Gilets jaunes : une violence légitime ?
Surtout pas de violence. Tel est le leitmotiv ressassé par le Pouvoir et les médias depuis le début de la crise des gilets jaunes. Et de fait la violence semble être une cause indéfendable. Mais la violence des gilets jaunes n’est-elle pas en partie légitime ?
La violence, c’est mal
Depuis le début de la crise, les médias mobilisent tout leur savoir-faire en matière de manipulation de l’Opinion afin de discréditer le mouvement des gilets jaunes. Cette tentative de disqualification du mouvement s’appuie essentiellement sur la dénonciation de la violence.
Car en effet, qui oserait défendre la violence ? Même les plus fervents partisans du mouvement des gilets jaunes s’efforcent de bien distinguer les gilets jaunes des « casseurs ». S’il est vrai qu’un certain nombre de groupes opportunistes ont profité du mouvement pour semer le désordre et se livrer à des pillages, il faut néanmoins regarder la réalité en face : il y a une violence inhérente au mouvement des gilets jaunes - et cette violence est au moins en partie justifiée.
Car que voudrait le Pouvoir ? Des gilets jaunes qui manifestent bien gentiment, sans que cela ne dérange en rien l’ordre établi et surtout que tout puisse continuer comme avant. En deux mots : « cause toujours,… ». Ce fut la stratégie de la manif pour tous sous Hollande, on connait le résultat.
La vérité crue est que la violence présente avant tout un danger pour le Pouvoir en place : celui d’être balayé.
Plein d’amalgames
Ayant perçu le danger mortel que constitue la violence pour sa survie, le Pouvoir sait qu’il doit absolument conserver la loyauté des forces de l’ordre. Or cette loyauté ne va pas nécessairement de soi, car chacun voit bien la proximité sociale qui existe entre le gendarme ou le gardien de la paix de base et le gilet jaune. Il convient donc de sur-médiatiser les violences envers les forces de l’ordre afin de faire naître et entretenir la haine entre eux. Accessoirement, cela permettra aussi d’effrayer le bon bourgeois conservateur. Et transformer Emmanuel Macron, l’homme du désordre euro-libéral, en rempart de l’ordre public.
L’autre argument des défenseurs du président Macron consiste à faire l’amalgame entre la violence des gilets jaunes et celle des « cités ». Et de dénoncer les soutiens politiques des gilets jaunes qui hurlent contre la violence des cités, mais semble s’accommoder de celle des gilets jaunes. Cet amalgame grossier fait toutefois l’impasse sur les motifs de ces violences. Car peut-on vraiment mettre sur le même plan la violence des cités - qui a pour fondement le rejet de la France et la défense de trafics plus ou moins crapuleux - avec celle d’une immense part de la population qui a été victime d’un déni de démocratie caractérisé lors des dernières élections de 2017 ? La réponse est contenue dans la question.
Quand la violence devient le dernier moyen d’expression possible
Légitime, la violence des gilets jaunes apparaît comme leur ultime moyen d’expression dans une société totalement cadenassée par l’oligarchie en place (1). Cette oligarchie est - rappelons-le - composée de quelques milliers de décideurs, souvent parisiens : hauts fonctionnaires, magistrats, cadres dirigeants des grandes entreprises, journalistes des grands médias. Tout ce petit monde se fréquente dans les dîners en ville et partage les même valeurs et la même vision du monde. Et surtout, il a totalement verrouillé le système à son profit.
Les premiers instruments de ce verrouillage sont les grandes écoles : ENA, Sciences Po, Ecole Nationale de la Magistrature, grandes écoles de commerce, grandes écoles de journalisme. Les élites font mine de se plaindre que l’ascenseur social est en panne, mais ce sont elles qui l’ont cassé ! En détruisant l’Education Nationale à grands coups de nivellement par le bas, elles se sont assurées que seuls ceux qui avaient accès aux meilleurs lycées privés pourraient ensuite envoyer leur progéniture dans ces grandes écoles. Des écoles dont l’oral des concours d’entrée permet ensuite d’écarter ceux qui ne pensent pas « correctement » et qui réservent accessoirement quelques strapontins à leurs obligés issus de la « diversité ».
Le résultat apparaît aujourd’hui au grand jour : un incroyable conformisme règne au sein de cette oligarchie qui occupe toutes les hautes fonctions administratives, politiques, médiatiques et économiques. La redoutable efficacité de ce système est apparu au grand jour lors des dernières élections de 2017 qui ont montré que - si nous ne sommes pas encore en dictature - nous ne sommes déjà plus en démocratie, le bourrage des urnes ayant été avantageusement remplacé par le bourrage des crânes.
Une lutte à mort
Face à un système totalement verrouillé, la violence devient l’ultime moyen d’expression du peuple. L’oligarchie était persuadée que les Français, abrutis de propagande euro-libérale par les médias et harassés par le rythme que leur impose la société actuelle, n’auraient pas le courage ni la force de protester. Ils l’ont fait, et cela devrait être un motif de fierté pour tous ceux qui croient encore en ce pays et en la démocratie.
Cette lutte ressemble pourtant à celle du pot de terre contre le pot de fer, car l’oligarchie en place dispose de tous les pouvoirs. Les mesures annoncées par le président Macron ne trompent personne (2) et ne résolvent rien sur le fond, et surtout pas son "grand" débat. Si le président avait réellement été de bonne volonté, il aurait dissout l’Assemblée. Au lieu de cela il a démontré sa psychorigidité et engagé une lutte à mort avec le mouvement.
Dès lors, soit le Pouvoir réussira à discréditer ou écraser la révolte, soit le mouvement perdurera et pourrait finir par provoquer des failles dans le front pour le moment uni de l’oligarchie en place - en particulier de ses maillons faibles : les forces de l’ordre (qui ont vaguement conscience de jouer contre leur camp), les milieux économiques (qui souffrent du désordre), voire les médias qui ont soutenu E. Macron jusqu’ici mais pourraient finir par retourner leur veste, un mouvement qu’ils maîtrisent parfaitement.
(1) https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-gilets-jaunes-et-la-fin-de-la-210248
(2) https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/emmanuel-macron-jette-de-l-argent-210568  ;
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