Grève des médecins : la pilule du tiers-payant généralisé ne passe pas
Mobilisés depuis le mois de décembre, les médecins font bloc pour dénoncer le projet de loi Santé porté par Marisol Touraine, et plus particulièrement la généralisation du tiers-payant. Dans sa conférence de presse du 5 février 2015, le président Hollande a semblé esquisser un pas en arrière. Déclarations sincères ou habile manœuvre ?
Les professionnels de médecine unis dans la protestation. Médecins généralistes, spécialistes, syndicats de tous bords et même les internes en médecine : le projet de loi Santé réunit dans la protestation la grande majorité des professionnels de médecine. Depuis plusieurs semaines déjà les médecins pratiquent une grève administrative en refusant de prendre la carte Vitale. Pour être remboursés, les patients doivent donc envoyer une feuille de soins à leur centre de Sécurité sociale, le but étant d’engorger les services administratifs. D’autres actions ont également été menées, comme une journée de grève des internes en médecine, ou une opération « cabinets fermés » le 05 février 2015. Les syndicats se sont par ailleurs retirés des groupes de travail mis en place par Marisol Touraine pour repenser la réforme. Une journée de manifestation est également prévue le 15 mars 2015.
Les raisons de la colère. Crainte principale des médecins : la mise en place d’un système compliqué, dans lequel le médecin devrait relancer un certain nombre d’interlocuteurs pour obtenir le remboursement de la consultation. Un surplus administratif ingérable pour des médecins dont les journées sont déjà à rallonge. Autre inquiétude : déresponsabiliser le patient. Celui-ci n’ayant plus de reste à charge à payer perdrait peu à peu la notion de valeur d’une consultation. Ce sentiment de gratuité le conduirait à consulter plus fréquemment son médecin et augmenterait les dépenses de santé. Enfin les médecins craignent de mettre le doigt dans un engrenage qui les conduirait à dépendre des complémentaires santé pour être remboursés. Prenant le dessus sur une Assurance-maladie déficitaire et qui se désengage chaque année un peu plus, les mutuelles seraient alors en position de force pour contrôler le parcours de soin du patient. Elles seraient en mesure de lui imposer un parcours santé à l’intérieur du réseau de praticiens affiliés. Cela poserait indéniablement la question du libre choix du médecin, et celle de la garantie du secret médical entre le patient et le médecin.
La stratégie du gouvernement. Lors de sa dernière conférence de presse, le président Hollande est revenu sur le blocage entourant le projet de loi Santé, en indiquant que le tiers-payant ne sera généralisé « que si un mécanisme simple de paiement est possible pour les professionnels de santé ». Une façon habile de donner l’impression qu’il fait un pas en direction des généralistes, tout en donnant à penser que leurs revendications ne portent que sur l’aspect de gestion administrative et financière du tiers-payant. Dès lors, la mise en place d’un outil simple et efficace, comme la plate-forme actuellement finalisée par les organismes de complémentaire santé, devrait venir à bout des récriminations des médecins.
L’opinion publique, arbitre décisif. Dans un contexte de crise et de tensions sociales, le raccourci est vite fait entre une profession encore relativement bien lotie financièrement et des récriminations qui ne seraient que pécuniaires. La profession médicale va donc devoir fournir un nouvel effort de cohésion et de communication pour faire comprendre aux Français que leurs inquiétudes concernent en fait chacun d’entre nous et notre conception de la santé dans notre société. Un enjeu essentiel puisqu’au final, dans ce bras de fer entre le gouvernement et les médecins, l’arbitrage final reviendra à l’opinion publique.
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