Gilets Noirs, Gilets Jaunes, Hong Kong, France, contre le capital, un seul prolétariat !


Après avoir traîné dans la boue le mouvement des « Gilets Jaunes » français pour l’isoler et justifier la répression particulièrement brutale qui s’est abattue sur lui, les médias français encensent les « Gilets Noirs » de Hong Kong en leur donnant un label « pro-démocratie » qui va jusqu’à en justifier les débordements de violences pourtant tout à fait comparables à ceux de nos GJ, et jusqu’à « condamner la répression », également assez équivalente, qui leur répond, de la part des autorités hongkongaises, à la botte de Pékin et du PCC…
Cela se comprend dans le contexte de guerre commerciale enclenchée par les USA et secondée par tous les vassaux de l’Empire, dont la France de Macron.
Mais l’influence du PCC et du capitalisme chinois sur la gauche française est telle qu’une bonne partie se met désormais à l’unisson de Pékin et voit dans les manifs de masse à Hong Kong une manipulation quasiment « néo-colonialiste » qui instrumentaliserait une « petite bourgeoisie privilégiée » contre un pouvoir « national anti-impérialiste »… !
Qu’en est-il réellement ?
Il est évident que cette situation de troubles massifs à Hong Kong est un moyen de pression non-négligeable de l’impérialisme US contre son rival chinois, et que les médias français font chorus dans ce sens contre la Chine.
Il est clair également qu’un certain confusionnisme règne dans les revendications « démocratiques » des manifestants hongkongais et qu’il est effectivement très probablement instrumentalisé par des agents provocateurs au service des puissances occidentales.
Toutefois, dès ce point rendu apparent, la comparaison devient tout à fait pertinente avec le confusionnisme idéologique qui régnait chez les « Gilets Jaunes » français.
En effet, c’est essentiellement à travers des « revendications démocratiques », et notamment celle du RIC, que la frustration sociale des classes moyennes révoltées s’est également exprimée en France, et pourtant cela n’a nullement mis un frein réel aux manipulations du mouvement par l’extrême-droite, même si les médias ont tenté de le réduire abusivement, et pour cause, à cette seule dimension.
Si les « revendications démocratiques » des manifestants hongkongais visent en partie à saper le pouvoir autocratique de Pékin sur Hong Kong, elles n’en on pas moins une base sociale dissimulée derrière cette « vitrine politique » qu’est la « démocratie », sans contenu de classe affirmé, et c’est précisément ce que les médias occidentaux tentent de dissimuler, pour en réduire la portée à ce qui intéresse le conflit inter-impérialiste entre Pékin et Washington, et leurs divers satellites.
Ce qui est consternant, mais logiquement inévitable dans le contexte actuel, c’est précisément qu’une bonne partie de la « gauche » française se trouve elle-même « satellisée », « idéologiquement », (et/ou par d’autres moyens plus concrets…), dans l’orbite de Pékin et ânonne un bréviaire pseudo- « anti-impérialiste » sur le sujet, en guise d’analyse, qu’elle semble, de toutes façons, bien incapable de faire, ayant depuis très longtemps jeté aux orties les clefs de la dialectique et du ML, conservant seulement quelques vagues « logos » qu’elle ressort en cas de nécessité ultime comme sigle supposé valider son argumentation défaillante.
Alors qu’en réalité la situation sociale des classes moyennes en déroute, en voie de prolétarisation, n’est pas à ce point différente entre la France et Hong Kong.
Bien évidemment l’histoire sociale et économique des deux pays est très différente, mais les tendances profondes de l’évolution actuelle du capitalisme s’y retrouvent, et même si sous des formes différentes, ont les mêmes conséquences sociales et poussent les classes moyennes en voie de paupérisation et de prolétarisation sur le chemin de la révolte, sinon sur celui d’une conscience de classe, chemin que l’idéologie dominante et ceux qui sont chargé de son formatage et de ses manipulations s’efforcent évidemment de leur barrer.
Désormais ils sont, en outre, secondés par les zélateurs du capitalisme et du social-impérialisme chinois !
Les facteurs de l’explosion sociale à Hong Kong étaient en fait parfaitement connus des analystes un tant soit peu sérieux, même si la plupart anticipaient que Carrie Lam, la nouvelle dirigeante à la botte de Pékin, serait néanmoins capable de désamorcer la bombe à temps, par quelques mesurettes sociales, notamment sur le plan de la question du logement, devenu plus que problématique avec la tournure prise par la crise et ses effets sur un Hong Kong revenu plus directement dans l’orbite du capitalisme chinois « continental » sous la férule des oligarques du PCC.
En réalité, avec cette intrusion de plus en plus massive du capital chinois « continental » les inégalités sociales ont non seulement explosé, et même littéralement, on le voit bien, à Hong Kong, mais elles ont même atteint un point de fracture pratiquement insoluble dans le système actuel. En 2017, pourtant, un analyste occidental trouvait encore le courage de citer une hongkongaise « de base », Lau Mei-tin, vendeuse de légumes sur un marché de la ville :
« Il faut travailler jusqu’à sa mort. Si on ne travaille pas pas toujours plus, on ne peut pas faire face au coût de la vie. La situation à Hong Kong est atroce », explique-t-elle.
D’après des données du gouvernement de la « région administrative spéciale », les inégalités de revenus dans le territoire sont à leur plus haut niveau depuis plus de quarante ans, fragilisant les populations les plus vulnérables et risquant d’attiser les tensions sociales.
Une étude de l’ONG Oxfam s’appuyant sur des données du département hongkongais des études statistiques montre que les revenus des 10% de foyers les plus riches sont 44 fois plus élevés que ceux des 10% de foyers les plus pauvres. Pour ceux-là, le revenu moyen est de 2.560 dollars hongkongais par mois, soit un peu moins de 290 euros. »
En termes de niveau de vie, tout est relatif, et l’implication croissante dans l’économie hongkongaise de l’oligarchie prétendue « rouge » du PCC n’a donc en rien amélioré la situation des classes sociales « inférieures » de la ville, qui, jusque là, pouvaient effectivement paraître comme « privilégiées » par rapport aux classes sociales inférieures du continent et même de la plupart des pays occidentaux, avec un revenu « moyen » apparemment « confortable »…
De 15 500 à 20 000 dollars de Hong Kong, selon les sources… Soit autour de 2000 euros, selon les cours, si l’on veut encore « affiner » cette moyenne…
Cela peut paraître élevé, mais si l’on se rapporte seulement au prix « moyen », en réalité exorbitant, du logement à Hong Kong, et au coût moyen de la vie en général, cela équivaut pratiquement à vivre avec le SMIC en France…
Un loyer « modeste » pour un célibataire se situe semble-t-il entre 1000 et 1500 euros/mois… A condition d’en trouver un, et l’on voit que des solutions telles que loger dans des portions de tuyaux sont sérieusement envisagées à Hong Kong, comme solution à ce problème !

https://www.facebook.com/CybertectureOpod/videos/167015287241634/
Quant au SMIC hongkongais, il existe bel et bien, et même avec une hausse « spectaculaire » de 8% en janvier dernier, il reste à 37,5 HK$ de l’heure, soit 4,12 euro, au cours actuel ! Ce qui concerne encore 150 000 personnes, semble-t-il, soit une frange de travailleurs manifestement acculée à la misère la plus noire, dans les conditions actuelles. Et entre cette frange « extrême » et le « salaire moyen », qui permet à peine de survivre décemment à Hong Kong, il y a donc encore de nombreuses catégories sociales en grandes difficultés, notamment sur le plan du logement, et radicalement en voie de paupérisation relative, de toutes façons.
L’explosion sociale à Hong Kong a donc pris la forme d’un incendie, en réalité, et il n’est donc pas prêt de s’éteindre, même si les objectifs « démocratiques » à travers lesquels il s’exprime peuvent faire illusion concernant un éventuel « compromis » avec le pouvoir au service de la bourgeoisie financière « rouge » de Pékin !
Dans ces conditions on comprend également que la presse occidentale ne parle, pour l’essentiel, que des « revendications démocratiques » des travailleurs hongkongais, sans jamais réellement évoquer les problématiques sociales qui les sous-tendent…
Il est clair que la « loi d’extradition » a été simplement le détonateur de cette colère sociale et que, du fait qu’elle n’a pas été franchement et réellement abolie, l’illusion demeure que la défense de la démocratie formelle reste un combat essentiel pour les hongkongais, alors que la réalité impose et implique comme solution des transformations économiques et sociales radicales et radicalement incompatibles avec le capitalisme, qu’il soit chinois continental ou occidental.
Le même syndrome s’est produit, même si à un degré moindre, avec le mouvement GJ français qui s’est finalement focalisé sur des revendications de démocratie formelle, telle le RIC, en négligeant complètement les revendications sociales unificatrices les plus évidentes, sans même parler de transformations sociales et économiques radicales, anticapitalistes, en fait, qui auraient pu les rendre pérennes, dans un projet global d’alternative prolétarienne, et donc socialiste au sens véritable du mot !
On a vu, en étudiant les dérives chroniques du mouvement GJ roannais, révélées notamment lors de la manif « régionale » du 13 Avril, …

…que les illusions « démocratiques » générées sur le thème du RIC avaient complètement annihilé la problématique sociale à l’origine du mouvement. Mais il faut également mentionner que ce même 13 avril (acte 22), le mouvement GJ lyonnais manifestait également « massivement » chez lui, à 1000 personnes à l’occasion de ce petit et provisoire « regain » de mobilisation, alors qu’il aurait donc du logiquement se porter, au moins en partie, sur la manif « régionale » de Roanne…
Cette défection explique en grande partie l’échec relatif de la manif roannaise, avec également un millier de manifestants, mais surtout, cela permet de rappeler que si la droite et l’extrême-droite avaient donc réussi à conserver leur hégémonie sur le mouvement roannais, le mouvement lyonnais, de son côté, avait réussi à expulser, et manu-militari, le plus souvent, la même droite « fasciste » de ses propres rangs anarchistes, gauchistes et écolos-gauchisants…
De sorte que si les deux mouvements s’étaient réellement retrouvés pour une manif « unitaire » sur Roanne, l’on eut surtout assisté à une quasi « guerre civile régionale » entre GJ, dans un contexte ou le mouvement était déjà globalement en train de finir de se couper des masses qui en avaient été le support essentiel le 17 Novembre et les jours suivants !
On voit bien là l’impasse et l’absurdité du comportement des pseudos- « révolutionnaires » issus de cette classe moyenne en déshérence et en déroute…
L’un des problèmes actuels de la « gauche » française est que ce sont les mêmes qui, aujourd’hui, prétendent doctement donner des leçons d’ « anti-impérialisme » aux hongkongais en lutte de fait contre le capitalisme, même s’ils ont effectivement autant de mal que nos GJ à le comprendre !
L’avenir de cette lutte à Hong Kong reste évidemment des plus incertains. En deux décennies, la part de Hong Kong est passé de 18 à 3% du PIB chinois… A-t-il pour autant terminé son rôle économique et surtout, financier, dans la formation du capitalisme monopoliste chinois ? Rien n’est moins certain, et il était encore en 2015 une pièce essentielle du tout nouveau dispositif financier « Shanghai-Hong Kong Stock Connect », une de ces « passerelles-écluses » caractéristiques du développement du capitalisme financier chinois, concoctées par la direction du PCC, une version très évoluée du premier dispositif simpliste des « Red Chips » inaugurés sous Mao, en 1972, et qui passaient déjà par Hong Kong !
https://tribunemlreypa.wordpress.com/2015/09/01/de-la-structuration-maoiste-de-la-bulle-chinoise/
De plus la bourgeoisie financière « rouge », à commencer par les dirigeants du PCC eux-même, affectionne particulièrement Hong Kong pour des investissements « personnels » particulièrement importants, outre le fait que bon nombre des « sociétés d’Etat » de la Chine continentales y sont cotées en bourse, soit directement soit par leurs filiales.
Dans ces conditions on comprend bien que Pékin n’a aucun intérêt réel à « normaliser » la situation à Hong Kong comme il l’a fait à Tien An Men en 1989. Ce qui risquerait de « tuer la poule aux œufs d’or », alors qu’il lui en reste encore quelques uns à pondre avant d’être liquidée en tant que zone économique jouissant d’un statut spécial.
A plus long terme, néanmoins, cette liquidation est inéluctable et marquera la vrai rupture du cordon ombilical qui relie encore le capital US et son clone chinois voulu en son temps par le tandem Mao-Kissinger.
La « tertiarisation » extrême de la société hongkongaise, à 86,4% de la population active, n’empêche pas plus qu’en France la formation de nouvelles couches sociales prolétarisées par la marchandisation « industrielle » des services, ce qui a engendré également la crise dite des « Gilets Jaunes ».
En précipitant plus ou moins cette évolution, Trump et l’occident jouent avec le feu… Mais d’ici là les prolétaires chinois du continent et le « nouveau » prolétariat en voie de formation à Hong Kong pourraient aussi bien réaliser l’intérêt commun qu’ils ont à se débarrasser du capitalisme, tant occidental que chinois continental !
Luniterre
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