Alors que le
gouvernement cherche à réveiller l’élan économique national (certes avec quelques maladresses rhétoriques), d’autres continuent de
nous asséner des pilules de sinistrose. Ils alimentent, parfois à leur insu, une désinformation
préjudiciable au moral de la nation, à laquelle s’oppose Michèle
Alliot-Marie qui affirme, dans son dernier livre, l’urgence «
d’en finir avec le sport national qu’est devenu l’autodénigrement. Parlons
plutôt du génie de la France »,
(Ce chêne qu’on relève, Odile
Jacob, 2005).
Ainsi Michèle Cotta, dans un article du Nouvel
Economiste intitulé « La
France malade de ses cerveaux » (N°1313, p.14), nous dit
sa déception face au classement mondial des universités françaises. Faisant
référence au classement de l’université Jiao Tong de Shanghaï, Mme Cotta
fustige les hommes politiques qui croient encore à « l’enseignement
obligatoire, laïque et gratuit », dénonce paradoxalement la fuite des
cerveaux en même temps que la médiocrité (sous-entendue) de notre enseignement supérieur. Répondons
d’emblée que si les cerveaux de nos chercheurs étaient effectivement mal formés, ils
ne seraient pas accueillis à bras ouverts aux Etats-Unis. Il y a donc une évidente contradiction dans
le discours de Mme Cotta. Par ailleurs, la référence au classement de
l’université de Shanghaï est-elle
fiable et intentionnellement neutre ? Certes nous ne nierons pas la place d’Harvard et de Cambridge, ni
même les prix Nobel, encore moins les citations dans les index scientifiques,
ou les auteurs les plus cités. Simplement nous devrions nous interroger sur ce
système de classement et sur celui des publications scientifiques et, en corollaire,
sur leur impact en termes d’indexation. Mme Cotta ignorerait-elle que les
Américains ont pratiquement le monopole des publications à fort « Impact
factor » et que, de ce fait, ils contrôlent stratégiquement les flux, canaux
et réservoirs de connaissances ? Combien de chercheurs français se sont ainsi
vu refuser ou retarder un article par un scientific board, et cela afin de
laisser à un chercheur américain le temps de rédiger le sien et de bénéficier
de fait de l’antériorité de ses travaux ? Quid des stratégies d’influence (voir
la candidature de Paris aux JO) qui conduisent plus sûrement une équipe au prix
Nobel que la seule qualité de ses recherches et publications ? Mme Cotta devrait reconnaître que le prestige est avant tout une question de stratégie de communication dont la France et l’Europe, je le lui accorde, semblent cruellement manquer.
En disant, dans un discours simplicateur, sa déception face à la recherche
et à l’enseignement supérieur français, tout en célébrant l’enseignement
libéral anglo-saxon, Mme Cotta ne contribue-t-elle pas à promouvoir le
négativisme ambiant ? Serait-elle de fait la victime inconsciente du « perception
management » à l’américaine, ou de l’auto-désinformation à la française ?
Certes, l’enseignement supérieur est perfectible. Certes, notre recherche mérite d’être valorisée. Mais pour tout dire, et sans tomber dans un patriotisme économique de circonstance, ni dans un parti pris politiquement correct, lorsque j’achète un billet de TGV avec
ma carte bleue, et que je regarde l’Airbus A380 dans le ciel des
Pyrénées, ma préférence va vers les propos optimistes et le sourire volontaire du ministre de la défense.