Grenelle, ou comment redonner du sens à la nation
S’il faut mettre à l’actif des acteurs du Grenelle de l’environnement
un premier succès, c’est d’abord d’avoir su faire preuve d’un grand
esprit de synthèse pour déterminer les attributions des six groupes de
travail, qui ont présenté leurs premières conclusions la semaine
dernière. Preuve qu’il existe encore une sorte d’excellence française,
laquelle a donc trouvé dans l’écologie un nouveau champ d’expression.
Changements
climatiques et maîtrise de l’énergie, protection de la biodiversité et
préservation des ressources naturelles, lutte contre les effets des
pollutions sur la santé, production et consommation durables,
imagination d’une "démocratie écologique" prévoyant de nouvelles
institutions et une nouvelle gouvernance, recherche d’une politique de
l’environnement riche en emplois et en compétitivité...
Ces six
enjeux doivent en effet être traités de concert pour parvenir à
l’élaboration d’une politique écologique qui dépasse le stade des
déclarations de principe, comme celle, passée à la postérité, de
Jacques Chirac à Johannesburg en 2002 (le fameux "la maison brûle").
À cet égard, j’ai été particulièrement attentif au rapport de l’atelier intergroupes sur les déchets (quant à celui sur les OGM, je me déclare incompétent pour en parler).
Le retraitement des déchets, question politique entre toutes
La
question transversale du retraitement des déchets est éminemment
politique en ce que, plus que toute autre peut-être, elle a pour acteur
principal le citoyen. Les déchets ont un aspect concret, visuel,
odorant même, qui permet le mieux cette révolution des mentalités à
laquelle appelle le Grenelle. C’est en effet notamment par la réduction
du volume de ses déchets, par la collecte sélective, le compostage - encore trop marginal -, que le citoyen peut prendre conscience de son
impact sur l’environnement.
Le retraitement des déchets a en outre
un coût très important, qui s’ajoute aux prix d’achat des produits pour
en donner la valeur réelle. Être économe de ses déchets, c’est donc
aussi devenir conscient de la valeur des objets tout au long de leur
cycle de vie.
Je dois avouer qu’en dépit de mon a priori
négatif sur l’importance des mesures qui devaient être proposées, j’ai
été très agréablement surpris par l’ambition de certaines d’entre
elles. La proposition d’un moratoire sur l’installation de nouveaux
incinérateurs, d’une réduction de la fiscalité pesant sur les ménages
pratiquant la méthanisation des déchets organiques, de la promotion sur
le marché de produits économes en emballages, de la baisse de la
fréquence du ramassage des ordures par les camions de la voirie, sont
des mesures qui, sans être révolutionnaires, devraient toutefois
permettre de commencer le travail de longue haleine que représente le
retraitement des déchets. On pourrait aller plus loin, comme au Canada,
où les villes de Leaf Rapids (Manitoba) et Rossland
(Colombie-Britannique) ont interdit les sacs plastique pour éviter leur
dissémination, comme je l’écrivais au mois d’avril dans une dépêche AFP, rédigée lors d’un stage (non rémunéré, bien sûr) effectué au bureau de l’Agence France-Presse à Montréal.
Objectif de recyclage de 35 à 60 % en 2015
Pour
l’heure, le recyclage est beaucoup trop faible en comparaison de
l’augmentation croissante du volume de déchets produit par chaque
habitant en France : 19 % en 2004, avec un objectif de 35 à 60 % tracé
par les grenellistes à l’horizon 2015. C’est encore trop peu, mais
c’est déjà beaucoup quand l’on imagine qu’il y a une dizaine d’années,
le recyclage des déchets était quasi anecdotique, et que l’on se
contentait de se demander pourquoi il existait depuis si longtemps en
Allemagne et non en France, allant jusqu’à conclure que l’Allemand est
plus écolo que le Français, ce qui est faux.
Ne boudons pas notre
plaisir, les conclusions du Grenelle relatives aux déchets sont
satisfaisantes. D’une manière générale, même si cette démarche d’un
pays réunissant ses principaux acteurs pour débattre des moyens de
sauver la planète peut sembler vaine, voire prétentieuse, elle témoigne
de la persistance de l’idée de nation en France, à laquelle vous me
savez très sensible. Les acteurs présents ont répondu à l’invitation du
gouvernement français, et si tous, d’une manière ou d’une autre,
avaient des intérêts particuliers à faire valoir, ils ont su accorder
leur démarche commune à l’exigence de l’intérêt général. À une époque
où l’on glose et l’on pérore sur la nécessité d’un nouveau "pacte
républicain", il me semble qu’une initiative comme celle du Grenelle,
malgré toutes ses imperfections, est de mise à rassembler à nouveau les
Français autour d’un projet commun, qui plus est un projet capital pour
l’avenir. Pour un pays que l’on dit déboussolé, ce n’est en fin de
compte pas si mal.
Roman B.
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