Grève à Radio France : l’ultralibéralisme pour les autres, pas pour moi
Les salariés de Radio France découvrent subitement ce que leurs antennes vendent à longueur d'année et d'onde à leurs auditeurs : la férocité de l'ultralibéralisme.
Il restait Là-bas si j'y suis. Sans plus émouvoir que cela à Radio France, l'émission de Daniel Mermet a été éjectée de la grille des programmes en septembre 2014. Et la radio "publique" est définitivement devenue "Radio Patron" comme l'a notamment démontré le journal Fakir de François Ruffin.
Aujourd'hui les salariés de Radio France sont dans leur deuxième semaine de grève (14 jours, mercredi 31 mars). Avec notamment pour exigence le départ du tout nouveau, jeune et beau patron, Mathieu Gallet. La tendance de ce dernier à refaire à grands frais ses bureaux partout où il arrive, sans hésiter à annoncer la mise en retraite forcée (en langage ultralibéral, on dit "retraite volontaire") de 200 à 300 salariés pour des raisons d'économie des coûts, a visiblement ému.
Pourtant Mathieu Gallet est symptomatique de cette petite classe de parasites, oisifs et autres rentiers qui se font appeler dans les journaux qu'ils ont achetés "capitaines d'industrie", "investisseurs", "créateurs de richesse" et toutes ces sornettes pour cacher leur vrai nom : des détenteurs d'un capital obtenu grâce à de juteux profits prélevés sur la seule chose qui créé de la richesse, de la vraie richesse et pas des lignes de chiffres sur un compte en banque : les ouvriers, les employés, en somme les travailleurs.
A Paris, ces soi-disant "créateurs de richesse" possèdent des immeubles entiers à la construction desquels ils n'ont contribué pas même pour une seule brique ou une seule tuile. Mais papa ou tonton connaît le directeur de la BNP Caribou qui va leur avancer l'argent (le fameux capital) pour acheter ces immeubles ou les "construire" (pas une brique, pas une tuile de leurs mains cependant) et en tirer ensuite une confortable rente.
On ne sache pas que Radio France se caractérisait jusque-là par une dénonciation implacable de cette petite classe parasite. Et plutôt avait-on l'impression que, par modernisme et pour le progrès, contre les "archaïsmes", les privilèges et autres "acquis sociaux" (on parle plutôt chez ceux qui maîtrisent leur histoire des luttes ouvrières et qui savent ce que désigne "la semaine sanglante" d'Adolphe Thiers durant la Commune, de "conquis sociaux"), c'était cette petite classe qui s'étalait à longueur d'onde pour défendre son parasitisme, pour justifier les délocalisations, les profits faramineux du CAC40, pour dénoncer le "coût" du travail (contradictio in adjecto alors que le travail est précisément la seule source de richesses) et les grévistes "d'un autre temps" prenant en otage l'usager pour des revendications "passéistes". Vive la flexibilité (ou la "flexisécurité", sic), vive la Mondialisation des échanges, vive l'Europe qui protège, à bas Syriza et ces vilains grecs dépensiers qui voudraient pouvoir continuer à s'endetter sans rembourser (resic), à bas le Venezuela, Chavez et Maduro qui redistribuent inconsidérément la "rente" pétrolière aux classes pauvres et irresponsables (inversement donc, on imagine, vive le Turkménistan et son président élu avec 99% des suffrages qui fait construire avec le béton de Bouygues d'immenses palais inutiles ?).
Radio Patron se rebelle subitement. Radio Patron découvre que la grève, les grévistes, ce ne sont pas seulement des ouvriers hirsutes et alcooliques vociférant pour des privilèges d'un autre âge. Radio Patron se rend compte que l'ultralibéralisme s'appuie sur des chiffres truqués, des théories qui sur le terrain sont d'épouvantables naufrages, diffusées par des "experts" qui sont en vérité de vulgaires lobbystes dont jamais leur véritable statut ne sera donné à l'antenne (sur Radio Patron, on dit donc "experts", ou "économistes", "spécialistes"). En somme, Radio Patron découvre subitement que ce qu'elle diffuse dans toutes ses émissions,toutes ses matinales, tous ses bulletins de la mi-journée ou du soir, c'est de la vilaine camelote. Allez ! Encore un effort, Radio Patron ! Et peut-être qu'à force, on perdra cette impression que votre grève est seulement l'ultime geste de la grenouille se réveillant trop tard dans l'eau ultralibérale qu'elle a elle-même contribué à porter à ébullition.
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