Gilets jaunes : la colère des travailleurs pauvres
Refusant le jeu de la représentation par des syndicats ou des formations politiques, les gilets jaunes, mouvement protéiforme et non structuré, appelle à la démission d’Emmanuel Macron et de l’Assemblée nationale pourtant démocratiquement élus. Pour mettre qui à leur place, pour faire quoi ? Mystère d'autant qu'en coulisses les partis d'opposition sont aux aguets. C’est bien là toute la faiblesse d’un mouvement reposant uniquement sur la colère, sans projet ni autre revendication que la baisse de la fiscalité. A priori du moins. Car au fond ce qui semble ressortir, c’est le ras-le-bol d’une France populaire et moyenne qui, bien qu’insérée par un travail, boucle difficilement ses fins de mois et vit dans l’angoisse de basculer dans la pauvreté au moindre incident. Une France acculée entre un travail mal rémunéré et une fiscalité qui laisse de moins en moins de reste à vivre malgré des trains de vie modestes.
La colère pourtant est souvent mauvaise conseillère et ne sert à rien si elle ne prend pas une tournure constructive. Il faudrait a minima qu’elle permette de comprendre comment la société française a pu en arriver là. La France, ce n’est pas la Grèce mais depuis des décennies notre pays vit au-dessus de ses moyens comme en attestent plus de quarante années de déficits budgétaires ininterrompus. Faute d’une richesse à redistribuer en raison d’une économie qui a perdu en compétitivité et qui s’est désindustrialisée (la comparaison avec l’Allemagne est cruelle), le choix a été fait de niveler par le bas en multipliant les emplois mal payés et en tirant toujours plus sur la corde des prélèvements. La fonction publique en est une belle illustration avec une paupérisation sans précédent liée à un trop grand nombre de fonctionnaires dont on est incapable d’augmenter la rémunération, c’est le fameux gel du point d’indice, faute d’argent dans les caisses.
Et maintenant, que faire ? Pour les gilets jaunes, ce serait de passer du stade de l’exaspération stérile à celui de l’engagement dans les syndicats et les formations politiques pour peser de l’intérieur dans la construction d’un modèle de société qui intègre une frange de la société devenue invisible au fil du temps.
Il y a peu de chance que le conseil soit entendu mais une phrase prononcée par John Fitzgerald Kennedy lors de sa prestation de serment en 1961 a aujourd’hui tout son sens : « ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». C'est d'autant plus vrai que ceux qui dénoncent la fiscalité sont également ceux qui demandent plus de services publics dans les territoires et le maintien d'un haut niveau de protection sociale à commencer par une quasi-gratuité des soins. Peut-on avoir le beurre et l'argent du beurre, évidement non. Mais le consentement à l'impôt nécessite que toutes additions faites, on ait le sentiment d'un équilibre entre ce qu'on donne et ce qu'on reçoit.
Nous sommes arrivés aujourd'hui à un point de rupture. Il conviendrait dès lors de redonner du sens et de la cohésion à une société où les intérêts particuliers ou catégoriels ont pris le pas sur le collectif et où le consumérisme est devenue la seule boussole.
Alors que la situation actuelle est préoccupante, deux choix se dessinent. Celui du délitement, de la dérive vers les mouvements factieux ou, à l'inverse, celui d’un nouveau contrat social à inventer. Dans la seconde hypothèse, cela necessitera un pleu plus d'engagement et de reflexion que de crier "Macron démission".
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