Grève des professeurs le 22 mars : il n’y a pas que les EHPAD qui marchent sur la tête
Grève des professeurs du 22 mars : parce qu’il n’y a pas que les EHPAD qui marchent sur la tête.
Les autoproclamés spécialistes se congratulent un peu plus chaque année des résultats du bac #etenmêmetemps les profs râleurs et bon nombre d’études (TIMS, DEPP, PIRLS , PISA…) s’alarment de la baisse générale du niveau. Une situation qui ne pourra pas s’éterniser. Aussi, comme beaucoup d’enseignants j’attendais avec impatience des réformes et notamment la réforme du bac et de l’accès au supérieur comme un changement de direction… mais au lieu de cela le gouvernement ne propose que d’enfoncer l’accélérateur. Dans le viseur des enseignants, un système à la dérive et une réforme qui va à l’encontre de l’égalité des chances avec un bac qui cesse d’être un sésame pour l’entrée à l’Université.
I – Rappelons les bases : le tableau est-il si noir ?
En 1950-1970-1990, quels pourcentages d'une classe d'âge faisaient des études secondaires ? Moins qu'aujourd'hui. Comment évaluait-on le niveau de ceux qui n'en faisait pas ? On ne le faisait pas. Aujourd'hui plus de gens accèdent à l'université (et c'est très bien), donc forcément le niveau global de l'université baisse. Mais est-ce que le niveau de la classe d'âge baisse ? Pas certain. On appelle ce phénomène la massification scolaire.
L'université accueille avec une relative efficacité l'ensemble des bacheliers, et surtout les pauvres car ils ne peuvent pas aller en école de commerce, HEC, school of business etc…pour 15000 euros par an. Ces grandes écoles forment-elles mieux que les facultés ? Certains en ont l’impression parce qu’il y a une sélection à l’entrée… mais en réalité il s’agit d’une sélection par l'argent des parents, et non pas par le niveau intellectuel.
Alors tout va bien ? Pas tout à fait. Il serait malhonnête de tenter de tout pondérer en invoquant l’hypothèse selon laquelle des ‘’simplets’’ auparavant oubliés du système seraient venus ‘’bousiller les statistiques’’ jusque-là élitistes. A l’école primaire par exemple, l’ensemble de la classe d’âge a déjà accès depuis 20-30-50 ans et c’est pourtant une constatation régulière : le niveau baisse.
II – Pourquoi le niveau est-il en constante baisse ?
Le goût de l’effort n’est plus cultivé chez les élèves. Aujourd’hui ‘’le jeune’’ ou plutôt ‘’l’apprenant’’est considéré comme LA vrai richesse de l’école car c’est le nombre d’élèves qui déterminera les moyens alloués. Il faut donc les choyer, les divertir et les satisfaire. L’élève n’était déja plus traité comme le subordonné du maître quand j’étais élève, depuis quelques années il n’est plus traité comme l’égal du professeur mais comme un consommateur voire parfois un client roi. Toutefois, n’en déplaisent aux pédagogistes déconnectés de la réalité, les élèves sont aussi et surtout des enfants et des adolescents qui ont besoin de repères et de limites. Certains en manquent cruellement. Ainsi, dans la campagne normande (et pas en REP) au cours de cette année 2017-2018 j’ai vu ou eu écho de CPE se faisant insulter (2 CPE seulement mais à plusieurs reprises) d’une professeure dévouée et brillante démissionner, de professeurs se mettant en arrêt maladie à cause de leurs élèves (4 d’entre eux), faisant des malaises (3), se faisant frapper par un élève (2) sans qu’aucun élève ne soit sanctionné.
Les punitions qu’un professeur peut donner à faire dans une retenue doivent impérativement être appelées ‘’travail à faire’’ ce qui a deux conséquences très néfastes : premièrement, l’élève ne se sent pas véritablement puni par son professeur mais simplement ennuyé ; deuxièmement, il est conforté dans son dégoût de l’effort car le message que nous envoyons est : « le travail est une punition ».
On est loin du proverbe zen, ‘’si tu ne veux pas apprendre, rien ni personne ne pourra t’aider, si tu veux apprendre, rien ni personne ne pourra te stopper.’’
III – Contre la « réforme » du bac et les autres démantèlements du service public.
Dans l’école de la nation des Lumières, le savoir, savoir-faire, savoir-être et donc les cadres qui permettent aux élèves de les développer devraient être considérés comme des richesses. Au lieu de cela, ils sont considérés comme des charges qu’il faut optimiser. Pourtant, les enseignants arrivent à produire en 36 semaines les 1607h (et plus) qu’un employé du privé produit en 46 semaines. Quand ce rythme tantôt soutenu, tantôt explosif est conjugué au manque de reconnaissance et la dévalorisation publique, il en découle un désintérêt pour le métier, une baisse du nombre de candidats au concours et fatalement une baisse du niveau de recrutement. Par ailleurs et comme dans les EHPAD, certains ‘’bon professeurs’’ quittent leur métier par déontologie et droiture d’esprit plutôt que par une réelle incapacité à faire leur travail correctement.
Pourquoi donner une chance à tout le monde à l’école ? Pourquoi entretenir des voies peu fréquentées à la SNCF ? Pourquoi soigner des maladies incurables ?
Il faut se méfier avec obstination des discours qui proclament l'inefficacité de l’école, de l’université, de l’hôpital public, de la SNCF. Les services publics fonctionnent selon la motivation de l'Etat à y mettre l'argent qu'on prélève aux intérêts privés. Cette motivation est actuellement très, très faible. Aujourd’hui, l'école, l'hôpital, la justice font ‘’au mieux‘’ avec des budgets ridicules. Pourtant, à coût égal, l'université ou l’hôpital public sont bien plus efficaces que bien des structures privées.
Ces discours au nom de l'efficacité, de la lutte contre la dette, du bon sens (ce même bon sens qui a privé les femmes du droit de vote jusqu'en 1946) nous amènent à mettre ces choses précieuses qui NOUS appartiennent dans les mains des intérêts privés. Dans requiem for the American Dream, Noam Chomsky a dit « Si vous voulez supprimer un service public, commencez par baisser son financement. Il ne fonctionnera plus. Les gens s’énerveront, ils voudront autre chose. C’est la technique de base pour privatiser un service public. »
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