ne pas se mobiliser dans sa circonscription parce qu'« il faut sevrer la population des vieilles pratiques » ; sans doute lui fallait-il réserver du temps pour se consacrer à ses activités entrepreneuriales car il est encore l’actuel président de Syrobo, syndicat français de la robotique de services, membre du conseil d’administration du groupe Danone, membre du Conseil de Direction de Pathé SAS et il fait partie du Conseil d’Administration d’April. S’il n’y a pas conflit d’intérêts au sens juridique (mais c’est à voir) il y a bien un conflit d’intérêts moral pour ce député grand donneur de leçons.
On voit bien que le président de la République protège les siens. L’affaire des assistants parlementaires du Rassemblement National en est une preuve de plus ; là où pour ce parti les juges procèdent à une saisie de fonds, ils ne font rien pour le MODEM allié de Macron alors que le parti de François Bayrou est inculpé de faits identiques. À ce système de protection de la « noblesse » et des copains s’ajoutent la volonté monarchique de préserver le roi de toute critique : on a vu la brutalité de l’action policière lors des perquisitions à l’encontre de la France Insoumise, on voit aujourd’hui la mise en examen des trois personnes qui ont décapité une effigie de Sa Majesté Macron 1er alors que Benalla ne fait même pas l’objet d’une assignation à résidence et se promène dans le monde entier avec un passeport diplomatique, d’ailleurs objet d’une enquête préliminaire diligenté par le Parquet de Poitiers pour port d’arme, l’affaire a été enlevée au procureur de Poitiers pour être confiée à celui de Paris sans doute plus attentif aux demandes de l’Elysée.
Si les Français n’ont pas encore compris que la France est entrée en mai 2017 dans une ère de despotisme, la presse notamment les médias en boucle l’a bien compris et se fait à l’occasion des Gilets Jaunes le soutien quasi inconditionnel du pouvoir en diffusant des informations tronquées : quand a-t-on parlé des violences policières, quand a-t-on fait une analyse complète de l’article 431-3 du Code pénal, quand s’étonne-t-on des lenteurs de la justice quand il s’agit des affaires où sont impliqués les amis de Macron, quand donne-t-on les vrais chiffres correspondants aux pseudo-mesures annoncées par le gouvernement ou ceux du nombre de manifestants, quand dénonce-t-on le fait qu’à deux semaines du début du Débat National nous ne sachions rein de son organisation… ?
La France qui fut le berceau des Droits de l’Homme et de la liberté d’expression, devient leur caveau ! La France vient de faire en 18 mois l’incroyable voyage qui l’a transformée d’un Etat de Droit en un Etat autoritaire… à quand la dictature ? Nous devons sinon nous débarrasser de ce gouvernement et de ses députés, du moins leur faire un barrage fort aux prochaines élections ; « européennes » en 2019, « municipales » en 2020. La force du Peuple est dans l’expression du suffrage universel.
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