Grandeur et décadence de l’Italie footballistique
GRANDEUR ET DECADENCE DE L’ITALIE FOOTBALLISTIQUE
Ainsi l’Italie, pays de grande et belle tradition footballistique, vient-elle de se faire lamentablement éliminer, lors du match de barrage contre la Suède, de la phase finale de la coupe du monde de football, qui se tiendra, en Russie, en juin 2018.
La déroute, pour cette nation quatre fois championne du monde (et trois fois vice-championne), dans ce sport, est historique : ce n’était plus arrivé depuis 60 ans, en 1958. Un véritable drame national, un cataclysme aux conséquences sociales tragiques elles aussi, comme l’a très justement dit, en pleurs après ce cauchemardesque match, le légendaire gardien de but de la « Squadra Azzurra », Gianluigi Buffon. Pis : c’est « l’apocalypse », titraient hier matin, à ce douloureux sujet, les principaux journaux de la péninsule, dont le célèbre « Corriere dello Sport ». Même ses fameuses pages roses se teintent cruellement, aujourd’hui, de noir : cette funeste date du 13 novembre 2017 restera désormais, pour la mémoire collective italienne, un jour de deuil !
UNE QUESTION PHILOSOPHIQUE
Et, en effet, comment imaginer, simplement concevoir même, un « Mondial », avec ses chaudes soirées d’été, ses fêtes légèrement arrosées de vin pétillant et ses bruits de claxon dans les rues emplies de voitures bariolées, sans l’Italie, qui pratiqua si longtemps, au même titre que le Brésil de Pelé, l’Allemagne de Beckenbauer, la Hollande de Cruyff ou la France de Zidane, un football de rêve avec ces joueurs mythiques que furent, pour ne citer que les plus emblématiques de la « Nazionale », Gianni Rivera, Sandro Mazzola, Giacinto Facchetti, Gigi Riva, Roberto Boninsegna, Dino Zoff, Paolo Rossi, Claudio Gentile, Francesco Baresi, Antonio Cabrini, Marco Tardelli, Roberto Baggio, Francesco Totti, Fabio Cannavaro ou Alessandro Del Piero ? Impensable ! Un journaliste français, sur une chaine câblée, osait même, en guise d’ouverture aux infos du lendemain matin, la question, qu’il estimait, s’avança-t-il à spécifier, « presque philosophique » : « comment penser un Mondial sans l’Italie ? » Il ne croyait pas si bien dire !
Car cette interrogation, pour pénible qu’elle se révèle être aujourd’hui aux yeux de bon nombre d’Italiens (dont je suis puisque, bien que né en terre belge et de culture française, j’ai toujours tenu à conserver, fièrement, mon passeport italien), recèle, effectivement, des éléments d’ordre, sinon philosophique, du moins sociologique, voire éthique et même politique, au sens noble et large du terme : autant de paramètres qu’il faudra bien analyser, avec le recul psychologique nécessaire, tôt ou tard, un peu à la manière, autrefois, des fameuses « Mythologies » de Roland Barthes.
Ainsi, cette faillite sportive de l’équipe italienne de football, ne serait-elle donc pas aussi, plus généralement et plus en profondeur aussi, le cruel mais tangible signe, désormais visible aux yeux de tous, d’une forme de décadence culturelle de l’Italie elle-même, pourtant longtemps phare de la civilisation, avant qu’elle ne s’unifiât (en 1870) pour prendre sa forme actuelle, depuis l’Empire Romain jusqu’à la Renaissance ?
MORTELLES CIVILISATIONS
Un grand poète français, Paul Valéry, parla, pour qualifier ce type de régression, fût-ce certes en un tout autre contexte historique, de « crise de l’esprit » : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », asséna-t-il même, dans ce livre, en une sentence restée célèbre. C’était en 1918. Il y aura donc tout juste, en 2018, année où se déroulera précisément ce Mondial à Moscou, cent ans : triste anniversaire pour cette nation - l’Italie - qui, par son esprit inventif comme par son génie artistique et par ses audaces intellectuelles comme par ses découvertes scientifiques, aura tant donné pour le progrès de l’humanité, sans laquelle il n’est point, en effet, de civilisation qui vaille !
FORZA ITALIA !
En attendant, cette chère et belle Italie, porteuse des plus grandes valeurs universelles malgré le chagrin qui la ronge, inconsolable, en ces heures sombres, s’en remettra très certainement, à nouveau debout : Forza Italia !
La défaite, aujourd’hui, est certes lourde à porter ; mais l’espoir, lui, n’est pas, pour autant, vaincu ; ni le rêve, perdu ! Il est, fort heureusement, des lendemains qui chantent : rendez-vous, pour cela, au prochain Mondial ! En route, d’ores et déjà, pour le Qatar, en 2022 : ce n’est pas si loin, ni dans l’espace ni dans le temps !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur, notamment, de « Philosophie du dandysme – Une esthétique de l’âme et du corps » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard – Folio Biographies), « Critique de la déraison pure – La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (François Bourin Editeur), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher). A paraître : « Traité de la mort sublime – L’art de mourir, de Socrate à David Bowie » (Alma Editeur).
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