Guerre Daesh - Syrie : Tous les chemins mènent à Damas ?
Ça y est ! Les Etats-Unis et la France mènent des opérations militaires sur le sol syrien. Ils se battent contre les pires ennemis de « notre monde » : les islamistes de l’EI (le Daesh). Les « égorgeurs », pour reprendre la formule de Laurent Fabius. Mais jusqu’où Français et Américains iront-ils dans la chasse à ces criminels ? Peu importe ! Ces monstres doivent être éradiqués de la surface de la planète. On les traquera partout où ils iront… Même jusque dans le Palais de Bachar el-Assad, à Damas ? Ah…

Un bon matin on pourrait entendre crier « hourra ! On les a eus » ! Oups, et Bachar par la même occasion ! Vive la Syrie libre ! Vive la Syrie débarrassée de Bachar el-Assad ! Vive la révolution syrienne !
C’est un scénario digne d’Hollywood mais qui, en réalité, prend forme. Les Russes commencent déjà à hausser le ton pour dénoncer les bombardements français et américains sur le sol syrien sans l’autorisation de l’Etat syrien[1]. Car si les bombes visent les combattants islamistes, elles n’épargnent pas les populations civiles dont il faut rappeler qu’elles appartiennent à une nation, la nation syrienne dont le garant de la sécurité est le président Bachar el-Assad. En droit international, aucune puissance n’est habilitée à mener des opérations sur le territoire d’un Etat souverain sans l’accord des autorités nationales. Dans un précédent article, nous avons expliqué les conditions requises par la Charte des Nations unies et, plus globalement, le droit international, pour qu’une intervention comme celle que mènent Français et Américains en Syrie, puisse être justifiée sur le plan du droit[2]. En gros, une armée étrangère ne peut agir sur le sol syrien qu’avec l’autorisation de l’Etat syrien. A défaut, elle doit être en situation de légitime défense face au pouvoir central syrien, ou munie d'un mandat de l’ONU. Aucune de ces conditions n'est remplie dans le cas des bombardements en cours.
Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni avaient été empêchés d’intervenir en Syrie l’an dernier faute d’avoir obtenu un vote favorable au Conseil de sécurité de l’ONU où Russes et Chinois brandissaient la menace d’un veto. L’affaire du bombardement des populations au gaz sarin dans un quartier de Damas, n’avait pas suffi à justifier une intervention armée des Occidentaux contre Damas. Les autorités syriennes avaient tout de suite accepté l’envoi d’enquêteurs internationaux, alors que le Premier ministre britannique, David Cameron, essuyait un camouflet devant son Parlement. Le « non » des parlementaires britanniques avait eu pour effet de couper les Américains dans leur élan.
Jusqu’à ce que se produisent ces effroyables décapitations, soigneusement filmées, copieusement diffusées dans les « grands médias » mais sur lesquels nous n’avons pas fini de nous interroger. Devoir d’information ou stratégie du choc destinée à rallier les opinions occidentales à une opération militaire qui n’a pas pu se produire l’année dernière, faute d’avoir rempli les conditions de la légalité internationale ?
En tout cas, après le traumatisme généré par ces images crues et abjectes, personne ou presque, ne s’interroge sur le mandat des opérations militaires engagées dans la foulée. On aurait dû passer par le Conseil de sécurité de l’ONU et tenter un énième projet de Résolution autorisant une opération militaire sur les territoires des Etats souverains. Trop prévisible ! Les djihadistes ont fait l’affaire. Ils ont profondément blessé les Occidentaux par ces actes d’extrême cruauté et procuré aux Etats-majors un blanc-seing dans leurs opinions nationales respectives. « Nos » armées ont à présent les mains libres pour agir. Même en dehors de la légalité internationale. Le Daesh a ouvert la porte de la Syrie aux armées occidentales. La route de Damas est à présent à portée de main. Le régime de Bachar aussi.
Tout l’art de la guerre repose sur la surprise et la duperie. Il faut dissimuler son véritable but final. Et il faut attaquer là où on ne vous attend pas[3]. Enfin, faut-il toujours le rappeler, « la première victime d’une guerre c’est toujours la vérité » [4]. On y est ?
Boniface MUSAVULI
[1] Valéri Ageev, « En bombardant la Syrie, les USA font sauter le droit international », Radio La Voix de la Russie, 28 septembre 2014.
[2] B. Musavuli, « Peut-on intervenir en Syrie en respectant le droit ? », Agoravox, 23 juin 2013 ; Rosa Brooks, “So You Want to Intervene in Syria Without Breaking the Law ? Good luck with that”, FP, June 20, 2013.
[3] Sun Tzu, L’art de la guerre, Champs classiques, Ed. Flammarion, revue, 2008.
[4] Hiram Warren Johnson (1866 - 1945), sénateur américain.
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