« Grosse Fatigue », un film devenu tellement commun
« Fatigué ». semble avoir été le maître mot depuis la fin des vacances d’été
- Avec des enfants fatigués par les nouveaux rythmes scolaires, dit-on.
- Avec des parents épuisés et par les transports et par les incertitudes.
Depuis quand le mot « fatigue » est-il devenu récurrent du vocabulaire quotidien des français ?
Parce que je suis surprise de ne pas m’en rappeler, mes souvenirs me ramènent en arrière. Ils me ramènent à l’époque de mon enfance.
La cantine n’existait pas et il n’était pas question que nous restions dans la classe pendant l’heure du midi. Nos instituteurs n’étaient pas payés pour faire de la garderie mais pour nous enseigner leur savoir.
Aussi, dès l’âge de 4 ans, mes camarades et moi parcourions, à pieds, par tous les temps, du lundi au mercredi et les vendredi et samedi, mille cinq cents mètres quatre fois par jour ; deux fois pour nous rendre du hameau où nous habitions jusqu’à l’école du village, et deux fois pour en revenir.
Les vacances s’étalaient du 14 juillet au 1er octobre mais les activités scolaire cessaient courant juin, dès après le Certificat d’Études des grands, pour laisser place à des activités de loisir. Et nous profitions également de quinze jours de vacances à Noël et à Pâques.
Autant qu’il m’en souvienne, nos matinées scolaires commençaient à 9 h. pour se terminer à midi et les cours reprenaient à 13h30 pour s’achever à 17h30 pour certains, à 18h30 pour le plus grand nombre et à 16h30 pour tous le samedi.
Le jour du Certificat d’Études ou de l’entrée en 6 ième, ils étaient peu nombreux ceux qui ne connaissaient pas toutes leurs tables de multiplications, qui ignoraient le nom des préfectures et sous-préfectures, le nom des fleuves français et leur longueurs ainsi que le nom des principaux canaux qui les reliaient, les dates de l’histoire de France, de Charlemagne à Louis XVIII, les dates des guerres et le nom des artistes révélés sous le règne du roi Soleil, sans pour autant oublier la botanique, l’instruction civique, et la gymnastique.
Quitter l’école à 17h30 n’avait rien d’un avantage qui signifiait seulement que les parents de l’élève accordaient à la loi la seule prérogative qui lui était impartie en rendant l’école obligatoire et se réservaient d’assigner à leur enfant les corvées qu’ils estimaient être en droit d’attendre de leur progéniture au détriment des devoirs et leçons.
Je faisais partie de ceux qui restaient jusque 18h30. Une heure consacrée à l’étude pour y faire nos devoirs et apprendre nos leçons sous la surveillance (mais sans l’aide) de l’instituteur rémunéré à ce titre par nos parents.
Et, même pour ceux (la grand majorité) qui étaient astreints à fréquenter le catéchisme, il nous restait assez de vitalité pour nous dépenser en jeux, randonnées et quatre cents coups les jours de congé.
Du temps où j’ai commencé à travailler, un car (vite bondé) partait le matin à 7 h. de la place du village pour conduire à la ville distante de quinze kilomètres ceux qui ne partaient pas, à bicyclette, dans des usines plus ou moins éloignées. Le retour par le car (bondé) se faisait avec un départ de la ville à 18h30.
Les horaires étaient établis pour 42 h. par semaine et la durée des congés payés s’étalait sur 3 semaines.
Puis je suis partie pour Paris où les prix pratiqués rendaient déjà inabordables les locations du plus petit studio pour les salaires modestes et où ne restait que le choix entre la pension ou la chambre de bonne au 6 ou 7 ième étage sans ascenseur.
Au moment de fonder une famille, pour les mêmes questions de budget, un logement en banlieue s’imposait avec des transports en bus, train et métro qui demandaient 1h30 de temps et plus le soir avec les attentes obligées à chaque changement de moyen de transport.
Nombreux sont les banlieusards qui partent ainsi entre 6h30 et 7 h. le matin pour n’être de retour chez eux que vers 19h / 19h30 le soir.
Mais, autant que je me le rappelle, jusque dans les années 1990, avec mes amis majoritairement banlieusards, nous n’étions pas anormalement fatigués.
Alors, qu’est ce qui a changé ?
- Parce qu’on ne pourra pas me faire croire que les enfants et les adultes sont moins résistants qu’autrefois.
- Parce qu’on ne me fera pas croire que les rythmes scolaires et le travail des adultes sont plus épuisants qu’ils n’étaient il y a 60 ans et même il y a seulement 25 ans.
Par contre si je ne crois pas que le rythme scolaire soit plus épuisant que du temps où j’étais écolière, je suis persuadée que la qualité de l’enseignement est en nette régression et que pour y remédier il suffirait peut-être que ceux qui établissent les programmes fassent preuve d’un peu d’humilité.
Faisant preuve d’humilité, il leur serait loisible de tenter de revenir aux bonnes vieilles méthodes qui avaient fait leurs preuves avec l’apprentissage du calcul, de la lecture, de la grammaire tels qu’ils étaient enseignés autrefois. Je suis certaine qu’ils seraient surpris du résultat et pourraient même se rengorger en prétendant avoir fait, eux, preuve de créativité.
Enfin, ceci est une digression qui éloigne du sujet de cette chronique : l’état constant (constaté) de fatigue des enfants et des adultes.
Pour ce qui concerne la fatigue des adultes, je crois qu’elle peut s’expliquer aisément
- par des raisons physiques liées aux transports de plus en plus pénibles entre la circulation de plus en plus intense, les difficultés rencontrées pour se garer, le coût d’entretien de leur véhicule pour ceux qui se déplacent en voiture, les grèves appelées pudiquement mouvements sociaux avec suppression ou retards récurrents de trains ou/et métro, tramways, bus, pour ceux qui se déplacent au moyen de transports en communs.
- par des raisons morales avec la précarité de l’emploi, les salaires démotivants, les augmentations constantes du coût de la vie et des charges et impôts, l’insécurité, qu’elle provienne soit d’individus malveillants, soit de l’alimentation ou du manque de soins médicaux.
- et sans oublier les méfaits de la télévision.
Je ne met pas en cause les programmes diffusés par les chaînes. Je crois que chacun y trouve de quoi le satisfaire puisque les ventes de téléviseurs ne diminuent qu’en fonction de leur remplacement par des tablettes et que les écrans augmentent de taille.
Non, ce que je déplore, c’est l’heure de diffusion des programmes du soir.
Longtemps, cette heure de diffusion pour les films, documentaires, débats, etc. a été fixée à 20h30. Puis, la publicité s’y installant de plus en plus (et il ne convient pas de s’en plaindre qui empêche que la redevance reste relativement raisonnable), l’heure a progressé, passant de 20h30 à 20h45. Et maintenant que la publicité s’y prélasse, rares sont les chaînes pour lesquelles il n’est pas rare de diffuser les programmes à partir de 21h05 voire 21h10.
Mais ces programmes ont toujours, soit la même durée qu’il y a une vingtaine d’années, soit sont encore plus longs qui ne se terminent pas avant 23 h. et même parfois 23h30.
Les adultes qui travaillent peuvent-ils dormir plus tard et rentrer chez eux plus tôt pour autant ?
La réponse est non, bien évidemment. Donc, c’est leur temps de sommeil qui en pâtit.
Quant aux enfants, ils subissent forcément le mode de vie de leurs parents. Ce qui revient à les réveiller très tôt le matin pour, en fonction de leur âge, les conduire à la crèche ou chez une nourrice ou en garderie avant l’heure d’ouverture de l’école.
Le soir, ils ne peuvent faire autrement que rentrer chez eux à la même heure que leurs parents qui les ont récupérés à la crèche, chez la nourrice, ou à la garderie après la fermeture de l’école.
Une fois chez eux, c’est parfois en s’amusant ou en regardant la télévision et souvent en apprenant des leçons (puisqu’ils sont censés ne pas avoir de devoir en dehors des heures scolaires) avec, pour les plus chanceux, l’aide de l’un des parents, qu’ils attendent le repas du soir préparé par l’autre parent.
Avec le temps nécessaire pour consommer le repas, pour procéder à des ablutions, comment les enfants pourraient-ils être couchés avant 21 heures ?
Pour être réveillés le lendemain entre 6 et 7 heures.
Certes, les enfants jouissent d’une durée de sommeil variant de 9 à 10 heures mais les pédiatres vous le diront : C'est l'heure du lever qui doit déterminer l'heure du coucher des enfants. Un enfant levé à 7 h. devrait être couché à 19 h., au plus tard à 20 h. Plus l'enfant se lève tôt le matin, plus il devrait se coucher tôt le soir.
Je crois donc que l’évidence s’impose que la fatigue généralisée des enfants et des parents tient surtout et avant tout à une dénaturation de notre système de vie.
Et l’Éducation Nationale pourra donc remanier les rythmes scolaires dans tous les sens, cela ne changera strictement rien.
Et tant que les adultes seront contraints de travailler loin de leur lieu d’habitation en même temps qu’ils auront à redouter la précarité de leur emploi et qu’ils se déplaceront dans des conditions astreignantes, ils resteront fatigués.
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