Guerre Civile ?
Même si je ne suis pas de son bord, je ne déteste pas Manuel Valls. Sa fébrilité verbale quasi sarkozienne, marque de faiblesse et d’émotivité, me le rendrait plutôt sympathique. Hélas, il vient de faire un sacré pas de clerc en déclarant que « Le FN peut conduire à la guerre civile ».
Ce dérapage, car c’en est un, révèle beaucoup de choses.
Tout d’abord, un premier ministre de devrait jamais déclarer qu’une guerre civile est possible. D’autant plus que si une guerre civile éclatait en France, ce serait très vraisemblablement pour des raisons exogènes. Nul besoin d’un dessin n’est-ce-pas…
Ensuite, un premier ministre ne devrait jamais paniquer. Or l’invective de Manuel Valls sent la panique, voire le désespoir. On y entend le bruit sourd d’une dernière cartouche mouillée.
Soit dit en passant, le budgétivore Bartolone ne fait guère mieux avec son « C'est Versailles, Neuilly et la race blanche qu'elle défend en creux ». Nul besoin d’être grand psychanalyste pour imaginer le Président de l’Assemblée Nationale identifiant Valérie Pécresse à une nouvelle Marie-Antoinette qu’il faudra bien, par la force des choses, conduire à l’échafaud. Et de se voir, bonnet phrygien sur le chef, montant sur Versailles à la tête d’une troupe du 93 afin de déloger l’insupportable clone de la veuve Capet. Oui, il y a bien des fantasmes de guerre civile dans les plis des mots de Claude Bartolone !
Pour la majorité de nos hommes politiques, la politique est un gagne-pain. Perdre son siège est doublement dramatique. D’abord, sur le plan pécuniaire c’est évidemment dommageable ; plus encore, sur le plan personnel, c’est la cata : fini ce petit jeu excitant où il faut habilement ne pas laisser transparaître sa condescendance sous ses airs compatissants, oubliées ces flatteries reçues du peuple, retombée cette ivresse de puissance qui vous fait tenir droit toujours et partout, évanouie cette jouissance d’accorder ses faveurs, envolés ces millions d’euros qu’on ventile royalement dans des budget démagogiques…
La politique est une drogue fortement addictive. Rien n’est pire, quand on y a goûté, que de s’en faire sevrer par le peuple. En France, en 2015, de nombreux politiciens, de toutes couleurs, font des gris-gris du nom " République " et de l’adjectif " républicain ". Ils les brandissent de façon incantatoire à tout bout de champ comme si notre République était en danger. Inconsciemment – et c’est là où je veux en venir – ils se rêvent en grands prêtres inamovibles du système. Pour conforter leur obsession, ils moralisent dans tous les azimuts. En fait, ils échafaudent une morale qui puisse transcender la démocratie, qui permette de rejeter "moralement" le verdict des urnes, qui justifie la guerre civile comme ultime recours. Une morale salvatrice en quelque sorte. Je vous laisse alors le soin d’imaginer où pourraient bien se nicher les risques de guerre civile dans notre pays.
Manuel Valls a commis une énorme bévue. A n’en point douter, il a entendu les membres de sa famille évoquer les horreurs de la guerre civile espagnole. Peut-être craint-il qu’une telle tragédie se produise en France mais qu’il se rassure : si le peuple peut légitimement porter le FN au pouvoir, il saurait aussi l’en chasser par le truchement des urnes s’il jugeait cela salutaire.
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