Good-bye and farewell, Mrs May
Que va-t-il se passer après la démission de Theresa May ?
Plus de deux ans se sont écoulés depuis que le Royaume-Uni a décidé de quitter l'Union européenne
Theresa May s’était installée au 10 Downing Street parce, prise de court, la faction favorable au Brexit dans son parti (les Tories conservateurs) n’arrivait pas à s’organiser. Elle était devenue Premier ministre du Royaume-Uni parce son prédécesseur, David Cameron, considérait que la tâche qui l'attendait était une mission impossible. Trois ans plus tard, elle quitte les lieux pour la même raison.
Cameron estimait à juste titre que seule une personne qui « croyait » au Brexit pouvait mener à bien le projet de sortie de son pays de l'Union européenne, entamé à la suite du référendum du 23 juin 2016, qui avait vu la victoire du camp désirant quitter l'UE à 51,9 %. Ce que Theresa May pensait ou pense réellement à propos du Brexit est toujours un mystère aujourd’hui, en fait. Elle est beaucoup trop prudente pour s’impliquer, et avoir une opinion. Ce serait prendre un risque.
Alors, elle avait commencé par confier des postes clefs de son cabinet à des Brexiters fervents qui ne lui ont pas rendu la tâche facile : le secrétaire d'état aux affaires étrangères, Boris Johnson, se comportait un peu partout comme un chien dans un jeu de quilles, ne pouvant s'empêcher de faire de la provocation (ce qui est paradoxal pour le plus haut diplomate d'un pays), pendant que David Davis et Liam Fox n’arrêtaient pas d'éventer les tacitques de leur propre camp et coupaient l'herbe sous le pied de leur patronne . Cette farce a quand même duré presque deux ans, du 13 juillet 2016 au 9 juillet 2018.
Quelques jours après son accession au poste de Premier Ministre, un coup d'état militaire avait été tenté en Turquie, ce qui avait contraint la discrète Theresa à enregistrer un clip télévisé sur ce qui s'était passé. Cette première prestation médiatique avait révélé le talon d’Achille de la Dame : elle n’était pas télégénique. Et ça ne s'est jamais arrangé.
On aurait pu penser qu’en revanche, son point fort était la négociation. Par exemple, les négociations avec l'UE sur la question de la frontière nord-irlandaise aurait dû être l'une des choses les plus simples à résoudre, mais elle l’a rendue insoluble. L’UE ne demandait pas de retour à une frontière douanière sur l'île d'Irlande mais, sous prétexte de ne pas modifier le statut de l’Irlande du Nord, ce qui à ses yeux risquait de remettre en cause l’homogénéité du Royaume Uni, elle a vait refusé tout compromis. L’Ulster a pourtant ses propres lois depuis des années sur l'avortement et le mariage homosexuel. Mais il parait que ça n’a rien à voir. Circulez !
Elle a congédié des ministres à un rythme sans précédent. Elle a perdu plus de voix au parlement que David Cameron, Gordon Brown, Tony Blair et John Major réunis. Son gouvernement a même été reconnu coupable d'outrage au parlement pour avoir refusé de publier des avis juridiques défavorables à sa politique. Une première historique chez les inventeurs du parlementarisme bicamériste !.
Mais elle a remporté un vote crucial.
À la fin de l’année dernière, ses bourreaux du groupe pro-européen avaient réussi à lui opposer un vote de censure, et contre toute attente, les députés ont finalement décidé de lui accorder leur confiance. Ce vote a déclenché un charcutage politique, genre acharnement thérapeutique, dans toutes les organisations du pays. Ses propres députés avaient choisi de la maintenir en poste tout en lui refusant d’adopter son projet de loi pour le retrait de l’UE. Et elle a perdu trois fois. À chaque fois, elle est revenue à Bruxelles pour tenter d’arracher des concessions impossibles à obtenir, comme une serveuse de restaurant harcelée, faisant la navette entre un chef étoilé plein d’orgueil et un client VIP capricieux. Du coup, « Brexit » ne voulait plus dire « Brexit ».
Dans l’un de ses derniers sursauts d"sespérés, elle a essayé de faire directement appel au public, en accusant les députés de ce désordre inextricable. Elle s'est presque excusée pour ce chahut de cancres. Elle a déclaré que le fait de ne pas mener à bien le Brexit avait été pour elle une "cause de profond regret personnel". Et du coup, le Royaume-Uni devait participer aux élections européennes, ce qui a déclenché le retour du Jedi, Farage, du fantôme de l’Ukip et de tous les vieux démons endormis de l’extrême droite réveillés par le tintamarre.
Mais le spectacle est terminé.
Quel souvenir laissera ce passage calamiteux ?
En 2016, elle semblait représenter un choix judicieux, car elle était perçue comme une « remainer » réticente, ou du moins pas particulièrement enthousiaste, une sorte de passeur entre des mondes instables. Or, même si elle s’en va, les réalités de 2016 ne se sont pas évaporées. Elles se sont au contraire intensifiées. Son remplaçant devra faire face à une crise terrible dès le premier jour. Souhaitons aux citoyens britanniques qu’ils n’aient pas à regretter la fusion du fusible !
17 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON