Guerre des Gaules, la bataille de Bavay
En 57 avant J.C., Jules César remportait une victoire décisive sur une coalition de peuples de la Gaule du Nord. Dans l'édition "Les belles lettres" des Commentaires, le général romain la relate en neuf pages, ce qui prouve bien son importance. Soutenus par leurs alliés, 60 000 Nerviens combattirent avec une extrême bravoure. Comme Bonaparte au pont d'Arcole, César prit l'épée d'un soldat et se porta au premier rang. (Résumé de mon article du 27 janvier 2017)
Le terrain que son élément précurseur avait choisi pour établir le camp était un "jugum" (sommet, hauteur). De ce sommet, le versant (collis) descendait en pente régulière vers le fleuve Sabim (l'Ecaillon). De l'autre côté de la rivière, le versant montait de même sur une bande de terrain dégagé, large d'environ 200 pas jusqu'à la lisière d'une forêt très épaisse où le regard ne pouvait pénétrer. L'ennemi s'y était caché. Sur la partie découverte, on ne voyait que quelques postes de cavaliers. La profondeur de la rivière était d'environ trois pieds.
Pour la clarté de mon exposé et dans mon hypothèse, j'ai représenté le camp au double qu'il était probablement.
LE DISPOSITIF GAULOIS. Le point le plus favorable pour surveiller et interdire le gué de l'Ecaillon - porte d'entrée de la cité de Bavay - est à rechercher entre le lieu-dit "Le calvaire" (cote 92 sur la voie antique) et les hauts du village de Bermerain. Et en effet, c'est bien là qu'ont été mis au jour les importants vestiges d'un site antique connu sous le nom d'Hermomacum. Selon les historiens locaux, ce site aurait été détruit au IIIème siècle. Le mouvement de terrain tenu par les Gaulois (en vert sur la carte qui suit)) va de Vendegies-sur-Ecaillon, à gauche, jusqu'à la Folie, côte 106, à droite. La lisière derrière laquelle leurs premiers éléments étaient probablement embusqués suit l'actuelle départementale 85. Manifestement, l'intention des Gaulois était d'interdire le passage de part et d'autre de la voie antique, soit par une action défensive, soit plutôt par une action offensive du type embuscade. Le dispositif (en vert sur ma carte) aurait pu être le suivant : à l'aile droite, entre Vendegies-sur Ecaillon et la voie antique, les Atrébates ; entre la voie antique et Bermerain, les Viromandues ; entre Bermerain et La Folie, les Nerviens (à l'aile gauche et en réserve d'intervention). Les Atuatuques n'étaient pas encore arrivés.
LES ROMAINS ENGAGENT LE COMBAT. (ci-dessus en rouge). Conformément à l'habitude, les éléments d'éclairage, cavaliers, frondeurs et archers franchissent la rivière et livrent des combats d'escarmouches sur la bande de terrain dégagé avec les cavaliers gaulois qui s'y trouvent.
ATTAQUE BRUTALE DES GAULOIS DEPUIS LEUR AILE DROITE. (ci-dessous en vert). Depuis leur aile droite, les Gaulois surgissent de la lisière et montent à l'assaut. Les Romains qui ont franchi la rivière sont balayés. Ceux qui le peuvent s'enfuient en direction du camp. Progressant au pas de course, les Atrébates arrivent sur la 9ème légion qui se trouve à l'extrême gauche romaine, ainsi que sur la 10ème. Ces deux légions ont tout juste le temps de lancer, plus ou moins bien, le javelot.
Heureusement pour eux, les Atrébates sont essoufflés par leur longue course. Plus près du centre, les Viromandues entrent en contact avec la 11ème et la 8ème légion qui, surprises, n'ont pas le temps de lancer l'arme de jet. A cet instant précis, on se rend compte que César a mal apprécié la situation, se préparant à une bataille frontale qu'il prévoyait probablement pour le lendemain ou les jours suivants. Ses troupes ont été surprises et il a manifestement perdu la maîtrise des opérations. En fait, c'est grâce à la valeur militaire du légionnaire que la situation s'est retournée.
Les quatre légions (en rouge) repoussent les Atrébates jusqu'à la forêt et les Viromandues jusqu'à la rivière. Mais en s'éloignant ainsi, la 11 ème et la 8 ème légion laissent à découvert la face avant du camp qu'elles étaient censées protéger, offrant ainsi à Boduognatos, le commandant en chef des Gaulois, les conditions favorables à une contre-attaque massive depuis son aile gauche (en vert).
A la lecture des Commentaires , on devine que l'objectif de Boduognatos était d'attaquer le camp romain alors que les légions étaient occupées à l'installer et cela dès que le convoi de bagages romain aurait été en vue (pour faire le plus de dégâts possible dans la plus grande confusion). Dans ce but, il a lancé toute son aile droite à l'assaut. Malheureusement, privée du soutien que les Atuatuques auraient pu lui apporter s'ils avaient été au rendez-vous, son aile droite est contrainte au repli face à l'aile gauche romaine.
Remarquant, à ce moment-là, que le devant du camp romain se trouvait très imprudemment dégarni - probalement l'avait-il prévu - Boduognatos lance alors dans la trouée toutes les forces de son aile gauche et ses réserves dans l'intention suivante : 1°/investir le camp, 2°/écraser sous le nombre les deux légions très imprudemment laissées seules pour le garder, 3°/incendier le train des équipages de l'adversaire.
Ces 11ème et 8ème légions étant donc parties à la poursuite des Viromandues comme je viens de le dire, les lègions qui marchaient en fin de colonne n'étant pas encore arrivées, c'est la 12ème légion qui a encaissé le véritable "coup de poing" lancé par le chef gaulois. La 4ème cohorte de cette légion a perdu tous ses centurions et dans les autres cohortes, ils ont tous été tués ou blessés. Face aux troupes d'élite du chef nervien, il a fallu l'intervention personnelle de César tant la situation était devenue critique. La confusion était à son comble. Les Nerviens avaient pris pied dans le camp. Ils contournaient et enveloppaient les deux légions placées en contre-bas, lesquelles, n'étant plus protégées sur leurs flancs, avaient été contraintes de se replier autour du point haut où la 12 ème légion avait planté les enseignes, ajoutant à la confusion. Formant le dernier carré, ou plutôt le cercle, les soldats étaient tellement pressés les uns contre les autres qu'ils ne pouvaient même plus manier leurs épées.
Voyant que le camp était investi, les valets s'enfuyaient tandis qu'en contrebas, les cavaliers, archers et frondeurs, décimés lors du premier engagement, et qui revenaient au camp pour s'y réfugier, refluaient en le voyant occupé par les Nerviens, et se remettaient, eux aussi, à fuir dans toutes les directions. En même temps, le convoi de bagages arrivait et les convoyeurs, pris de panique, ne savaient plus où aller.
QUELLE ETAIT L'INTENTION DE MANOEUVRE DU CHEF GAULOIS ? A la lecture des Commentaires , on devine que l'objectif de Boduognatos était d'attaquer le camp romain alors que les légions étaient occupées à l'installer et cela dès que le convoi de bagages romain aurait été en vue (pour faire le plus de dégâts possible dans la plus grande confusion). Dans ce but, il a lancé toute sa ligne de bataille à l'assaut, de sa droite au centre. Malheureusement, privée du soutien que les Atuatuques auraient pu lui apporter s'ils avaient été au rendez-vous, son aile droite a été contrainte au repli face à l'aile gauche romaine.
Remarquant, à ce moment-là, que le devant du camp romain se trouvait très imprudemment dégarni - peut-être l'avait-il prévu - Boduognatos a alors lancé dans la trouée ses 60 000 (?) Nerviens, dans l'intention suivante : 1°/investir le camp, 2°/écraser sous le nombre les deux légions très imprudemment laissées seules pour le garder, 3°/incendier le train des équipages de l'adversaire.
LABIENUS RENVERSE LA SITUATION AU PROFIT DES ROMAINS. Mais revenons du côté de l'aile gauche romaine. Labiénus, après avoir repoussé et poursuivi les Atrébates, avait progressé jusque dans les hauts de Bermerain. Il s'était emparé du "castrum" des Nerviens. Du haut de la tour principale, il a vu que César se trouvait dans une situation extrêmement critique. Aussitôt, il a envoyé à son secours la 10ème légion qui a pris les Nerviens à revers. En même temps, les deux légions qui suivaient le convoi des bagages sont arrivées sur le champ de bataille au pas de course et ont chargé les Nerviens en les prenant de flanc. C'est à ce moment-là que la fortune des armes a changé de camp.
Mais l'ennemi, écrit César, alors même qu'il ne lui restait plus d'espoir, fit preuve d'un tel courage que, quand les premiers étaient tombés, ceux qui les suivaient montaient sur leurs corps pour se battre, et quand ils tombaient à leur tour et que s'entassaient les cadavres, les survivants, comme du haut d'un tertre, continuaient à lancer leurs traits et renvoyaient les javelots qui manquaient leur but.
CONCLUSION
Il faut se rendre à l'évidence et il faut le dire franchement. En faisant remonter à l'époque gallo-romaine tout un patrimoine qu'il aurait fallu attribuer aux Gaulois du temps de l'indépendance, nos historiens, archéologues, écrivains, érudits, responsables culturels, médiatiques et politiques, se sont trompés. Les "castra" gaulois de Bermerain (Hermomacum) étaient de solides fortifications gauloises... en pierre.
Il en était ainsi de Bavay. Cette formidable citadelle aux vestiges remarquables a-t-elle été fondée ex nihilo sur terrain vierge par les Romains comme l'affirme une archéologie officielle ? N'était-ce pas déjà la capitale des Nerviens bien avant l'arrivée de César. Cette chaussée Brunehaut dont on retrouve la trace merveilleusement rectiligne sur le terrain, entre Amiens et Bavay, et que la carte de Peutinger désigne avec sa station d'Hermomacum, n'est pas une ancienne voie romaine ; elle existait déjà en ce temps-là. Et dans toute la Gaule, c'était probablement ainsi.
Aussi, est-ce une très grave erreur que de faire croire à nos concitoyens qu'à l'époque de Vercingétorix, la Gaule, ça n'est rien, ça n'existe pas (cf. "Le dossier Vercingétorix" de M. Christian Goudineau, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire des Antiquités Nationales, page 238).
Emile Mourey, Château de Taisey, 10 janvier 2022
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